mercredi 27 mai 2009 à 19h
Projection débat "Des mots, des visages"
https://paris.demosphere.net/rv/8756
Mercredi 27 mai 2009 à 19h00 à l'Espace Cambrai :
Paroles de migrants, parole donnée aux migrants, portraits.
Séance autour de films documentaires et de fiction.
« Circulez, y'a rien à voir ! »
L'association Paroles d'images présente son troisième cycle de ciné-débats, autour d'une thématique commune : la migration et la libre circulation des personnes. L'occasion de découvrir et d'échanger autour de courts métrages et autres formes audiovisuelles…
Source : http://www.paroles-dimages.fr/pages/frames/se...
Source : http://www.paroles-dimages.fr/pages/frames/se...
L'association Paroles d'images
L'association Paroles d'images a pour objet la réflexion collective autour de l'image en mouvement. Parce qu'une oeuvre vidéo ou cinématographique ne s'arrête pas à son générique de fin, nous souhaitons prolonger l'expérience en développant des échanges entre spectateurs. Selon nous, ce que l'on appelle aujourd'hui « éducation à l'image » ne se limite pas aux ateliers de création et au jeune public. C'est pourquoi l'idée de médiation de l'image, de spect-acteur ainsi que la notion de parole sont au centre de notre projet. Le débat permet d'aller au-delà des images et de leur signification première. Le partage de connaissances, d'expériences et la problématisation du rapport aux oeuvres cinématographiques et vidéo, nous semblent dès lors essentiels.
Propositions pour une médiation des images en mouvement
Depuis plus d'un siècle, les images en mouvement ont fait leur intrusion dans la société (1895). Depuis plus de quatre-vingt ans, elles font l'objet d'un questionnement lié à l'éducation (Cinémathèque Robert-Lynen de la ville de Paris en 1925). Depuis plus de cinquante ans, le cinéma est devenu un objet d'étude universitaire (Sorbonne, 1948).
Aujourd'hui, les individus, jeunes et plus âgés, passent de nombreuses heures devant la télévision , devant un ordinateur, etc. Le cinéma est d'ailleurs la sortie culturelle favorite des français . Ces derniers consultent dans leur majorité Internet, ils jouent avec des consoles, réalisent pour certains de petits films avec leurs caméras, avec leurs Webcams et autres appareils téléphoniques. Les images, qu'ils rencontrent, sont divertissantes, violentes, artistiques, informationnelles, etc. Les images qu'ils produisent peuvent être à destination du cercle familial ou s'adresser au monde entier (Web 2, Youtube , etc.). Les images créées par les amateurs côtoient alors les réalisations des médias traditionnels, dont les principaux émetteurs continuent d'être les Etats et les grands groupes commerciaux. Souvent gratuites ces images s'imposent au regard, alors que d'autres sont plus rares et leur visionnage est plus compliqué. Un constat s'impose donc, nous sommes immergés au pire dans une société du spectacle ou tout du moins dans une vidéosphère où « l'image est omniprésente ». Pour autant faut-il en conclure, que nous sommes arrivés à l'heure du « village global » si cher à Mac Luhan ? Il nous semble que non, car les inégalités sociales et culturelles lors de la réception de ces images restent saillantes . De plus, il s'agit de ne pas oublier que celles-ci demeurent des productions culturelles qui s'inscrivent dans un contexte particulier, et qui sont difficiles à appréhender, à identifier, à classer, car le plus souvent ces images sont des hybrides : artistiques et divertissantes, informationnelles et spectaculaires. Difficiles à appréhender, enfin, car les spectateurs pensent souvent pouvoir les interpréter, les assimiler sans s'interroger sur leur sens, leur contexte de production, leur histoire.
L'éducation nationale est souvent restée en retrait par rapport à ces transformations sociétales, des chercheurs constatant même « une incompréhension entre enseignants, élèves et médias » (F. Mariet). Aujourd'hui certains professeurs continuent encore à transmettre les savoirs uniquement par l'écrit, l'image fixe et cantonnent l'image en mouvement à l'éducation artistique, aux ateliers de pratique ou à une fonction illustrative. En parallèle, ce sont les mouvements liés à l'éducation populaire, les associations petites et grandes (Kyrnéa, International, Braquage, Cinex par exemple), les salles de cinémas, les télévisions numériques , les cinémathèques, etc. qui promeuvent une éducation aux images. Notons cependant que de nouvelles dynamiques sont à l'oeuvre depuis une vingtaine d'années. Elles proviennent parfois de professeurs isolés, mais ces actions sont également intégrées aux programmes et sont issues d'institutions reconnues telles que le Clémi, l'UNESCO, l'INA ou de la Maison des Enseignants de Grenoble (festival de l'éducation au cinéma). Enfin, un processus de professionnalisation du secteur est également en cours (master à: Paris 3 , Lyon 2oe). Cependant, la création d'un champ de recherche et d'action commun reste problématique, car une catégorisation forcément mutilante est souvent encouragée. Le traitement des images doit répondre à des questionnements, soit esthétique, soit de communication, soit de marketing, soit d'arts plastiques, soit de cinéma, etc., alors que les images et les médias sont tout à la fois, forme et fond, et échappent à ce type de classement. Pour autant, il semble impossible de passer outre un questionnement sur la définition des pratiques et du champ dans lequel on souhaite travailler.
Un projet en forme de point d'interrogation
C'est dans ce contexte que nous avons créé l'association Paroles d'images, qui a pour objectif de questionner le regard que nous portons sur ces différents types d'images en mouvement (liste ci-dessus). Concrètement, la réalisation d'un Blog: www.parolesdimages-leblog.fr rend compte de cette volonté de participer à une réflexion sur les pratiques, en même temps qu'à une mutualisation des savoirs et des savoir-faires. Ainsi, les paroles d'universitaires (André Gunthert, Ehess), de programmateurs (Jean- Marie Génard, Rendez-vous de l'histoire de Blois), d'intervenant- réalisateurs (Sébastien Ronceray, Braquage), ont été collectées entre les mois d'octobre et de décembre 2007 (ainsi que lors d'une conférence réalisée en avril 2007 à la Sorbonne). Les huit mêmes questions leurs ont été posées sachant que leurs réponses ne pouvaient être les mêmes. L'objectif final par l'adjonction sur la toile de ces points de vues toujours basés sur une pratique des images, permet de définir un champ des possibles toujours mouvant de ce qu'est l'éducation aux images. Ce que nous avons voulu faire ressortir est le fait que ces personnes qui travaillent dans différentes disciplines, différentes directions, sont en fait sur un même champ. L'arbre aux images, évoqués par Pierre Mathios (Apte, Poitiers) est celui auprès duquel ils s'abritent tous. Ce travail de recueil des paroles en images fait donc reculer l'idée de segmentation. La réalisation de Mind Map à partir des réponses faites montrent bien qu'il est illusoire de vouloir éduquer par les images, sans éduquer aux images, que les actions menées dans les classes doivent s'articuler avec celles des salles de cinéma, etc. Cette démarche réflexive se marie avec une pratique de terrain. En effet, entre les 4 et 17 février 2007, quatre membres de Paroles d'images, seront présents afin de rendre compte la Biennale du Cinéma d'éducation à Grenoble. Il s'agira de filmer les différentes facettes de cet évènement afin de faire ressortir ce qu'est concrètement l'éducation aux images, à travers l'observation participante d'un cas précis. Il s'agit de lier pratique et réflexion, chaque action de médiation constituant un espace/temps de pratiques concrètes et de mise en question de celles-ci. Cette volonté qui se traduit aujourd'hui par la création d'un blog s'articule avec le développement depuis 2006 des « Cinéchanges », forme de médiation dont nous nous proposons d'exposer les enjeux et les premières réalisations. La forme de ces séances est toujours la même. Un étudiant- médiateur (qui a été accompagné par l'équipe de l'association) présente trois à cinq courts métrages (environ une heure de programme), puis anime un échange avec le public (environ une heure). Ces activités sont issus d'un questionnement autour de trois axes complémentaires, soit la transdisciplinarité des approches, la médiation des images en mouvement et enfin l'appréhension/ interprétation des formes visuelles par les publics .
La transdisciplinarité des approches
Partons de l'exemple concret des courts métrages que nous avons présentés à la Sorbonne. Il s'agit de films , de l'expression d'une sensibilité, c'est en premier lieu à ce titre que nous les avons mis en question. Nous avons présenté leurs spécificités, le cas échéant leur inscription dans une tradition formelleoe en somme, leurs qualités intrinsèques. Il nous semble également important de saisir que ces films permettent de poser des questions relatives à l'éducation civique, à l'histoire, aux études culturelles, à l'économie, à la sociologie, à la politique (éducation par l'image). Il s'agit également de prendre en compte la dimension médiatique de ces productions et ainsi d'interroger le regardant sur les spécificités du médium et sur son influence sur la nature du message transmis. Plus encore, c'est en recoupant ces différentes dimensions oe artistique/ médiatique / civico- politique - que l'on est à même de comprendre ces objets culturels. Il s'agit , en fait, de prendre en compte la société dans laquelle ils ont vu le jour et dans laquelle ils sont reçus, non pas, comme un facteur annexe, mais comme un élément essentiel.
Ces médiations sont éminemment politiques dans la mesure où elles ont à faire avec la vie de la cité. Elles ne visent jamais à imposer un point de vue politiquement orienté, mais par une sélection de films et leur agencement, à créer un discours que chacun doit pouvoir s'approprier. Par exemple, lors de la séance organisée sur les discriminations, il ne s'agissait pas seulement de dénoncer des injustices, mais plus de montrer leurs diverses manifestations et représentations. L'idée n'est pas de critiquer le médium cinéma (ou télévision) en tant que tel, mais de s'interroger sur les différentes significations dont les films peuvent être porteur (niveau du fond et de la forme). Concrètement, nous avons choisi de confronter un film d'archive colonialiste destiné à une diffusion dans les écoles entre les deux guerres, un film d'animation beaucoup plus récent et un film d'actualité citoyenne. Lors de deux débats (avril 2007), les problématiques soulevées ont fait ressortir que si les formes de discriminations changeaient celles-ci restaient vivaces. On a également pu s'interroger sur le contexte historique (de l'émetteur et du récepteur), sur les réalisateurs de ces messages et enfin sur le fait que ces derniers ne maîtrisent pas entièrement le sens de ce qu'ils effectuent. Le principe est toujours de donner des éléments d'interprétation qui seront ensuite mobilisables par les spectateurs à d'autres moments.
Pour conclure sur ce point, il nous semble que les échanges que nous mettons en place travaillent les frontières traditionnellement admises, aussi bien entre générations qu'entre milieux sociaux. Face aux images chaque membre de la communauté civile est interpellé et peut être amené à s'interroger et à interroger ses pratiques de spectateur. Le cadre, l'artisan, l'ouvrier, le fils d'employé et le fils de patron, peuvent être également passionnés et/ou révulsés par les images qu'ils reçoivent/consultent. Les limites, entre d'un côté une culture dite savante et de l'autre une inculture dite généralisée, se fissurent alors. Pour autant, comme cela a été souligné dès l'introduction, le but n'est pas de céder à une conception post-moderne d'une société sans classes sociales et dans laquelle les médias participeraient à la naissance d'une démocratie du tout culturel . De plus, c'est très conscients des limites de nos réalisations concrètes - projection à la Sorbonne- que cette volonté d'aller vers des publics divers nous anime au quotidien.
Une médiation des images en mouvement
Revenons à présent sur le terme d'éducation, car il ne nous semble pas recouvrir la réalité des actions que nous menons . Nous proposons d'adopter le terme de médiation des images. Celui-ci est conçu comme un complément à la didactique et à la pédagogie des images qui est plus centrée sur des publics scolaires et périscolaires. Nous mettons l'accent sur les échanges de sensations et de savoirs entre pairs (vs. transmission) ces derniers pouvant avoir lieu à tous les âges de la vie. L'idée est de réduire la violence symbolique à l'oeuvre lors de la transmission verticale d'un savoir. Concrètement cet objectif pourrait être atteint par la mise place de formation de médiateurs provenant des milieux dont les publics sont issus. Nous souhaitons également ouvrir des questionnements (vs. diffuser un savoir) et apporter des clefs de lecture, une méthode. Nous proposons une médiation en présence, d'objets par nature médiés (écrans, reproductibilité des supports, dématérialisation), afin de permettre un espace de rencontre entre les différents récepteurs de ces messages. Il ne s'agit pas de promouvoir un illusoire retour à l'agora, mais de proposer un moment singulier qui permette une autre approche des productions médiatiques. Il nous semble enfin important de parler du langage lui-même, que ce dernier soit visuel, oral ou musical, car il est au centre de notre questionnement.
Appréhension et interprétation des formes visuelles
Nous souhaitons aussi mettre en question les relations entre "spectateur" et "créateur". S'il s'agit évidemment d'appréhender l'oeuvre, de chercher à comprendre son message, sa forme et son fond, nous souhaitons, au même titre, nous intéresser au regardant. Il nous semble important d'insister sur le spectateur, sur sa liberté d'interprétation, de reconnaître sa subjectivité et de l'aider à prendre du recul par rapport aux images (dépasser la sidération, P.Meirieu). A ce titre le spectateur est et devient donc un spect-acteur (E.Morin).
Cet aspect est renforcé, par le fait que la distinction classique, entre récepteur (spectateur) et émetteur (artiste, chaîne TV), est remise en cause par le développement des nouvelles technologies (accès plus facile aux moyens de production : caméra DV, webcam et de diffusion : blog, dailymotion ). Cette relative démocratisation de l'accès aux images animées nous semble renforcer, la nécessité d'une médiation/ éducation à ces dernières, non pas uniquement d'un point de vue critique, mais également, car elles doivent être prises en compte, comme faisant partie de notre réalité quotidienne. Le médiateur joue alors le rôle d'un intermédiaire temporaire entre l'objet visuel et le spect-acteur. Il tend l'oreille, prête et emprunte le verbe, la caméra, donne les clefs et sait quitter l'espace. Pour autant, notre démarche n'est pas centrée sur la création de formes visuelles, mais sur la mise en place d'échanges intersubjectifs comme fin en soit. Ainsi, si nous souhaitons mettre en place des ateliers (grattage sur pellicule en avril 2007). L 'appréhension et l'interprétation ne sont pas forcément, selon nous, un moment, avant un passage à l'acte de création.
Pour conclure nous souhaitons insister sur notre conscience aigue du caractère ponctuel des actions que nous menons en direction des publics. Il s'agit donc d'ouvrir des pistes de réflexions que chacun pourra continuer d'alimenter ensuite. De plus, les actions menées par l'association sont conçues comme autant de laboratoires qui permettent de faire évoluer, d'ajuster, de repenser, ce que nous voulons mettre en place. Par exemple, c'est uniquement suite au premier Cinéchange que le rapport frontal entre les intervenants et le public lors des échanges a été modifié. C'est seulement après quelques projections que nous avons systématiquement invité le public à venir observer le système de projection, rendant la technologie actrice de la séance (projecteur 16mm). C'est uniquement après une intervention très réussie, mais n'étant pas une médiation, qu'il nous a semblée nécessaire de développer des outils pratiques de travail avec les médiateurs- étudiants, etc. Enfin, il est à parier que le nouveau cycle qui se déroulera en 2008 autour des relations entre images et histoire conduira à de nouvelles évolutions de ces propositions.
Nous ne savons comment insister suffisamment sur la notion de plaisir qui guide l'ensemble des actions que nous mettons en place depuis maintenant plus d'un an. Il nous reste à nous excuser pour ce texte, car le verbe écrit devrait s'effacer derrière une pensée en images.
Remy Besson
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