thème : sans-papiers
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samedi 20 juillet 2019 à 14h

Manifestation migrants « Stop Dublin »

« Les dublinés doivent s'organiser pour être entendus et respectés »

United Migrants

samedi 20 juillet 14h - 18h

Départ place de la Chapelle
Arrivée place de Stalingrad

  • pour l'abrogation du règlement européen Dublin
  • pour la non application à titre immédiat du règlement Dublin en vertu de son article 17
  • pour le libre choix du pays d'accueil des demandeurs d'asile
  • pour l'arrêt des suppressions abusives de l'accès aux conditions matérielles d'accueil aux dublinés
  • pour l'arrêt des mises à la rue des dublinés via le renforcement du contrôle administratif

Que reste-il aujourd'hui des droits sociaux et du droit à l'hébergement pour les personnes sous procédure Dublin ?

"Ils n'ont pas vocation à s'installer en France" ou encore "ils sont de passage", voilà les explications données par les pouvoirs publics pour justifier une telle prise en charge des personnes subissant le règlement Dublin.

Si la procédure Dublin ne date pas d'hier, ses dernières réformes ont eu un impact dévastateur chez les personnes souhaitant déposer une demande d'asile en Europe ces dernières années. Les travailleur-ses sociaux accompagnant des "Dubliné-es" remarquent depuis plusieurs années combien ce règlement bafoue le droit fondamental à demander l'asile ou dans le meilleur des cas rallonge la durée d'attente avant de pouvoir déposer sa demande, laissant ces personnes dans la précarité et la peur d'être expulsé. Ce règlement précarise à différents points de vue des personnes déjà extrêmement vulnérables au fil de leur procédure.

Les Conditions Matérielles d'Accueil (CMA)

A leur arrivée en France, la majorité des personnes en demande d'asile sont placées sous procédure Dublin, soit en raison d'une prise d'empreinte sur le chemin vers la France, soit parce qu'elles ont déjà demandé l'asile dans un autre pays de l'espace Schengen et que celle-ci a échouée. Si une personne souhaite être hébergée et qu'elle se trouve à Paris, elle doit se présenter dans un accueil de jour qui l'orientera ensuite vers un Centre d'Accueil et d'Examen Administratif (CAES). Lors de sa prise en charge au CAES, un tri est effectué selon sa situation administrative (réfugié, procédure normale, Dublin, ou même en fuite...). Il est alors question notamment de savoir si la personne a le droit de bénéficier des Conditions Matérielles d'Accueil (CMA) (hébergement de la part de l'OFII et allocation pour demandeurs d'asile) et si une orientation vers un dispositif d'hébergement est possible. Si une personne n'a pas de CMA, elle n'a pas le droit à un hébergement, elle doit donc retourner à la rue.

Le droit aux CMA est ouvert au premier passage d'enregistrement du guichet unique par l'OFII après que le demandeur d'asile ait obtenu sa première attestation de demandeur d'asile auprès de la préfecture.

Si les personnes sous procédure Dublin obtiennent le bénéfice des CMA à leur arrivée en France, rares sont celles qui les gardent tout au long de leur procédure d'asile. En effet, les préfectures mettent aujourd'hui en place tout un dispositif d'intimidation et d'expulsion à l'encontre des Dubliné-es. Une fois l'arrêté de transfert remis, la préfecture va convoquer la personne afin de la placer en rétention et/ou l'assigner à résidence afin de l'expulser avant la fin du délai légal pour le faire. Si la personne ne se présente pas à l'une de ces convocations, elle est aujourd'hui systématiquement déclarée en fuite par la préfecture qui prévient l'OFII afin de retirer le droit de bénéficier des CMA. On peut également noter le caractère aléatoire du risque de l'expulsion qui dépend ddes préfectures ou des particularité des situations des personnes. En effet, si certaines préfectures sont lentes à appliquer la procédure, les personnes finiront par passer en procédure normale sans arrêté de transfert ou convocation à risque, alors que d'autres sont devenues expertes à l'organisation du transfert, ne laissant le choix aux Dubliné-es qu'entre un transfert effectif ou une rupture des droits aux CMA.

Les personnes ont alors le choix entre prendre le risque de se faire expulser ou perdre l'accès à des droits fondamentaux à savoir : se nourrir et avoir un toit au dessus de sa tête. Un placement en fuite prolongeant le délai légal de transfert de 12 mois supplémentaires, cela signifie que la personne ne pourra pas demander l'asile avant les 18 mois suivants la date d'accord de transfert du pays en question. La personne en fuite est alors privée de ces droits fondamentaux pendant un an de plus.

Depuis quelques mois nous assistons également à un retrait de ce droit aux CMA même lorsque la personne n'est plus en procédure Dublin et passe en procédure normale. Les CMA sont refusées au motif que la personne n'aurait pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités (parfois alors même qu'un Tribunal Administratif juge le placement en fuite abusif et ordonne l'enregistrement de la demande d'asile de la personne). Nous avons également remarqué qu'une fois un recours engagé auprès du Tribunal Administratif contre l'OFII, une promesse de rétablissement des CMA est communiquée par l'OFII par son service contentieux. Pour autant, de nombreuses personnes attendent plusieurs mois le rétablissement de ces droits après ces « promesses ». Le Conseil d'État vient d'ailleurs de valider cette pratique.

Le contrôle administratif à travers l'hébergement

Pour les personnes orientées par le CAES vers un hébergement, il peut s'agir de différents types de structures:

  • Centre Provisoire d'Hébergement (CPH) : les CPH hébergent et accompagnent des personnes déjà reconnues réfugiées ou bénéficiaire d'une protection subsidiaire.
  • Centre d'Accueil pour Demandeurs d'Asile (CADA) : les CADA hébergent et accompagnent des personnes pendant le temps de l'instruction de leur demande d'asile (procédure normale ou accélérée), en cas de réponse négative la personne a 1 mois pour quitter les lieux, en cas de réponse positive la personne a 3 mois renouvelables une fois après une demande auprès de l'OFII pour quitter son hébergement.
  • Hébergement d'Urgence pour Demandeurs d'Asile (HUDA) : les HUDA ont les mêmes modalités d'accueil que les CADA a la différence près qu'ils hébergent également des personnes en procédure Dublin jusqu'à leur transfert effectif. Le cadre légal n'est aujourd'hui pas encore très précis pour les Dubliné-es mais en résumé : les HUDA accueillent des personnes bénéficiant des CMA.
  • Centre d'Accueil et d'Orientation (CAO) : les CAO ont été créés pour les personnes évacuées de la jungle de Calais, aujourd'hui leurs modalités ressemblent à celles des HUDA.
  • Programme d'Accueil et d'Hébergement des Demandeurs d'Asile (PRAHDA) : les PRAHDA hébergent des personnes de différentes procédures avec la particularité que la préfecture peut assigner à résidence des personnes Dublinées au sein du centre.

Comme on peut le noter le parc d'hébergement des Dubliné-es étant plus restreint les possibilités d'orientations sont moins nombreuses et les familles en procédure Dublin sont souvent contraintes d'attendre la fin de cette procédure à la rue ou en hôtel à Paris avant de pouvoir bénéficier d'un hébergement adapté.

Au 1er janvier 2019 en région parisienne d'importants changements ont eu lieu en matière d'hébergement. En effet,les Centre d'Hébergement d'Urgence pour Migrants (CHUM) ont été transformés pour la grande majoritéen HUDA, et quelques un en CPH. Les premiers CHUM avaient été créés à l'été 2015 pour répondre en urgence aux campements parisiens. Les CHUM dépendaient du Code de l'Action Sociale et des Familles et été financés par la DRHIL. Légalement les personnes pouvaient se maintenir dans ces centres jusqu'à l'orientation vers un autre hébergement. Une personne déclarée en fuite ou n'ayant pas ou plus le bénéfice des CMA avait tout à fait le droit de s'y maintenir en principe tout du moins.

Après une période transitoire de 3 mois, l'OFII a repris la main sur les anciens CHUM devenus HUDA, et les notifications de fin de prise en charge ont déjà commencé à être envoyées aux gestionnaires des HUDA depuis début avril. La plupart des personnes concernées par ses décisions de remises à la rue sont des personnes en procédure Dublin déclarées en fuite, ou ne l'étant plus mais n'ayant pas récupérer le bénéfice des CMA. Depuis le début de ses notifications plusieurs associations gestionnaires ont rassuré leurs salarié-es en affirmant qu'aucun recours ne serait entrepris à l'encontre de personnes se maintenant dans les lieux malgré la notification de l'OFII et qu'ils continueraient d'être accompagnés comme auparavant.

Pour autant, aucun de ces gestionnaires n'a communiqué publiquement sur la question et il est important de questionner la qualité d'accompagnement social réservé aux Dubliné-es quand le cahier des charges des HUDA prévoit seulement que les professionnel-les « délivrent tout courrier ou document relatifs à la procédure Dublin (convocations, bons de transport...), informent l'étranger des implications et du déroulé de la procédure de transfert, de la possibilité de bénéficier d'un transfert volontaire, de la nécessité de coopérer avec la préfecture et les autorités administratives en vue de la réalisation du transfert, (…), des conséquences auxquelles il s'expose en cas de non coopération ».

L'application de ce changement radical dans les structures d'hébergement va assurément provoquer une remise à la rue massive de nombreuses personnes n'ayant plus les CMA (principalement des Dubliné-es ou ex-Dubliné-es), que ce soit parce que les personnes acceptent de quitter leur hébergement par crainte de représailles ou parce que la préfecture (et peut-être certains gestionnaires de centres) sera allée au bout des procédures d'expulsion des personnes concernées.

Le début d'une procédure Dublin est déjà source d'angoisse pour les personnes concernées car elles vivent dans la crainte d'une expulsion vers un pays, qui souvent aujourd'hui, menace de renvoyer vers le pays d'origine par ricochet, mais son application en elle-même a des répercutions dramatiques sur la santé psychique et physique des demandeur.euse.s d'asile (stress, difficultés à dormir, se concentrer, dépression, comportements à risques ou addictifs...). Les Dubliné-es se retrouvent coincés dans un dilemme cornélien entre d'un côté un risque d'expulsion, et de l'autre la perte d'un droit à l'hébergement et à une allocation de subsistance. L'hébergement et l'alimentation sont des conditions nécessaires pour tous et toutes afin de pouvoir envisager de vivre dignement et ainsi de pouvoir prendre soin de sa santé. Les pouvoirs publics attendent des personnes, dès lors qu'elles ont obtenu une protection internationale, qu'elles parlent la langue et qu'elles soient employable dès l'obtention du statut alors même que durant tout ce parcours de demandeur-euse-s d'asile, 'ils leur font subir des parcours maltraitants, bafouant le droit à être hébergé, se nourrir et se soigner.

Un système inefficace, hypocrite et inhumain

Ces éléments concernant les CMA des Dubliné-es démontrent déjà en quoi le règlement Dublin maltraite les personnes étrangères, mais en plus d'être injuste, il est souvent inefficace et fait perdre du temps à l'ensemble des acteur.trice.s concerné.e.s. En effet, la plupart des personnes en procédure Dublin finissent par déposer une demande d'asile en France et beaucoup d'entre elles obtiennent le statut de réfugié ou une protection subsidiaire quand elles ont la possibilité d'exposer leurs motifs de demande d'asile. Tout ça à bout de souffle, souvent plusieurs années après leur entrée en France et après maintes audiences au Tribunal Administratif, que ce soit contre la préfecture ou l'OFII. Les Dubliné-es ont en effet souvent plus d'expériences en matière de recours contentieux, d'avocat et de juge administratif que la plupart des justiciables français.e.s.

En revanche, quand la procédure Dublin est « efficace » elle aboutit à des expulsions, parfois indirectement vers le pays d'origine de la personne, pays que la personne a fui pour des raisons de persécutions, l'expulser l'expose donc à des traitements inhumains et dégradants. L'État français se lave les mains de ces expulsions par ricochet en prétextant qu'il renvoie juste la responsabilité de l'examen de la demande d'asile vers un autre État. Un des exemples les plus courants concerne les afghans, la France ne renvoie pas à l'heure actuelle vers l'Afghanistan car cette expulsion constituerait un traitement inhumain et dégradant. Cependant, elle n'a aucun scrupule à expulser en masse des afghans vers l'Allemagne ou des pays Scandinaves qui expulsent régulièrement vers l'Afghanistan, alors même qu'il est reconnu que ces pays n'accordent pas le même taux de protection aux afghans que la France et qu'un afghan n'a pas les mêmes chances selon s'il présente sa demande d'asile en premier en France ou en Norvège.

Le règlement européen Dublin doit être abrogé, il nie la volonté des demandeur-euse-s d'asile à déposer une demande d'asile dans le pays qu'il ou elle souhaite, il nie la liberté de circulation et d'installation et il nie la dignité humaine. Ce règlement porte atteinte aux droits fondamentaux des demandeur.euse.s d'asile (droit à l'hébergement, droit de vivre dignement, droit à la santé, liberté d'aller et venir) et place ces personnes dans une situation de très grande précarité alors même que par définition ces demandeur.euse.s sont vulnérables et ont un besoin effectif de protection. Le règlement Dublin empêche les personnes de déposer une demande d'asile en France alors que « l'asile, c'est la liberté dont nous jouissons nous-mêmes ; lorsque nous n'accueillerons plus de réfugiés, cela voudra dire que nous vivons en prison » (dixit un avocat en droit d'asile). Il est donc de notre devoir à toutes et tous de demander son abrogation.

United Migrants

United Migrants's photo.

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/72011
Source : https://www.facebook.com/events/7786053392028…
Source : message reçu le 15 juillet 21h