samedi 3 janvier 2009 à 20h
Les panthères dressent la table !
https://paris.demosphere.net/rv/7355
prendre des forces pour faire la révolution, le samedi 3 janvier à partir de 20h
C’est quoi les Panthères roses ?
Principes et incertitudes - Interview collective - septembre 2003
Paru dans "Ainsi Soient Elles", journal de "La Lune"
Quand et pourquoi la nécessité, si ce n’est l’urgence, de mettre sur pied un "réseau de pédégouines énervées par l’ordre moral, le patriarcat, le sexisme, le racisme, le tout sécuritaire, les régressions sociales"s’est elle fait ressentir ?
L’idée a germé au moment des présidentielles 2002, de la campagne ultra-sécuritaire, à droite comme à gauche, aux résultats du premier tour le 21 avril et à l’avènement du gouvernement moralo-sécuritaire actuel. Nous n’avons pas trouvé alors de réponse à la mesure de ces attaques parmi le mouvement LGBT. Après quelques mois passés à réfléchir à l’outil le plus approprié pour contre ces attaques, nous sommes apparues publiquement pour la première fois en décembre 2002 à l’occasion des premières manifestations contre la guerre en Irak.
D’où vient le nom de Panthères roses ?
D’une promenade dans un zoo. Nous y avons été frappées par l’invisibilisation dont les Panthères Roses font l’objet au sein de cette institution animalière. Toutes sortes de bovins et pas une seule Panthère Rose, rendez-vous compte. Il fallait rompre ce silence.
Panthères roses ... difficile de ne pas penser aux Black Panthers mais également en analysant quelque peu le discours et les actions au FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) (par exemple la reprise à votre compte de l’insulte pédégouines pour la détourner en instrument de visibilité et de fierté). Y-a-t-il un lien de parenté ou en souhaitez vous un ?
Que cela reste entre nous, mais oui, nos parents (parents non biologiques) sont bien Angela Davies et Guy Hocquenghem. Mais bon la parentalité c’est dépassé... Cela dit, la porte ouverte par le FHAR sur un mode d’action provocateur, sur une présence au sein des cortèges du 1er mai, ainsi que 30 années de luttes féministes, LGBT et Queer (MLF, UEH, GLH, Act-Up ...), ont nourri notre pensée politique. S’il n’y a pas de filiation directe, nous prenons la mesure de ce qui a été fait et pensé (Foucault, Wittig, et d’autres ...). Et tout comme celle des Black Panthers qui, partant de leur point de vue particulier, élaborèrent un véritable projet de société, notre démarche est combattive et procède d’une rupture, plutôt que d’une intégration, une assimilation.
Les Panthères Roses, un pavé dans la mare des hétérosexistes, mais peut-être aussi un pavé dans la mare gay qui, en grande majorité, depuis l’avènement du PACS pense que tout va pour le mieux et s’est considérablement dépolitisée ?
Nous ne souhaitons pas rompre avec le mouvement LGBT classique, mais il y a un vide que nous voulons combler, des attentes de la part de certains gays, de certaines lesbiennes auxquelles nous voulons répondre. A l’heure actuelle, aucune résistance n’est opposée à la montée de l’ordre moralo-sécuritaire. C’est pourquoi nous opérons un retour à des modes d’action percutants. C’est à la communauté gay et lesbienne que nous nous adressons, afin qu’elle renoue avec une réflexion politique et que sa visibilité soit assurée au sein du mouvement social qui peut se nourrir de l’apport particulier des gays et des lesbiennes.
Beaucoup de motifs de rugir en ce moment, y a-t-il des choses qui vous font plus rugir que d’autres ?
Nous avons été surpris, lors de la Marche des Fiertés 2003, par le décalage entre une Marche bon enfant, où toutes les tendances semblaient s’accorder pour lutter contre les discriminations, et un contexte politique dégradé (éviction de la CADAC et de l’APGL du Conseil Supérieur de l’Information Sexuelle, mission Boutin sur le suicide des jeunes). En dépit des apparences, il s’agit d’une Marche très majoritairement gay et apolitique qui ne remplit même plus sa fonction minimale de fierté et d’affirmation. De notre point de vue, l’invisibilisation quotidienne des lesbiennes et la répression policière à l’encontre des pédés, par exemple sur les lieux de drague, sont toujours d’actualité. Et au-delà, nous déplorons les tentatives du gouvernement pour conférer à l’embryon le statut de personne et donc remettre en cause le droit à l’avortement, en créant un délit d’interruption involontaire de grossesse. Et nous dénonçons le retour à une rhétorique familialiste, à tous les niveaux. On nous assène que famille est le garant de certaines valeurs, d’une morale et d’une solidarité. Est-ce un hasard si le CSIS préfère Familles de France et l’Association des Familles Catholiques aux féministes et aux homos ? Est-ce un hasard si les associations familialistes ont un poids grandissant dans les comités de censure ? Derrière la rhétorique se profile l’abandon de la solidarité collective au profit de solidarités privées. Au final, qui devra assumer les solidarités collectives quand l’Etat ne remplira plus son rôle ? La famille bien sûr ! Aux parents d’assumer financièrement l’éducation de leurs enfants. Aux enfants de subvenir aux besoins de leurs parents qui ne disposeront pas d’une retraite décente. Quid des personnes vivant seules ? Issues de milieux pauvres ?... Débrouillez-vous !
Quels sont vos moyens d’action ? Peut-on dire qu’ils sont provos ou est-ce plutôt les réponses des tenants de cet ordre moral justement décrié qui sont disproportionnées et anachroniques ?
Oui, nos méthodes sont provocatrices. La provocation et la dérision ont deux fonctions, désarmer l’hétéroppresseur et mettre en lumière, au sein du mouvement LGBT, les problèmes, les contradictions et les blocages. La provocation a aussi comme intérêt de pousser l’ordre moral à apparaître au grand jour. Cela a été le cas quand des Panthères roses se sont fait arrêtées pour « corruption de mineurs » au cours d’une action de prévention devant un lycée. Nous ne cherchons pas ce genre de réponse disproportionnée, mais cela nous aura montré qu’elles ne sont pas anachroniques mais bel et bien d’actualité, et que les menottes des flics sont bien moins agréables que celles que l’on peut avoir chez soi.
De quelle société rêvez vous pour demain ?
Nous n’avons pas de projet de société global, parce que la société dans laquelle nous vivons ne nous permet plus de rêver. Nous ne disposons que de pistes, de points qui nous importent et à partir desquels nous pouvons penser et percevoir les possibles : le refus de l’ordre naturel, fondé sur une distinction entre les sexes, selon une grille de lecture biologique, et de l’assignation à des rôles sociaux sexués qui en découle ; la mise en place de droits sociaux individuels, indépendants des statuts administratifs et professionnels des personnes, qui nous paraît être une première étape nécessaire.
Comment voyez-vous évoluer votre réseau pour qu’il gagne en efficacité et en audience dans un futur proche et ... plus lointain ?
Nous sommes favorables à tout projet similaire et souhaitons tisser des liens avec d’autres structures et rendre possible un travail en réseau, même si notre association n’est ni internationale, ni même nationale. Nous envisageons d’amorcer ce travail en réseau par une participation au prochain salon de l’agriculture, un partenariat à vie avec Dalida. Des propositions des Verts, du PS et le l’UMP sont à l’étude.
Les Panthères roses, septembre 2003.