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dimanche 1er décembre 2019 à 12h

Assemblée fondatrice du collectif

« Faire commune! »

Une maison des peuples, à Paris, rue de Bagnolet. Ouverte pour accueillir des personnes en situation de précarité, en faire un lieu de partage pour les divers fronts de luttes, pour toutes celles et tous ceux aussi qui sont dans le besoin, elle a été violemment évacuée par les forces de l'ordre, le 17 novembre. Le pouvoir veut décidément tout mettre en œuvre, et d'abord la violence répressive, pour empêcher toute auto-organisation, toute expérience libre, tout espoir. Il n'empêche : au même moment, une autre maison des peuples a vu le jour à Grenoble. Elles surgissent, elles reprennent vie, ces maisons du commun. À Commercy se prépare pour janvier une rencontre des communes libres. À partir du 5 décembre, le mouvement de grève peut changer radicalement la situation du pays. Des forces se rejoignent, se consolident, s'assemblent. Nous lançons le collectif Faire commune pour mettre en œuvre et en pratique ces espérances et ces liens.

« Il n'y a pas d'alternative. » Les inégalités se creusent de manière vertigineuse. Les rapports marchands colonisent des territoires pourtant longtemps préservés, de l'éducation à la santé, de la culture à l'environnement, dans le sport, dans nos loisirs, dans ce que nous mangeons, écoutons et regardons… Le capitalisme, sous les traits particuliers du néolibéralisme, envahit nos corps et nos vies. La planète est en état d'urgence climatique et environnementale vitale. Tandis que les formatages publicitaires prolifèrent, la compétition et l'esprit d'entreprise devraient être vénérés. De prétendus critères de rentabilité s'imposent aux services publics désormais. L'accroissement des inégalités en tous genres prend une forme extrême à Paris, une ville qui accueille les plus grandes fortunes et où beaucoup ne peuvent pas même se loger. Le stress, l'anxiété et parfois l'angoisse s'emparent des existences, à l'heure où le burn out est en passe de devenir l'une des pathologies de notre temps. Mais « il n'y a pas d'alternative » : on nous l'a assez répété.

Les gardiens de l'ordre misent sur notre résignation et notre passivité. Ces experts parlent du travail d'après son « coût », assimilent la protection sociale à des « charges », font passer des régressions pour des « réformes », opposent qui a un travail et qui n'en a pas, qui est né ici ou qui ne l'est pas. Et il faudrait acquiescer à cet ordre-là, à son organisation sociale fondée sur la course au profit et l'inégalité, sans autre forme de procès ? « Il n'y a pas d'alternative », répètent ces maîtres à penser.

Nous voulons montrer l'exact opposé, à l'échelle de nos quartiers et bien au-delà. Nous entendons ne pas accepter le monde tel qu'il va et ne va pas. Le monde des évadés fiscaux, du CAC 40 et des marchés financiers n'est pas le nôtre et nous voulons en construire un autre. C'est une certitude : il y a d'autres manières d'imaginer nos vies, notre rapport à l'éducation, au travail, au temps libre et à la création. Contre le discours dominant et tout-puissant, nous pouvons convaincre celles et ceux qui connaissent bien la violence au quotidien. La violence du mépris social. La violence du chantage à l'emploi qui conduit parfois à tout accepter, fait voler en éclats les solidarités et jusqu'à la dignité parfois. La violence de la souffrance au travail, au chômage, de la mise en concurrence, du management par l'obéissance. La violence des contrôles au faciès et des discriminations. Les violences sexistes et sexuelles. Telle est la véritable violence de ce monde-là, où deux millions de personnes vivent avec moins de 700 euros par mois, où les bidonvilles réapparaissent selon l'Observatoire des inégalités, quand les dividendes du CAC 40 affichent 57 milliards cette année. Et il faudrait toujours plus « s'adapter » au monde tel qu'il est, être plus flexible, plus précaire, être corvéable et finalement jetable ?

Il vient un temps où ça ne marche plus : il semble que ce temps soit venu. Les mouvements sociaux récents offrent de prendre le temps, collectivement, de poser des questions majeures. Notre tâche est immense mais beaucoup l'ont déjà commencée : celles et ceux qui ont accumulé des connaissances, scientifiques et pratiques, sur l'état de ce monde, luttent dans les quartiers, sur le terrain, dans des syndicats et des associations, combattent la violence sociale, politique et policière, la violence environnementale, le racisme et les discriminations, défendent une émancipation de nos sexualités, inventent du commun.

Nous venons d'horizons différents mais nous nous rejoignons dans le rejet d'un monde où la pauvreté et la précarité côtoient les richesses éhontées, où la concurrence et la loi du marché saccagent l'environnement, épuisent et brisent, à petit feu, les gens. Nous pensons que le capitalisme n'est pas de tout temps et, même, qu'il a fait son temps.

Ce n'est en rien théorique et nous voulons le montrer en pratique, avec un projet municipal qui parte des habitantes et habitants, de leurs besoins et de leurs souhaits. Un projet que nous élaborerons avec elles et avec eux, au cours d'assemblées de quartiers, sur la base de deux axes : l'entraide et les biens communs. Pour nous, l'engagement n'est pas un marché politicien, mais une application pratique de ces mises en commun. Avec lucidité bien sûr, quant aux obstacles, aux difficultés et aux limites. Mais avec le bonheur de percevoir des solidarités, de la bienveillance et de la confiance. Le bonheur encore de réveiller nos imaginaires, notre part de rêve assumé, mais réaliste et dont l'urgence s'impose un peu plus chaque jour.

Ce projet se mène avec et pour celles et ceux qui vivent ici : peu importent la nationalité, le statut, les papiers d'identité : des habitantes et habitants, des personnes qui travaillent ici, à partir de leurs savoirs et de leurs savoir-faire. L'expertise est là, dans la diversité de ces savoirs : venus des sciences, des expériences, de l'engagement sur le terrain et des luttes sociales. Nous souhaitons montrer comment est utilisé l'argent public - et dénoncer les aberrations qui en découlent, par exemple, pour les futurs JO, entre gentrification, disparition accélérée des logements sociaux et pollution. Nous voulons renseigner la population sur l'emprise foncière et ses usages. C'est à elle de prendre les choses en mains.

Il s'agit d'affirmer notre « droit à la ville ». Dans ce droit, il y a l'idée d'une vie bonne, d'une vie juste et digne, où l'entraide est une clé de voûte. Nous rattachons cette aspiration à une organisation non-capitaliste de la vie. À la compétition, nous voulons substituer la coopération. Au « temps c'est de l'argent », nous répondons : prenons le temps. À la destruction des espèces, au saccage de la planète, nous répondons : protection, circuits courts, attention constante au vivant. Des études solides ont montré que les productions agricoles d'Ile-de-France suffiraient à nourrir sa population. Contre la logique du marché, nous défendons les principes du droit et de la gratuité. Oui, il faut développer les « gratuiteries » et les échanges non marchands. Il faut ouvrir des lieux pour mettre en œuvre cette entraide et la créativité que ce monde de la marchandise et de la consommation obsédante ne nous permet pas de déployer. Ouvrir, donc, des centres sociaux, des centres culturels, des lieux d'expression artistique, des lieux d'accueil. Tant de choses sont à imaginer pour reprendre le pouvoir sur la vie quotidienne et pour une véritable commune : réquisitions de logements vacants, accueil digne pour les personnes en migration, coopératives de production et de consommation, écoles à taille humaine, monnaie locale, maisons du peuple, agoras ouvertes…

Avec le collectif « Faire commune », nous ferons tout pour faire entendre notre voix, à l'échelle de nos quartiers, de la ville. Quel que soit finalement le résultat, nous aurons fait entendre cette voix-là parce qu'elle nous semble aussi nécessaire que salutaire. Et ce ne sera qu'un début…

[L'assemblée fondatrice du collectif aura lieu ce dimanche 1er décembre au Lieu-Dit. Elle se déroulera de 12H à 16H et commencera par le partage d'un repas: que chacune et chacun apporte une petite chose à manger. Nous remercions Hossein pour son hospitalité.]

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/75031
Source : http://fairecommune.mystrikingly.com
Source : message reçu le 25 novembre 21h