thème : écologie
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mercredi 14 novembre 2018 à 18h

Penser et lutter avec Bure

Présentation d'un séminaire de lutte à l'EHESS

« L'utopie technicienne et ses déchets : l'État nucléaire à l'épreuve des territoires en lutte »

Depuis un an et demi une immense vague de répression et de criminalisation s'abat sur les opposant·e·s au projet de méga-poubelle nucléaire CIGEO à Bure. Dans ce coin du sud-Meuse comme dans d'autres territoires en luttes (ZAD, GCO, etc) et espaces de contestation (Calais, Briançon, mouvements sociaux, etc), la volonté gouvernementale est claire : surveiller, briser, réduire au silence les résistances. Le 22 février 2018, au moment même où 500 gendarmes détruisaient, sous l'oeil voyeur de BFMTV, les dizaines de cabanes des habitant·e·s du Bois Lejuc occupé, le gouvernement annonçait tout sourire l'ouverture d'un nouveau « débat public sur les déchets nucléaires » à l'automne-hiver 2018.

Dans le « en même temps » macronien, répression et « concertation » ne sont pas des contraires mais les deux faces d'une même hache vouée à découper en morceaux toute possibilité de contestation et d'émancipation. Pour défaire cette énième mascarade « démocratique » qui s'annonce, et retrouver des prises pour surmonter l'asphyxie policière à Bure, un boycott du débat se réfléchit - ravivant le souvenir de celui, victorieux, de 2013 - et demande à être nourri.

C'est dans ce contexte tendu que nous éprouvons plus que jamais le besoin de créer des espaces pour penser en profondeur, depuis la situation de la lutte de Bure, la question de l'industrie nucléaire et des possibilités d'émancipations de - et dans - l'ordre atomique. Dans une époque où un haut niveau de répression vise à nous rendre atones et nous atomiser, susciter un décalage pour questionner nos hypothèses politiques et permettre de nouvelles rencontres.

C'est en nous inscrivant dans un sillage où, depuis le mouvement social du printemps 2016, les occupations d'universités - inspirées par l'expérience des zads et des territoires en luttes - les séminaires alternatifs et les dynamiques « d'enquêtes dans les luttes » se multiplient que nous souhaitons ouvrir cet espace d'élaboration théorique et politique. Le séminaire que nous proposons se tiendra à l'EHESS, car c'est depuis l'expérience de l'ouverture de « La Brêche », un lieu d'organisation autogéré par les étudiant·e·s, au printemps 2017, ou encore du soutien à la ZAD au printemps 2018, que nous souhaitons intensifier les porosités entre les mondes de « l'université » et « des luttes », que l'on voudrait voir étanches.

Nous sommes des étudiant·e·s, des personnes engagées dans la lutte de Bure et/ou d'autres combats, des chercheur·e·s, ou des gens qui aspirent tout simplement à trouver des points d'entrée et des chemins de traverse entre ces réalités. Nous nous inscrivons dans un contexte où la criminalisation contre les militant·e·s, les migrant·e·s et toute les personnes qui ne correspondent pas à la norme libérale-sécuritaire hégémonique se banalise. Des territoires se transforment en zones rouges, l'État d'exception devient la règle. C'est depuis cette situation glaçante que nous aimerions créer un espace où reformuler une critique radicale de l'ordre atomique. « Radicale », nous l'entendons au sens de « prendre à la racine » la complexité et non pas d'une posture moralisatrice, dogmatique et neutralisante. La « critique », nous la voyons comme des pensées qui ne soient pas séparées et distanciées de leur « objet », mais en situation, impliquées tête et pieds dans le chaos du réel, cherchant à trouver des prises plutôt qu'une intouchable Vérité en surplomb.

Pour désigner ce moment, nous nous sommes attaché·e·s au terme « séminaire » : l'idée d'un espace-temps de rencontres régulières et d'approfondissement collectif des réflexions qui y seront mises en partage. Nous avons envie d'être rigoureu·se·s et exigeant·e·s dans nos réflexions, sans transiger pour autant sur notre volonté d'inclusion et d'accessibilité - au risque qu'émergent des frictions. Nous ressentons profondément le besoin de retrouver de la chair théorique et de la consistance intellectuelle dans nos tentatives politiques.

En effet, lutter à Bure contre une méga-poubelle nucléaire - et tout le modelage territorial et social qui l'accompagne - soulève la question de l'immense difficulté à penser l'ordre nucléaire, qui bouleverse la nature même du monde, les coordonnées de l'expérience, la possibilité même de faire sens de « ce qui nous arrive »… Pour décaler ce problème, nous ne prétendrons pas émettre une critique globale et totale mais bien plutôt, depuis l'enchevêtrement de questions qui se posent depuis le sud-Meuse, déplier des fils de réflexions, suivre des chemins, trouver des attaches ensemble.

Pour finir, cet espace est aussi pensé comme un lieu stratégique. Un lieu de rencontres, pour s'approprier par une autre entrée la lutte à Bure. Un lieu où la théorie ne se sépare pas confortablement de l'action, qui vise aussi à interpeller les chercheur·e·s des sciences humaines et dites « dures » dans leur responsabilité à s'engager dans une critique plus active face à ce projet démentiel. Un lieu, enfin, qui invite au décloisonnement et au lien entre les personnes produisant des savoirs aujourd'hui globalement compartimentés (qu'elles se définissent comme « universitaires », « journalistes », « militant·e·s », étudiant·e·s en mémoire de master, thésard·e·s, etc) au sein d'une réflexion stratégique pour nourrir un espace de résistance(s) contemporain.

D'ores et déjà un calendrier de séances mensuelles est prévu pour l'année, avec différents thèmes, dont entre autres:

  • le gouvernement de la contestation, la fabrication du consentement et la répression à Bure;
  • le non-héritage des mouvements de femmes au sein des luttes anti-nucléaire en France;
  • l'histoire de l'enfouissement des déchets en France et à l'international;
  • comment vivre et s'émanciper dans un monde contaminé, notamment à partir de l'experience de Fukushima;
  • une mise en discussion des discours sur l'apocalypse nucléaire et l'effondrement avec les romans dystopiques post catastrophe nucléaire;
  • une séance autour de la transition énergétique: « Une contre-histoire des réseaux »
  • une séance sur la propagande télévisée de l'industrie atomique à partir d'un décryptage des images d'archives d'EDF.

Les séances se tiendront entre 18h et 21h, les 14 novembre [salle 1, 105 boulevard Raspail, 75006 Paris], l1 décembre, 8 janvier, 12 février, 12 mars, 9 avril, 14 mai, 11 juin (les lieux seront fixés prochainement).

Ces séances seront lancées par des courtes présentations des intervenant·e·s, suivies d'une discussion. Une semaine avant chaque séance, des textes, vidéos, sons, photos, et autres contenus seront mises en ligne sur le site afin de faciliter l'appropriation des séances par tout le monde. Et enfin, nous souhaitons garder des traces sous la forme de compte-rendus qui, par la suite, nous permettront de poursuivre ces réflexions dans des textes et les faire circuler.

À bientôt !

Pour plus d'informations et de détails :

Adresse de contacts : pensexeretluttexeravecbuexre@riseuexp.net

Site internet : penseretlutteravecbure.toile-libre.org

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/65313
Source : http://penseretlutteravecbure.toile-libre.org…
Source : https://lundi.am/Bure-malfaiteurs-Alors-j-en-…