vendredi 5 décembre 2008 à 19h
La crise des deux socialismes
https://paris.demosphere.net/rv/7070
Fondation Gabriel Péri
Rencontre avec Jean Lojkine, autour de son livre « La crise des deux socialismes » (éd. Le Temps des cerises).
Jean Lojkine est directeur de recherche émérite au CNRS, membre des comités de rédaction des revues La Pensée et Actuel Marx ; directeur du séminaire Nouveau salariat du capitalisme informationnel : l’enjeu des recompositions politiques.
Entrée libre. Le nombre de places étant limité, prière de s’inscrire en envoyant un mail à insc ription@ gabrielp eri.fr
Présentation de l’éditeur :
La gravité de la crise systémique qui vient de se déclencher, porte un coup sévère à l’idéologie libérale qui dominait depuis 30 ans. En même temps elle remet au premier plan les difficultés qu’ont rencontrées Marx et les marxistes à relier crise capitaliste et révolution politique. Il s’agit en premier lieu du lien entre la « maturation » économique de la crise et sa traduction politique. Marx et surtout Engels souligneront les illusions qu’ils avaient entretenues sur la corrélation entre les crises économiques européennes et le déclenchement des révolutions de 1830 et 1848.
L’histoire a tranché ; elle nous a obligé de rompre avec les conceptions mécanistes du marxisme qui ne prenaient pas en compte la complexité et l’autonomie relative des représentations politiques. Puisque la comparaison avec la grande crise capitaliste de 1929 revient aujourd’hui en force, il faut rappeler que cette crise engendra à la fois les fascismes allemands et italiens, le New Deal américain et le front populaire français. Même si la crise de 1929 engendra partout une intervention massive de l’Etat dans l’économie, ce ne fut que dans quelques pays européens que cette intervention de l’Etat fut accompagnée d’une intervention décisive du mouvement ouvrier pour la conquête de nouveaux droits et de nouvelles protections sociales. Le ciment de l’alliance de classe dans le Front populaire en France fut la conquête syndicale et politique par la classe ouvrière d’une solidarité collective entre actifs, entre actifs et non actifs, à l’échelle des conventions collectives de branche, de la retraite par répartition et de la Sécurité sociale.
Depuis 30 ans, les néolibéraux ont peu à peu sapé les fondements de cette protection sociale, tandis que l’étatisation de la Sécurité sociale mettait fin au contrôle des usagers et des salariés, la solidarité nationale cédait la place à l’individualisme marchand, à la concurrence de tous contre tous. L’effondrement actuel du système capitaliste, le tableau journalier de l’injustice scandaleuse qui a bénéficié à la petite élite dirigeante qu’il faudrait maintenant renflouer, cette conjoncture exceptionnelle ouvre une nouvelle phase politique : il ne s’agit pas de réclamer « plus d’Etat », comme les libéraux et les socio-démocrates, mais plus d’intervention directe des salariés et des usagers dans la gestion des banques, des entreprises et de la Cité.
Pour ce faire, la gauche doit assumer les raisons profondes du double échec du socialisme soviétique et de la social-démocratie occidentale. Les plans alternatifs pour contrer la crise capitaliste existent dès aujourd’hui (relancer un grand pôle public, bancaire et industriel, mettre en place des critères sélectifs rigoureux pour que l’argent aille prioritairement à la satisfaction des besoins sociaux et non à la spéculation financière), mais leur réussite dépend d’abord non d’un simple retour à l’Etat technocratique, mais de l’intervention réelle des couches populaires et des travailleurs intellectuels pour orienter et contrôler l’usage des fonds publics, les investissements des entreprises dans le secteur productif.
C’est justement l’absence de cette intervention d’en bas qui explique l’échec de l’expérience soviétique et du modèle socio-démocrate. En URSS , comme dans tous les pays ayant adopté la centralisation étatique, le sommet était aveugle et la base muette ; dans les pays capitalistes occidentaux l’Etat « social » a servi de « béquille » aux groupes capitalistes qui se sont restructurés après 1945, mais la logique du profit et de la spéculation n’a pas été mise en cause par les administrateurs publics dans les conseils d’administration des groupes nationalisés, avec son cortège de scandales financiers et de gestion à courte vue selon les aléas de la Bourse.