vendredi 7 décembre 2018 à 19h
Rencontre croisée Gérard Noiriel et Laurence De Cock
https://paris.demosphere.net/rv/64272
Échange entre Gérard Noiriel et Laurence De Cock autour de leurs ouvrages respectifs
- Une histoire populaire de la France et
- Sur l'enseignement de l'histoire.
À 19h00, à la librairie Les Nouveautés (45bis Rue du Faubourg du Temple, 75010 Paris)
Lien : https://paris.demosphere.net/rv/64272
Source : http://atheles.org/agone/agenda
Une histoire populaire de la France
De la guerre de Cent Ans à nos jours
Gérard Noiriel
« En 1841, dans son discours de réception à l'Académie française, Victor Hugo avait évoqué la "populace" pour désigner le peuple des quartiers pauvres de Paris. Vinçard ayant vigoureusement protesté dans un article de La Ruche populaire, Hugo fut très embarrassé. Il prit conscience à ce moment-là qu'il avait des lecteurs dans les milieux populaires et que ceux-ci se sentaient humiliés par son vocabulaire dévalorisant. Progressivement le mot "misérable", qu'il utilisait au début de ses romans pour décrire les criminels, changea de sens et désigna le petit peuple des malheureux. Le même glissement de sens se retrouve dans Les Mystères de Paris d'Eugène Sue. Grâce au courrier volumineux que lui adressèrent ses lecteurs des classes populaires, Eugène Sue découvrit les réalités du monde social qu'il évoquait dans son roman. L'ancien légitimiste se transforma ainsi en porte-parole des milieux populaires. Le petit peuple de Paris cessa alors d'être décrit comme une race pour devenir une classe sociale. »
La France, c'est ici l'ensemble des territoires (colonies comprises) qui ont été placés, à un moment ou un autre, sous la coupe de l'État français. Dans cette somme, l'auteur a voulu éclairer la place et le rôle du peuple dans tous les grands événements et les grandes luttes qui ont scandé son histoire depuis la fin du Moyen Âge : les guerres, l'affirmation de l'État, les révoltes et les révolutions, les mutations économiques et les crises, l'esclavage et la colonisation, les migrations, les questions sociale et nationale.
Extraits de l'introduction :
« L'ambition ultime de cette Histoire populaire de la France est d'aider les lecteurs non seulement à penser par eux-mêmes, mais à se rendre étrangers à eux-mêmes, car c'est le meilleur moyen de ne pas se laisser enfermer dans les logiques identitaires. »
« La démarche historique permet de retracer la genèse des grands problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle, dans cette histoire populaire de la France, j'ai privilégié les questions qui sont au centre de notre actualité, comme les transformations du travail, les migrations, la protection sociale, la crise des partis politiques, le déclin du mouvement ouvrier, la montée des revendications identitaires. Le but étant de mettre cette vaste réflexion à la disposition du plus large public, j'ai adopté la forme du récit en m'efforçant de présenter sous une forme simple des questions parfois très compliquées. »
« Pour moi, le "populaire" ne se confond pas avec les "classes populaires". L'identité collective des classes populaires a été en partie fabriquée par les dominants et, inversement, les formes de résistance développées au cours du temps par "ceux d'en bas" ont joué un rôle majeur dans les bouleversements de notre histoire commune. Cette perspective m'a conduit à débuter cette histoire de France à la fin du Moyen Âge, c'est-à-dire au moment où l'État monarchique s'est imposé. Appréhendé sous cet angle, le "peuple français" désigne l'ensemble des individus qui ont été liés entre eux parce qu'ils ont été placés sous la dépendance de ce pouvoir souverain, d'abord comme sujets puis comme citoyens. »
« Ce qui permet d'affirmer le caractère « populaire » de l'histoire de France, c'est le lien social, c'est-à-dire les relations qui se sont nouées au cours du temps entre des millions d'individus assujettis à un même État depuis le XVe siècle, et grâce auxquelles a pu se construire un « nous » Français. Les classes supérieures et moyennes ont été dans l'obligation de tenir compte des activités, des points de vue, des initiatives, des résistances, propres aux classes populaires, afin de mettre en œuvre des formes de développement autres que celles qu'elles avaient imaginées au départ. Et réciproquement, les représentations du peuple français que les élites ont construites au cours du temps, les politiques qu'elles ont conduites, ont profondément affecté l'identité, les projets, les rêves et les cauchemars des individus appartenant aux classes populaires. »
Sur l'enseignement de l'histoire.
Débats, programmes et pratiques de la fin du XIXe siècle à nos jours
Laurence De Cock
Comment sortir des sempiternelles lamentations sur les programmes ou les manuels d'histoire ? Peut-être en posant autrement les questions soulevées par l'enseignement de cette discipline si sensible ; sans doute aussi en donnant à voir de cet enseignement d'autres angles que les polémiques auxquelles nous ont habitués les commentateurs médiatiques ou les prophètes du désastre qui vient.
L'histoire d'une discipline scolaire est inséparable de celle de ses acteurs, ses lieux, ses outils, ses espaces de discussions ou de conflits. L'histoire est bien une matière vivante dont on ne peut saisir la saveur sans entrer dans les coulisses de sa fabrication, de ses transformations, et de ses modes de transmission et d'appropriation.
C'est ceci qui est tenté ici : une histoire par en bas et par les praticien·ne·s depuis le XIXe siècle, qui revisite quelques certitudes et témoigne de l'ancienneté et de la récurrence de débats qui sont pourtant toujours présentés comme inédits.
Ce livre s'adresse à celles et ceux qui souhaitent comprendre les ressorts d'une des « passions françaises », se plonger dans une autre manière de penser l'histoire à l'école et réfléchir aux vertus émancipatrices d'un enseignement libéré de ses geôliers.
Laurence De Cock
Laurence De Cock est historienne et enseignante. Spécialiste des questions pédagogiques et didactiques, elle a coordonné plusieurs ouvrages parmi lesquels La Fabrique scolaire de l'histoire (Agone, 2017) et Paniques identitaires (Le Croquant, 2017).