thème : travail
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mardi 1er octobre 2019 à 19h30

Rencontre avec Robert Kosmann

Sorti d'usines - La "perruque" un travail détourné

éditions Syllepse, 2018

C'est une espèce d'OVNI, un livre inattendu, un beau travail dans tous les cas! Robert Kosmann, perruqueur à la retraite de son état, lève toute ambiguïté sur la pratique de la perruque. On ne parle pas de travail au noir ou de vol, mais bien d'une réappropriation de l'outil de travail par le détournement de matériaux ou d'outils appartenant à l'entreprise. Si l'acte est souvent ludique, il a également été utilisé lors de grèves - comme ce fut le cas lors de la grève des ouvrières de LIP. Robert Kosmann (qui fut ouvrier et contribue au dcitionnaire Maitron) a recueilli de nombreux témoignages sur ces pratiques, dont les récits sont ponctués par des photos.

Qui sait, cela pourrait vous donner des idées?

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/73110
Source : https://www.facebook.com/events/5312162709660


« Sorti d'usines »

La «perruque», un travail détourné

Robert Kosmann

La définition que donne le Larousse du terme «perruque» nous permet d'entrer directement dans le vif du sujet : «Fraude de l'ouvrier qui, détournant quelque matière appartenant à son employeur, la détourne à son profit.»

Cette pratique transgressive consiste donc à utiliser matériaux et outils sur le lieu de travail, pendant le temps de travail, dans le but de fabriquer un objet en dehors de la production de l'entreprise.

Formellement interdite, parfois tolérée, la perruque exprime le savoir-faire des ouvrier·es astreint·es le plus souvent à des tâches répétitives et monotones.

Entre tolérance et clandestinité, entre vol et dû, entre labeur et loisir, entre habitudes et transgressions, entre individualité et appartenance au groupe, la perruque est tout cela à la fois.

La perruque permet de percevoir que les organisations humaines, même les plus rationalisées et les plus encadrées, comportent des interstices de «liberté» et c'est précisément dans ces espaces que se glissent les « perruqueurs ».

L'auteur, fraiseur mécanicien, a pu interroger des dizaines de « perruqueurs » sur leurs bricolages et leurs créations. Il trace également un tableau complet des débats, des études sur cette contestation du travail prescrit.

Un témoignage d'un salarié de Renault cité dans le livre permet de comprendre l'ampleur du phénomène : «Mon premier travail sur une perruque fut officiel. Il s'agissait de façonner les pédales, en bois composite, pour la construction d'un pédalo grandeur nature réalisé pour un directeur. Puis, devenu responsable d'un site laser de découpe, j'ai été amené à faire tout un tas de perruques dans divers matériaux (acier, matière plastique, bois, etc.) pour les copains. En fait tout ce qui pouvait se découper à plat : grille de barbecue, pièces diverses, porte-clés, pins, éléments décoratifs. […] Ce qui m'intéressait, c'était la perruque informatique.»

Malgré la désindustrialisation relative, cette pratique est-elle encore actuelle ? L'auteur s'interroge, à partir d'exemples récents, sur sa permanence et son expression dans les entreprises de services et dans les bureaux.

Des opinions émises par des sociologues, ethnologues et anthropologues du travail éclairent la discussion: «La perruque est non seulement une résistance ouvrière à l'ordre industriel mais aussi une forme de résistance au désordre industriel», les perruqueurs justifiant « un droit de préemption au nom d'une bonne gestion du gaspillage industriel ».

Un livre album illustré de 190 perruques en couleur à mettre dans toutes les mains.

Robert Kosmann

Entré chez Renault en 1973 comme fraiseur, il milite à la CGT. Licencié après la fermeture de l'usine de Saint-Ouen, après une période de chômage et de précarité, il s'inscrit à l'université Paris 8, il est ensuite salarié de l'administration des impôts et syndicaliste à l'Union syndicale Solidaires.

Retraité, il se consacre à la réalisation de biographies ouvrières pour le Dictionnaire Maitron, en même temps qu'il publie plusieurs articles sur la «perruque».

Source : https://www.syllepse.net/sorti-d-usines-_r_64…