thème : écologie
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mardi 8 janvier 2019 à 18h

Penser et lutter avec Bure

Présentation d'un séminaire de lutte à l'EHESS

« L'utopie technicienne et ses déchets : l'État nucléaire à l'épreuve des territoires en lutte »

Programme du séminaire

  • 14 novembre - Conditionner et Punir
  • 11 décembre - Femmes, féministes et luttes anti-nucléaires : autour du bouquin « Des femmes contre des missiles »et de la lutte de Plogoff.
  • 8 janvier - L'enfouissement des déchets : retour sur une politique de temps long. Retour sur la longue durée de la pratique de l'enfouissement des déchets toxiques.
  • 12 février - L'enfouissement, le bluff du consensus international ? Séance histoire de l'immersion marine et de son abandon ; état des lieux international de l'enfouissement.
  • 12 mars - Vivre dans un monde contaminé. Séance sur les modes de Fukushima et ses invisibles, sur les pratiques et luttes domestiques, d'agriculture, de soin, de vies et de sociabilités dans des mondes contaminés.
  • 9 avril - Une autre fin du monde est possible !
  • 14 mai - Transition énergétique : une contre-histoire des réseaux
  • 11 juin - La télévision de l'atome. Décryptage de la propagande d'EDF à travers l'étude des archives audiovisuelles publiques.

Ces séances seront lancées par des courtes présentations des intervenant·e·s, suivies d'une discussion. Une semaine avant chaque séance, des textes, vidéos, sons, photos, et autres contenus seront mises en ligne sur le site afin de faciliter l'appropriation des séances par tout le monde. Et enfin, nous souhaitons garder des traces sous la forme de compte-rendus qui, par la suite, nous permettront de poursuivre ces réflexions dans des textes et les faire circuler.

Séance du 8 janvier

L'enfouissement des déchets, retour sur une politique de temps long
Enfouir les déchets dangereux: généalogie d'un aveuglement ?

L'enjeu de cette troisième séance du séminaire est de proposer une mise en perspective historique de l'obsession des ingénieurs du nucléaire pour l'enfouissement. D'où vient ce projet d'enfouir les substances les plus toxiques, comment expliquer ce choix qui passe par la dissimulation de ce dont on ne sait quoi faire ?

A partir d'un retour sur quelques expériences d'enfouissement des déchets dangereux avant l'âge nucléaire, l'objectif est d'explorer comment l'enfouissement peu à peu s'est imposé comme la principale stratégie de gestion des nuisances et des substances dangereuses. Longtemps on n'enfouissait pas en profondeur les déchets, on les rejetait plutôt dans l'eau et les milieux pour qu'ils soient éliminés, d'autant que jusqu'au milieu du XIXe siècle les techniques pour creuser le sous-sol restent limitées et empêchent l'enfouissement en profondeur. La situation se transforme au cours de la première moitié du XXe siècle qui voit l'accroissement important des quantités de déchets. Les anciennes stratégies de gestions de ces matières en trop dont on ne sait pas quoi faire deviennent insuffisantes et problématiques et les industriels comme les experts se tournent de plus en plus vers l'enfouissement. Cette solution est par ailleurs une réponse indirecte à l'essor des préoccupations et revendications écologistes puisqu'elle est présentée comme une alternative au rejet dans les milieux, les cours d'eau, les décharges, etc… une manière d'extraire les substances toxiques de la vue en les dissimulant sous terre.

Il s'agira donc de revenir sur la longue durée des stratégies de gestions des déchets toxiques du monde industriel, en insistant sur deux cas emblématiques : d'une part l'enfouissement des obus et produits toxiques de la grande guerre après 1918; d'autre part les stratégies du secteur chimique, via notamment la célèbre affaire de Love Canal aux Etats-Unis.

Quatre points seront successivement abordés afin d'ouvrir la discussion collective:

  1. La question historique de l'enfouissement et des décharges
  2. Enfouir et oublier les déchets de la grande Guerre : une histoire à creuser
  3. L'industrie chimique, laboratoire de l'enfouissement des déchets ? Le cas de Love Canal
  4. Promesses et vieilles lunes nucléaires: à propos de quelques débats actuels sur l'enfouissement des déchets nucléaires

Présentation

Depuis un an et demi une immense vague de répression et de criminalisation s'abat sur les opposant·e·s au projet de méga-poubelle nucléaire CIGEO à Bure. Dans ce coin du sud-Meuse comme dans d'autres territoires en luttes (ZAD, GCO, etc) et espaces de contestation (Calais, Briançon, mouvements sociaux, etc), la volonté gouvernementale est claire : surveiller, briser, réduire au silence les résistances. Le 22 février 2018, au moment même où 500 gendarmes détruisaient, sous l'oeil voyeur de BFMTV, les dizaines de cabanes des habitant·e·s du Bois Lejuc occupé, le gouvernement annonçait tout sourire l'ouverture d'un nouveau « débat public sur les déchets nucléaires » à l'automne-hiver 2018.

Dans le « en même temps » macronien, répression et « concertation » ne sont pas des contraires mais les deux faces d'une même hache vouée à découper en morceaux toute possibilité de contestation et d'émancipation. Pour défaire cette énième mascarade « démocratique » qui s'annonce, et retrouver des prises pour surmonter l'asphyxie policière à Bure, un boycott du débat se réfléchit - ravivant le souvenir de celui, victorieux, de 2013 - et demande à être nourri.

C'est dans ce contexte tendu que nous éprouvons plus que jamais le besoin de créer des espaces pour penser en profondeur, depuis la situation de la lutte de Bure, la question de l'industrie nucléaire et des possibilités d'émancipations de - et dans - l'ordre atomique. Dans une époque où un haut niveau de répression vise à nous rendre atones et nous atomiser, susciter un décalage pour questionner nos hypothèses politiques et permettre de nouvelles rencontres.

C'est en nous inscrivant dans un sillage où, depuis le mouvement social du printemps 2016, les occupations d'universités - inspirées par l'expérience des zads et des territoires en luttes - les séminaires alternatifs et les dynamiques « d'enquêtes dans les luttes » se multiplient que nous souhaitons ouvrir cet espace d'élaboration théorique et politique. Le séminaire que nous proposons se tiendra à l'EHESS, car c'est depuis l'expérience de l'ouverture de « La Brêche », un lieu d'organisation autogéré par les étudiant·e·s, au printemps 2017, ou encore du soutien à la ZAD au printemps 2018, que nous souhaitons intensifier les porosités entre les mondes de « l'université » et « des luttes », que l'on voudrait voir étanches.

Nous sommes des étudiant·e·s, des personnes engagées dans la lutte de Bure et/ou d'autres combats, des chercheur·e·s, ou des gens qui aspirent tout simplement à trouver des points d'entrée et des chemins de traverse entre ces réalités. Nous nous inscrivons dans un contexte où la criminalisation contre les militant·e·s, les migrant·e·s et toute les personnes qui ne correspondent pas à la norme libérale-sécuritaire hégémonique se banalise. Des territoires se transforment en zones rouges, l'État d'exception devient la règle. C'est depuis cette situation glaçante que nous aimerions créer un espace où reformuler une critique radicale de l'ordre atomique. « Radicale », nous l'entendons au sens de « prendre à la racine » la complexité et non pas d'une posture moralisatrice, dogmatique et neutralisante. La « critique », nous la voyons comme des pensées qui ne soient pas séparées et distanciées de leur « objet », mais en situation, impliquées tête et pieds dans le chaos du réel, cherchant à trouver des prises plutôt qu'une intouchable Vérité en surplomb.

Pour désigner ce moment, nous nous sommes attaché·e·s au terme « séminaire » : l'idée d'un espace-temps de rencontres régulières et d'approfondissement collectif des réflexions qui y seront mises en partage. Nous avons envie d'être rigoureu·se·s et exigeant·e·s dans nos réflexions, sans transiger pour autant sur notre volonté d'inclusion et d'accessibilité - au risque qu'émergent des frictions. Nous ressentons profondément le besoin de retrouver de la chair théorique et de la consistance intellectuelle dans nos tentatives politiques.

En effet, lutter à Bure contre une méga-poubelle nucléaire - et tout le modelage territorial et social qui l'accompagne - soulève la question de l'immense difficulté à penser l'ordre nucléaire, qui bouleverse la nature même du monde, les coordonnées de l'expérience, la possibilité même de faire sens de « ce qui nous arrive »… Pour décaler ce problème, nous ne prétendrons pas émettre une critique globale et totale mais bien plutôt, depuis l'enchevêtrement de questions qui se posent depuis le sud-Meuse, déplier des fils de réflexions, suivre des chemins, trouver des attaches ensemble.

Pour finir, cet espace est aussi pensé comme un lieu stratégique. Un lieu de rencontres, pour s'approprier par une autre entrée la lutte à Bure. Un lieu où la théorie ne se sépare pas confortablement de l'action, qui vise aussi à interpeller les chercheur·e·s des sciences humaines et dites « dures » dans leur responsabilité à s'engager dans une critique plus active face à ce projet démentiel. Un lieu, enfin, qui invite au décloisonnement et au lien entre les personnes produisant des savoirs aujourd'hui globalement compartimentés (qu'elles se définissent comme « universitaires », « journalistes », « militant·e·s », étudiant·e·s en mémoire de master, thésard·e·s, etc) au sein d'une réflexion stratégique pour nourrir un espace de résistance(s) contemporain.

D'ores et déjà un calendrier de séances mensuelles est prévu pour l'année, avec différents thèmes, dont entre autres:

  • le gouvernement de la contestation, la fabrication du consentement et la répression à Bure;
  • le non-héritage des mouvements de femmes au sein des luttes anti-nucléaire en France;
  • l'histoire de l'enfouissement des déchets en France et à l'international;
  • comment vivre et s'émanciper dans un monde contaminé, notamment à partir de l'experience de Fukushima;
  • une mise en discussion des discours sur l'apocalypse nucléaire et l'effondrement avec les romans dystopiques post catastrophe nucléaire;
  • une séance autour de la transition énergétique: « Une contre-histoire des réseaux »
  • une séance sur la propagande télévisée de l'industrie atomique à partir d'un décryptage des images d'archives d'EDF.

Les séances se tiendront entre 18h et 21h, les 14 novembre [salle 1, 105 boulevard Raspail, 75006 Paris], l1 décembre, 8 janvier, 12 février, 12 mars, 9 avril, 14 mai, 11 juin (les lieux seront fixés prochainement).

Ces séances seront lancées par des courtes présentations des intervenant·e·s, suivies d'une discussion. Une semaine avant chaque séance, des textes, vidéos, sons, photos, et autres contenus seront mises en ligne sur le site afin de faciliter l'appropriation des séances par tout le monde. Et enfin, nous souhaitons garder des traces sous la forme de compte-rendus qui, par la suite, nous permettront de poursuivre ces réflexions dans des textes et les faire circuler.

À bientôt !

Pour plus d'informations et de détails :

Adresse de contacts : pensexeretluttexeravecbuexre@riseuexp.net

Site internet : penseretlutteravecbure.toile-libre.org

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/65315
Source : http://penseretlutteravecbure.toile-libre.org…
Source : https://lundi.am/Bure-malfaiteurs-Alors-j-en-…
Source : message reçu de Sortir du nucléaire le 26 novembre 17h
Source : http://penseretlutteravecbure.toile-libre.org…