mercredi 20 septembre 2017 à 13h
Procès de la voiture de police brûlée Quai de Valmy
Débordons la bataille judiciaire
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Tous les jours: Rendez-vous à 13h du 19 au 22 septembre
à la 14e chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris - Le 19 septembre à 19h: rassemblement contre la répression devant le tribunal
https://paris.demosphere.net/rv/56407
Tout comme le mouvement contre la loi travail a été un tournant des luttes sociales dans plusieurs métropoles de l'État français, le procès pour l'incendie de la voiture de police du quai de Valmy est un tournant de la répression.
L'interpellation, l'incarcération, le procès des personnes mises en examen, sont symboliques du contexte d'escalade répressive, sécuritaire, à l'œuvre ces 5 dernières années et plus particulièrement depuis la proclamation de l'état d'urgence.
Les événements sont survenus le 18 mai 2016, à un moment qui constituait déjà, en soi, tout un symbole : après plusieurs mois d'une répression violente du mouvement contre la loi travail, après plusieurs semaines de grèves et de Nuits debout, la police entendait reprendre la rue et avait, pour mettre en scène cela, entièrement privatisé la place de la République, appuyés par plusieurs figures de la droite dure et du Front national.
Un contre-rassemblement à l'appel d'Urgence notre police assassine (un collectif de familles victimes de violences policières) s'est tenu le jour même, en réponse à cette provocation ; déposé en préfecture, le rassemblement a été interdit et violemment dispersé à coup de tonfas et de gaz lacrymogènes après quelques dizaines de minutes. Une voiture de police a alors été prise a partie quai Valmy par la foule hétérogène qui s'était fait chasser des abords de la place de la République. Quelques heures plus tard, puis le lendemain, quatre personnes sont interpellées dans le cadre de « l'affaire de la voiture brûlée ».
Elles sont désormais neuf sur le banc des accusés. Médias dominants, syndicats de police, parlementaires, les tenants de l'ordre capitaliste n'ont eu de cesse de réclamer qu'on punisse durement les « coupables » : il s'agissait coûte que coûte de faire pression sur l'ensemble du mouvement pour le soumettre et permettre le passage en force gouvernemental de la réforme du code du travail.
Toute cette affaire est d'abord et avant tout une vengeance d'État, une tentative de criminalisation du mouvement contre la loi travail dans son ensemble. Pendant des semaines, de manifestation en manifestation, une proportion grandissante des participants a tenté de renouveler les formes de la résistance sociale, a remis en cause l'autorité de la police, de l'État, a mis en échec des dispositifs répressifs, a tenu à distance, voire repoussé, les escadrons de police qui attaquaient les blocages de lycées, qui tentaient de vider les places occupées, de couper les manifs, d'intimider, de frapper, de mutiler, d'interpeller. L'État a eu besoin de coupables, d'individus à isoler de la masse d'un mouvement qui a su pourtant resté solidaire et déterminé, et cela bien avant le 18 mai : combien de camarades, d'amis, de sympathisants, de journalistes indépendants ont reçu à leur domicile des interdictions de manifester, de se déplacer, parce qu'ils et elles auraient « été aperçus a des manifestations qui ont dégénéré » ? Avec l'état d'urgence, les manifestations interdites, la méthode des assignations à résidence s'est banalisée ; ainsi, la perspective de l'incarcération est considérablement plus proche pour chacun d'entre nous, à partir du moment où l'on peut être entravé physiquement sur la base d'un fichage qui vise directement les manifestants.
Là encore, l'affaire du quai de Valmy est exemplaire : avant le 18 mai, plusieurs des accusés avaient été interdits de manifester, sur la base de notes blanches des services de renseignement de la préfecture de Paris ; c'est sur la base de ces interdictions de manifester, pourtant rapidement invalidées devant les tribunaux, qu'une partie des accusés est interpellée, perquisitionnée et incarcérée. Par la suite, certaines accusations ont été motivées sur les seules dires d'un « témoin anonyme », qui s'est avéré être un policier des renseignements de la préfecture de Paris. Tout cela implique qu'en amont, c'est le renseignement qui produit les suspects, qui façonne les coupables idéaux, dans des notes et des directives pseudo-confidentielles. Et ensuite, en bout de chaîne, c'est l'institution judiciaire qui produit le récit à même de les faire condamner - récit qui s'appuie le plus souvent sur des preuves visuelles très douteuses, du renseignement, du témoignage anonyme. Par ailleurs, il est évident que cette campagne répressive a été orchestrée dans l'urgence médiatique, rythmée par les exigences de syndicats de police.
La radicalisation de la police est accompagnée par le pouvoir, par le maillage entre le renseignement, le garde des sceaux et l'institution policière. Et il faut bien comprendre que ces méthodes ne sont pas nouvelles : elle ont été élaborées dans ces laboratoires de la répression que sont les quartiers populaires. C'est dans ces quartiers que sont redéployées et perfectionnées depuis des décennies les vieilles méthodes contre-insurrectionelles et coloniales, la systématisation des indic, le profilage (raciste en l'occurrence) des suspects, let que es caprices des syndicats de police ou le lynchage médiatique et politique se manifestent avec force.
Pour le dire autrement, ce qui était jusqu'ici une simple exception à la légalité bourgeoise - le traitement des populations issues de l'immigration ouvrière postcoloniale - est en passe de devenir la norme en matière de gestion de la contestation sociale. Des manifs de flics armés, masqués et marchant sur l'Élysée en octobre 2016, jusqu'aux lois renforçant le permis de tuer - mais offrant aussi et surtout à la police la possibilité de contrôler l'activité des juges -, en passant par l'inscription de l'état d'urgence dans le droit commun (en discussion à l'assemblée dès septembre), loin du « changement » qu'on nous vend à chaque élection, la Ve République renoue de plus en plus ouvertement avec ses origines putschistes et coloniales. Le procès de l'affaire du quai de Valmy met tout cela en jeu, mais pas seulement.
En cette rentrée 2017, le monde du travail, le mouvement social et la jeunesse préparent une contre-offensive face à la nouvelle attaque néolibérale de Macron. La « loi travail XXL » représente un nouveau défi pour chacun d'entre nous, un défi que nous devons relever.
Mais pour cela nous partons avec le bilan du précédent mouvement : une série d'expériences majeures d'occupation des places et de la rue, mais aussi la défaite, une répression brutale et une criminalisation toujours en cours. Si le mouvement se désintéresse du fait que des militants, des sympathisants, sont en prison ou risquent d'y retourner, alors la détermination de chacun d'entre nous risque d'être durement affectée pour affronter les épreuves et les expériences de lutte à venir.
Avec le durcissement de la répression, cette idée n'est pas seulement valable pour les soi-disant « autonomes », « antifascistes » ou pour le « cortège de tête ». Des syndicalistes aux lycéens, en passant par les personnes récemment politisées, n'importe qui peut perdre un œil, se faire mutiler, tabasser, interpeller et, désormais, jeter en prison, selon le bon vouloir de la préfecture de police.
Ce qui est donc nécessaire dès aujourd'hui, c'est de déborder la bataille judiciaire, d'en faire un vrai parcours de lutte contre la répression, qui s'articule avec les mouvements de lutte contre la précarisation continue de nos vies.
La lutte antirépression, ce n'est pas seulement essuyer les plâtres à la fin des mouvements. C'est aussi un moyen de mettre en accusation l'État, de proposer d'autres manières de s'organiser, de faire naître d'autres rencontres, d'autre solidarités, d'autres moments politiques qui soient à la mesure de l'époque que nous vivons.
Libérons-les
Collectif militant contre la répression, en lutte pour la libération et l'abandon des poursuites à l'encontre de tous les inculpés du mouvement social
Lien : https://paris.demosphere.net/rv/56407
Source : https://quartierslibres.wordpress.com/2017/08...
« Affaire du quai de Valmy »
Refusons un procès à charge. Relaxe !
Le 18 mai 2016, la vie bascule pour des jeunes militants contre la loi travail et son monde. En plein mouvement et alors que la Nuit debout parisienne a pris place à République pour tenir ses « assemblées », c'est aussi là, comme une provocation, que le syndicat de police Alliance décide de se rassembler et d'accueillir la droite extrême pour protester contre la « haine anti-flic ».
Une contre-manifestation est appelée le même jour par le collectif Urgence notre Police assassine. L'Etat ne tergiverse pas quant à lui. La veille, la préfecture interdit de manifestation plusieurs personnes dont 3 des jeunes militants qui seront interpellés le 18 mai, sur la base de notes blanches produite par la DRPP, le service de renseignements de la préfecture de police de Paris. Pourtant, ce même jour, le tribunal administratif fait lever ces interdictions suite à un recours posé par les militants, déclarant ces mêmes notes blanches fausses et irrecevables.
Malgré ça, la contre-manifestation est elle-même interdite, fait surprenant après l'heure « officielle » d'appel à manifester déposée en préfecture. On interdit une manifestation 45 minutes après son début.
C'est à ce moment-là, alors que les manifestants sont refoulés de la Place de la République, qu'interviennent les faits de la voiture de police brûlée quai de Valmy.
Quelques heures après les faits, quatre jeunes manifestants sont interpellés chez eux, interrogés en garde à vue puis emprisonnés sans procès.
Antonin Bernanos, étudiant à Nanterre, ira jusqu'à faire 10 mois de prison préventive sans procès. Sur la seule base d'un simple témoignage anonyme qui l'accuse.
Le procès verbal de ce témoignage anonyme est versé au dossier suite à une erreur administrative. C'est cette erreur de l'instruction qui permet à son avocat de le retrouver. Dès lors, on sait que c'est un policier des services de renseignements de la préfecture de police de Paris ( la DRPP ) qui l'accuse, ce même service qui avait produit les notes blanches utilisés pour interdire les jeunes militants de manifester.
Il a suffit d'un témoignage d'un policier sous X pour qu'un militant du mouvement social se retrouve pendant 10 mois en prison et sans procès !
Dans cette affaire, ce ne sont pas les preuves qui permettent d'aboutir à l'identification des coupables… mais l'accusation sans preuve de militants qui en font des coupables, charge à la police ensuite de fournir les preuves !
Plus d'un an après, ils sont désormais neuf inculpés à être renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris, deux d'entre eux sont toujours emprisonnés à Fleury Mérogis.
Leur cas doit servir à mettre en lumière des politiques répressives déjà appliquées dans les quartiers populaires.
Leur cas doit servir à riposter ensemble contre la répression d'Etat dans nos quartiers, entreprises et lieux d'études, et plus largement contre la précarisation de nos vies, qui se traduit aujourd'hui par la nouvelle loi travail XXL annoncée par Macron.
Ils sont capables d'utiliser la prison contre ceux qui contestent. Soyons prêts à nous unir pour refuser leur répression et leur monde.
Leur procès débute le 19 septembre et se termine le 22 septembre à la 14ème chambre correctionnelle du TGI de Paris. Nous appelons tous les jours à nous y rendre à 13h.
Le 19 septembre nous appelons à un rassemblement devant le TGI de Paris à 19h contre la répression.
Liste des premiers signataires :
Front Social ; Union Syndicales Solidaires ; NPA ; Alternative Libertaire ; Fédération SUD éducation ; Solidaire RATP ; OCML VP ; PIR ; La compagnie Jolie Môme , Collectif Féministe Révolutionnaire…
Source : https://quartierslibres.wordpress.com/2017/09…
Source : https://www.facebook.com/FrontSocialUni/
Affaire de la voiture de police brûlée quai de Valmy
Alain Damasio, Nathalie Quintane, Frédéric Lordon et Serge Quadruppani suivront les audiences pour lundimatin
Souvenez-vous, mercredi 18 mai 2016, en plein mouvement contre la loi travail, le syndicat de police Alliance ravissait la place de la République au mouvement Nuit Debout. Il s'agissait alors pour le syndicat de mettre en scène une réconciliation avec la population en s'affichant avec quelques bonnes âmes d'extrême-droite. Alors qu'un contre-rassemblement est gazé par les forces de l'ordre puis repoussé des abords de la place, une manifestation sauvage s'improvise. Sur son chemin, une voiture de police bloquée dans la circulation est prise à partie par la foule et prend feu après qu'un fumigène a atterri sur sa plage arrière.
C'est pour ces faits que 9 personnes comparaîtront devant la XIVe chambre du tribunal correctionnel de Paris, du 19 au 22 septembre.
Pour comprendre le contexte de cet incendie et des arrestations qui ont succédé, nous vous invitons à lire cet article que nous avions publié à l'époque : Voiture de Police Incendiée, le bluff de Cazeneuve
De nombreuses figures intellectuelles et organisations politiques appellent à un rassemblement pour soutenir les prévenus et demander leur relaxe, parallèlement, le syndicat de police Alliance qui se porte partie civile a annoncé sa présence à l'audience.
Les enjeux politiques, judiciaires et policiers de ce procès seront nombreux et exacerbés. Quelle est la légitimité de la colère face à la violence policière et institutionnelle ? Le témoignage anonyme d'un policier du renseignement est-il suffisant pour condamner des jeunes militants à des mois d'incarcération ? Une cour peut-elle juger un mouvement en y prélevant une poignée d'individus ? La justice n'est-elle que la chambre d'enregistrement rituel et officiel des pratiques de contrôle et de correction de l'institution policière ?
Gageons qu'il ne manquera pas de chroniqueurs judiciaires pour suivre les débats et ne pas répondre à ces questions. C'est pour cette raison que lundimatin a choisi de couvrir ce procès d'une manière inédite. Quatre écrivains reconnus chacun dans des domaines très distincts de la littérature se relaieront dans la salle d'audience afin de raconter ce qu'ils y ont vu et entendu. Frédéric Lordon, Nathalie Quintane, Alain Damasio et Serge Quadruppani nous feront l'honneur de leurs compte-rendus qui seront publiés quotidiennement dans nos pages.
- Alain Damasio est auteur de Science-Fiction, il a notamment publié La Zone du Dehors et La horde du contrevent (Gallimard).
- Nathalie Quintane est poète et écrivain. Elle a récemment publié Que faire des classes moyennes ? (P.O.L.).
- Frédéric Lordon est économiste et directeur de recherches au CNRS. Il a récemment publié Imperium : structures et affects des corps politiques (La Fabrique) et Les affects de la politique (Éditions du Seuil).
- Serge Quadruppani est auteur et traducteur de romans policiers. Il vient de publier Loups solitaires (Métailié).
Vengeance d'Etat
Entretien avec Antonin Bernnaos
Il a 22 ans, et dix mois de prison au compteur. Dans l'affaire de la voiture de police brûlée, Quai de Valmy, en mai 2016, il a été désigné comme coupable - alors qu'aucune preuve formelle n'a pu être trouvée contre lui. Pourquoi c'est tombé sur lui ? Peut-être parce que les « notes blanches » du Renseignement l'identifiaient de longue date comme un militant antifasciste impliqué dans diverses mobilisations, dont celle contre la loi Travail.
Que ces notes blanches n'aient aucune valeur juridique, qu'elles consistent en des allégations largement fantaisistes et des appréciations souvent erronées, la chose a été prouvée, et pas plus tard que la veille de son arrestation. Juste avant l'incident de la voiture de police brûlée, Antonin Bernanos avait fait l'objet d'une interdiction de manifester, sur la base de ces notes blanches : lui et quelques autres, concernés par la même sanction préventive, avaient porté l'affaire devant le Tribunal Administratif. Leurs avocats ont démontré que ces « renseignements » relevaient d'affabulations rocambolesques - prétendant par exemple que tel individu participait à un rassemblement violent à tel endroit, tandis que l'individu en question était à l'étranger, ce qu'attestaient indiscutablement ses visas et billets d'avion. Alors le Tribunal Administratif a levé les interdictions de manifester, désavouant les notes blanches. Et la Direction du Renseignement de la Préfecture de Police s'en est trouvée ridiculisée. C'était le 17 mai 2016. Et voici que le 18 mai, l'incident de la voiture de police a lieu ; et qu'un membre de la DRPP assure avoir reconnu Antonin Bernanos aux abords de la voiture de police, et que ce dernier a joué un rôle décisif dans l'incident ; ce policier est l'auteur d'un témoignage anonyme (mais son identité, par une faute de procédure, est révélée dans le dossier), et ce témoignage suffit à faire tomber Antonin.
Quelques heures après les faits, la police vient le chercher à son domicile. Il est gardé à vue, puis incarcéré. Rien, à part ce « témoignage » émanant de la DRPP, ne permet d'incriminer Antonin. Mais il marine quand même en détention. Pendant dix mois, ses avocats demanderont une mise en liberté, les juges se prononceront en faveur de cette libération, mais le Parquet fera appel de cette décision, et Antonin restera derrière les barreaux. Jusqu'à ce que la Ligue des Droits de l'Homme s'empare du dossier et convoque une conférence de presse : le lendemain, enfin, la Cour d'appel cède, et ordonne la libération sous contrôle judiciaire d'Antonin, jusqu'à son procès, qui aura lieu du 19 au 22 septembre prochain.
Le cas d'Antonin, on le voit, semble particulièrement emblématique des prérogatives de la répression dans le cadre de l'état d'urgence. Prérogatives qui permettent aux autorités de police de désigner un coupable, à leur guise (et plutôt parmi les opposants politiques un peu fatigants qu'on trouve dans la jeunesse antifasciste) et de charger ensuite la justice d'en produire les preuves. Que ces preuves soient introuvables ne semble pas faire obstacle à la machine répressive : un « témoignage » émanant du « Renseignement » fait office de preuve, et permet donc de criminaliser l'opposition politique en toute quiétude.
Retour sur sa trajectoire de jeune militant antifasciste, analyses sur les formes actuelles de la lutte et de l'antifascisme, sur l'interaction entre la Tête de Cortège et les cortèges syndicaux, la stratégie de répression à l'encontre du mouvement social, sur les enjeux et les stratégies à venir, et enfin sur la centralité d'une réflexion sur la prison dans la réflexion politique contemporaine.