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vendredi 19 mai 2017 à 8h30

Le rectorat menace d'annuler ce rv.
(voir le communiqué intersyndical, en bas de cette page)

2 parties : 1 2

Journées d'études

Penser l'intersectionnalité dans les recherches en éducation :

enquêtes, terrains, théories.

18 et 19 mai 2017

Pour des raisons de sécurité, les inscriptions sont gratuites mais obligatoires :
www.intersectionnalite-education.fr


Jeudi 18 mai 2017

9h-9h30 : Accueil

9h30-10h : Introduction des journées (amphithéâtre)

  • Alain Brélivet, Inspecteur du second degré, Chargé de mission Égalité filles-garçons de l'Académie de Créteil

10h-12h : Conférences de cadrage et échanges avec la salle (amphithéâtre)

  • Ce que parler d'intersectionnalité à l'ESPE veut dire : enjeux scientifiques et politiques des journées d'études - Comité d'organisation
  • Articuler race, classe, genre, colonialité… : quelques enjeux théoriques de la co-formation des rapports sociaux - Paola Bacchetta (Department of gender and women's studies, University of California)
  • Penser l'intersectionnalité dans les recherches en éducation - Françoise Lorcerie (IREMAM, CNRS et Aix-Marseille Université)
  • L'institution scolaire au risque de l'islamophobie : pistes de réflexion à partir de la question du devoir de neutralité - Marwan Mohammed (CMH, CNRS)

12h-13h : Déjeuner

13h-15h : Session 1 (trois panels et un atelier en parallèle)

Panel A : La construction des rapports différenciés aux cultures et aux savoirs (salle 303)

Discussion : Séverine Depoilly (GRESCO, Université de Poitiers)

  • Enfance et normes culturelles : comment se construisent les rapports enfantins aux œuvres d'art entre l'école et le musée et à l'intersection des rapports de classe, de genre et de race ? - Claire Desmitt (Proféor-CIREL, Université de Lille SHS)
  • Genre, classe, « race » et sciences : analyse intersectionnelle de la construction de rapports aux sciences différenciés chez des élèves de CM1-5ème - Clémence Perronnet (Centre Max Weber, ENS de Lyon)
  • L' « intégration en panne » dans les quartiers populaires vue par les lycées en fonction de leur lien aux immigrations : injustices sociales ou « problème » ethno-racial ? - Halima Aït-Mehdi (CURAPP-ESS, Université de Picardie Jules Verne)

Panel B : Discipliner les minoré.e.s (salle 306)

Discussion : Tal Dor (Experice)

  • Surveiller et sanctionner au nom de la loi du 15 mars 2004. Approche intersectionnelle des enjeux de la discipline laïque à l'école - Chloé Le Meur (EHESS, enseignante, Bezons)
  • « L'être humain pour qu'il comprenne faut lui laisser une trace : un vieux dicton qui se dit à Barbès ». Ethnographie d'une situation de violence à l'école au prisme de l'intersectionnalité - Naïma Anka Idrissi (Experice)
  • Pratiques éducatives au tribunal pour enfants : les apports de l'intersectionnalité pour comprendre la prise en charge des jeunesses minoritaires par la justice - Arthur Vuattoux (IRIS)

Panel C : Comment l'institution scolaire fabrique le « problème musulman » (amphithéâtre)

Discussion : Hanane Karimi (DynamE, Université de Strasbourg)

  • « Des esclaves sans sexe, sans race, sans religion » / Les Journées de Retrait de l'école : des « musulmans » contre « l'idéologie du genre » dans les programmes scolaires - Diane-Sophie Girin (GSRL, EPHE)
  • Les élèves ne sont-ils-pas Charlie ? Les attentats de janvier 2015 au prisme de l'intersectionnalité à l'école - Konstantinos Eleftheriadis (CEMS-IMM)
  • L'école face au « nous » musulman : retour d'enquête sur les réactions des élèves suite aux attentats de Charlie Hebdo dans une école primaire ségréguée - Alice Simon (CEPEL, Université de Montpellier)

Atelier 1 : Enseigner la laïcité : la messe ou le débat ? (salle 307)

  • Romain Geffrouais (Groupe Français d'Éducation Nouvelle)

15h-15h30 : Pause

15h30-18h : Session 2 (trois panels et un atelier en parallèle)

Panel D : Quand les acteurs.trices éducatifs.ves font bouger les lignes (1) (salle 306)

Discussion : Olivier Chaïbi (IDHES-UPEC-ESPE)

  • La prise en compte du genre et de la race par les enseignant.e.s du premier degré : perspectives comparées et intersectionnelles - Marie Pachoud (Laboratoire Max Weber)
  • Penser l'intersectionnalité à rebours du programme officiel : pratiques d'un groupe d'enseignants japonais en école élémentaire - Aline Henninger (Centre d'études japonaise, INALCO)
  • Incidences d'une formation sur l'intersectionnalité en EPS auprès des professeurs des écoles stagiaires - Odile Maufrais et Sigolène Couchot-Schiex (LIRTES)
  • · Parcours langagiers, langues profanes et langue savante : enjeux du bilinguisme des enfants de migrants - Laura Rakotomalala (Équipe Inserm Santé mentale et santé publique) et Marie Rose Moro (Équipe Inserm Méthodes et Cultures)

Panel E : Quand les acteurs.trices éducatifs.ves font bouger les lignes (2) (amphithéâtre)

Discussion : Julie Pagis (IRIS, CNRS)

  • Penser et expérimenter des pratiques non-discriminantes à l'école - Évelyne Clavier (CRAP-Cahiers pédagogiques)
  • Discriminations, racismes et processus de racialisation en lycée professionnel - Stéphane Kus (IFE, ENS de Lyon)
  • « Vous êtes âgée Madame c'est normal que vous soyez ouvert d'esprit » : Observation et analyse des réactions d'élèves de lycée professionnel à un dispositif sur le sexe, la classe et la race - Delphine Allouis (enseignante), Naïma Anka Idrissi (Experice), Anne Laure Ferrari (enseignante) et Fanny Gallot (CRHEC)
  • Questionner et agir sur la frontière entre la normalité et la différence à l'école : enseignants(es) et chercheurs(es) du projet Normalité, Différence et Éducation - Patricia Guerrero (Université Centrale du Chili), Carolina Rojas (Universidad Alberto Hurtado) et Claudia Matus (Pontificia Universidad Católica de Chile)

Panel F : Paradoxes de la lutte contre les discriminations (salle 307)

Discussion : Mathilde Larrere (ACP, UPEM)

  • La lutte contre les discriminations, un rapport de domination ? Les jeunes des quartiers populaires au croisement des représentations - Annick Metefia (Intervenante pédagogique)
  • La socialisation des bénéficiaires de l'action « L'ouverture sociale des lycées de la défense » - Sarah Tiano (ADEF, IRSEM)
  • Le rapport à l'origine et au territoire comme ressource pédagogique. L' « ouverture sociale » de Sciences Po Paris - Germán Fernández Vavrik et Agnès van Zanten (LIEPP)
  • Favoriser la diversité des origines ethniques pour favoriser la mixité entre les sexes dans les études supérieures d'informatique - Isabelle Collet (GRIFE-GE, Université de Genève)

Atelier 2 : Exposition « À l'intersection des dominations : le fait colonial dans les manuels scolaires » (bibliothèque)

  • Kevin Bernard (EHESS), Fanny Gallot (CRHEC) et Fatima Mehaouat (EHESS)

Vendredi 19 mai 2017

8h30-9h : Accueil

9h-11h : Session 3 (deux panels et un atelier en parallèle)

Panel G : Saisir les expériences biographiques et les points de vue des acteurs.trices (amphithéâtre)

Discussion : Renaud Cornand (Université Aix-Marseille)

  • Voix d'adolescents : l'école en situation postcoloniale - Malika Mansouri (PCPP)
  • L'intersectionnalité des rapports sociaux dans les positions dominantes. Les trajectoires biographiques d'enseignant.e.s noir.e.s à l'Université dans le Brésil contemporain - Guénolé Marchadour (LISE, CNAM)
  • Entre inégalités scolaires, ségrégation urbaine et divisions ethno-raciales. Regards d'enseignants sur les espaces de l'éducation prioritaire - Sophie Blanchard (Lab'Urba)

Panel H : Évaluer et orienter les élèves (salle 306)

Discussion : Ugo Palheta (CIREL-Proféor, Université de Lille 3)

  • L'évaluation scolaire : un révélateur de la consubstantialité des rapports sociaux de sexe, de classe et de « race » - Didier Chavrier (Laboratoire Éducation, Cultures, Politiques, Université Lyon II)
  • Les paradoxes de l'injonction à l'autonomie dans la sélection scolaire : filles et garçons de milieux populaires face à l'orientation - Séverine Chauvel (LIRTES)
  • Orientation scolaire et intersectionnalité. Analyse des prises de décision dans les conseils de classe en Fédération Wallonie-Bruxelles (Belgique) - Géraldine André (GERME, Université libre de Bruxelles)

Atelier 3 : Réflexions autour d'outils pédagogiques sur les stéréotypes au prisme de l'intersectionnalité (salle 307)

  • Anne Gorry, Ludivine Egounleti (association Les Petits Débrouillards), Sarah Barnier (IIAC-LAUM-BABELS, association les Petits Débrouillards)

11h-11h30 : Pause

11h30-13h30 : Session 4 (trois panels en parallèle)

Panel I : Tensions dans les rapports de domination (amphithéâtre)

Discussion : Isabelle Clair (IRIS, CNRS)

  • L'éducation à l'égalité des sexes et des sexualités au risque de l'altérisation de certaines familles - Gaël Pasquier (LIRTES)
  • Les pédagogies nouvelles face aux inégalités scolaires : enquête intersectionnelle dans une école Montessori en Équateur - Emily Lopez Puyol (Université Paris Diderot - Paris 7)
  • L'Altérité dans les manuels scolaires : une approche intersectionnelle des représentations genrées et ethnoraciales - Valérie Lanier (LIRTES)

Panel J : Traitement différentiel de publics spécifiques (salle 306)

Discussion : Roxane Bettinger (Institut Supérieur Clorivière)

  • Penser l'intersectionnalité dans la scolarité de jeunesses migrantes - Maïtena Armagnague (Grhapes, INS HEA)
  • Parcours de formation de migrant·e·s transgenre au prisme de l'intersectionnalité - José Reyes (CEREP)
  • Disqualification identitaire et imposition normative de la pensée : la douance à la lumière de l'intersectionnalité - Maëlle Maillard (Experice, Université Paris 8)

Panel K : Effets ségrégatifs des politiques et des dispositifs éducatifs (salle 307)

Discussion : Anne Clerval (ACP, UPEM)

  • Intersection entre surdité et migration : prise en compte de la diversité linguistique et culturelle dans le champ de l'éducation - Diane Bedoin (CIRNEF)
  • Inégalités, ségrégation et ethnicisation des territoires de l'école à Marseille - Gwenaëlle Audren et Virginie Baby-Collin (TELEMME, CNRS, Université Aix Marseille)
  • Altérité ethnique et appropriation de la compréhension en milieux populaires - Samuel Bérard (CIRCEFT-ESCOL)

13h30-14h30 : Déjeuner

14h30-16h30 : Session 5 (deux panels et un atelier en parallèle)

Panel L : Les pédagogies critiques à l'épreuve de l'intersectionnalité (amphithéâtre)

Discussion : Nassira Hedjerassi (CEREP, Université de Reims Champagne-Ardenne)

  • Enseigner à l'épreuve de l'intersectionnalité : retour sur les pédagogies critiques - Irène Pereira (LIS, UPEC)
  • Le théâtre de l'opprimé.e :
une méthodologie de l'intersectionnalité ? - Myriam Cheklab (Experice, Université Paris 8)
  • Alliance sans appropriation ? Vers une pratique pédagogique intersectionnelle des romans de Sue Monk Kidd - Lara Cox (Université Paris 4, Université d'Évry)

Panel M : Épistémologies et méthodologies de l'intersectionnalité (salle 306)

Discussion : Jules Falquet (CEDREF-LCSP, Université Paris Diderot)

  • « Classe, race, genre » à l'Université : comment saisir la consubstantialité des rapports sociaux dans les trajectoires étudiantes franciliennes ? - Leïla Frouillou (CIRCEFT-ESCOL)
  • Perspectives intersectionnelles dans la recherche qualitative sur la formation professionnelle duale en Suisse. Les questions soulevées par une analyse secondaire de données ? - Nadia Lamamra (IFFP-Lausanne)
  • Penser l'intersectionnalité dans les représentations du métier de professeur d'EPS. Enjeux méthodologiques d'une enquête par questionnaires - Cécile Ottogalli-Mazzacavallo, Loïc Szerdahelyi, Aurélie Epron (L-ViS, Université Lyon 1)

Atelier 4 : La leçon de « la leçon de discrimination » (salle 307)

  • Joëlle Magar-Braeuner (LEGS, IREF-UQAM)

16h30-17h : Pause

17h-18h30 : Table ronde

Regards croisés d'universitaires, actrice.teur.s du monde éducatif et militant.e.s (amphithéâtre)

  • Claire Cossée (LIRTES)
  • Fabrice Dhume (URMIS/ISCRA)
  • Nasima Moujoud (LARHRA)
  • Audrey Mukoko (enseignante et afroféministe)
  • Sarah Zouak (Lallab)

Présentation :

Les travaux de sciences humaines et sociales qui mobilisent l'intersectionnalité (Crenshaw, 1989) en tant qu'outil théorique se sont multipliés en France depuis le début des années 2000. Ils ont permis l'étude à nouveaux frais de la production des inégalités et des discriminations vécues par les groupes minoritaires, à partir de l'imbrication de différents rapports sociaux de domination (voir, par exemple, Chauvin et Jaunait, 2011, Le Renard, 2013, Falquet et Kian, 2015, Mazouz, 2015, Belkacem, Le Renard et Paris, 2016). À la fois outil, méthode et objet de recherche, l'intersectionnalité varie dans ses usages et ses définitions (Bilge, 2009, 2010, Fassin et al., 2015), nourrie par les critiques qui sont adressées, tantôt au terme d'intersectionnalité (Kergoat, 2009, Bacchetta, 2015), tantôt aux usages qui sont faits de ce concept (Ait Ben Lmadani et Moujoud, 2012). D'autre part, sans utiliser le terme d'intersectionnalité, certaines approchesmobilisent des problématiques proches, comme par exemple les analyses en terme de construction de la différence (West et Fenstermaker, 2006),ou encore la philosophie sociale de Nancy Fraser (2011).

Dans les recherches en éducation en France - sociologie de l'éducation en tête - les inégalités, en particulier liées à la classe sociale, sont depuis les années 1960 un thème central. En revanche, l'analyse des effets produits par le croisement des dominations, qu'elles soient de classe, de « race », de genre, mais également religieuses, ou encore liées aux sexualités, n'est pas systématiquement envisagée. Dans les espaces scolaires et éducatifs, la notion d'intersectionnalité, de même que celle de discrimination[1], et plus spécifiquement de discrimination raciale, a même pu sembler longue à émerger. Pour certain-e-s, ce « retard » tiendrait au fait que reconnaître la présence de discriminations ethnoraciales à l'école mettrait à mal l'idéal républicain et universaliste d'une école égalitaire, qui traiterait tou-te-s les élèves de la même manière et permettrait leur « intégration » (Lorcerie, 2003). La primauté accordée traditionnellement aux interprétations convoquant la classe sociale garderait alors à distance le concept de discrimination, tout comme celui de racialisation. À ce sujet, Jean-Paul Payet écrit que « l'occultation de l'ethnicité à l'école paraît conduire à la mise en œuvre occulte d'une série de discriminations fines en défaveur des enfants d'origine étrangère et de leurs familles » (1992, p. 60).

Cependant, la question des discriminations ethnoraciales n'est pas absente de toutes les recherches en éducation (voir par exemple Payet et Van Zanten, 1996, Rinaudo, 1998, Fassin, 2009, Dhume et al., 2011, Felouzis et Fouquet-Chauprade, 2015). Certaines de ces recherches explorent l'articulation de différents rapports sociaux. Par exemple, dans les années 1990, il n'a pas seulement été question de la place des filles dans le système scolaire (Baudelot, Establet, 1992), mais également de l'articulation de la classe et du genre (Felouzis, 1993). Des études ont ainsi mis au jour les inégalités scolaires selon la classe, l'origine migratoire et le genre, et ont également interrogé les discriminations liées aux diplômes dans un contexte où l'école tient une place de plus en plus importante (Chauvel, 2016). Dans la même veine, les lycées professionnels ont fait l'objet de recherches interrogeant les rapports de classe, de genre et de race (voir par exemple Anka Idrissi, 2010, Palheta, 2012, Depoilly, 2014). La mobilisation d'une grille croisant « classe, race, sexe » en éducation a ainsi contribué à renouveler la réflexion sur la production des différences et des inégalités scolaires, en dévoilant notamment les mécanismes et les logiques des acteurs (Lepoutre, 2004, Lorcerie, 2010, Nyambek Kanga-Mebenga, 2012, 2016, Poiret, 2000, Perroton, 2000, Van Zanten, 2001, etc.), tout comme le rôle de l'école (Brugeilles et Cromer, 2005, Dhume, 2016, Felouzis et al., 2005, Felouzis, 2014). Des débats existent néanmoins, concernant les destins scolaires des héritiers de l'immigration post-coloniale, quant à l'intérêt - ou non - de développer des analyses en terme de race/ethnicité (voir par exemple Bonnery, 2006).

Dans ce contexte, ces journées d'études ont pour objectif l'examen des processus de racialisation en tant que rapport de pouvoir à l'œuvre dans les mondes éducatifs français, et la manière dont ils s'articulent avec les rapports sociaux de sexe et de classe. Autrement dit, il s'agit d'interroger la manière dont les rapports sociaux de classe, de « race », de sexe s'entremêlent, interagissent les uns avec les autres et structurent ensemble (Pfefferkorn, 2007) le champ de l'éducation, à l'image du champ social en général. L'objectif scientifique majeur de ces journées réside donc dans la volonté d'appréhender comment se produisent, se reproduisent, s'influencent mutuellement et se reconfigurent les inégalités scolaires (en éducation) et lesdits rapports sociaux qui les fondent. Une telle perspective reste peu développée dans le champ de l'éducation et viendrait pour ainsi dire contribuer à l'animation d'une réflexion sur l'intersectionnalité en sciences sociales, jusqu'ici restreinte en France aux domaines de l'immigration, du travail, ou encore aux études féministes et de genre.

Ces processus de racialisation pourront être étudiés à travers les stigmatisations et les discriminations dont font l'expérience les personnes assignées à des groupes minoritaires, par exemple celles catégorisées comme musulmanes (Guénif-Souilamas et Macé, 2004, Hancock, 2011, Hajjat et Mohammed, 2013, Asal, 2014), ou encore romsou gitanes (Dhume, 2012, Sarcinelli, 2014).Les expériences d'autres catégories de personnes seront également étudiées, sans oublier les pratiques et les représentations des « dominants » ou des « majoritaires » - que le concept de blanchité soit mobilisé ou non (Kebabza, 2006, Chapon, 2011, Cervulle, 2013). Il sera également question de l'effet conjugué des assignations identitaires et des autodéfinitions et revendications des acteurs concernés, dans la (re)production sociale des différences (Juteau, 1999, Rex, 2006, Felouzis et Fouquet-Chauprade, 2013).

Les communications attendues peuvent relever des différentes disciplines des sciences humaines et sociales et concerner les mondes de l'éducation au sens large (école, éducation populaire, formation des adultes, éducation spécialisée, intervention sociale). Si les terrains d'enquête en France seront privilégiés (ce qui n'exclura pas des recherches menées dans d'autres espaces), la composition internationale du comité scientifique permettra d'élargir le regard à d'autres approches et théories - notamment francophones - que celles traditionnellement usitées dans les recherches françaises en éducation. Trois niveaux pourront être pris en compte : celui des publics et des trajectoires des acteurs/trices, celui du contenu des savoirs transmis, celui des professionnels de l'éducation en relation avec les institutions.

Au cours de ces deux journées d'études, nous proposons d'articuler la réflexion sur l'intersectionnalité en éducation autour de quatre axes - les propositions de communication croisant plusieurs de ces axes et/ou en proposant d'autres sont également bienvenues :

1. Intersectionnalité et inégalités en éducation

L'enjeu de cet axe est de revenir sur des approches macrosociologiques, économiques et/ou géographiques reprenant et analysant les résultats d'enquêtes quantitatives. Qu'apporte l'approche intersectionnelle à une analyse multifactorielle des inégalités ? Quels types de discriminations peut-on mettre au jour dans ce cadre ? Existe-t-il des contextes locaux, des territoires particulièrement concernés par une imbrication des inégalités ? Par exemple, s'agissant du supérieur francilien, si l'on peut parler d'une ségrégation liée à la classe sociale (Frouillou, 2015), comment se croise-t-elle avec la race et/ou le genre ? Que pourrait apporter une approche intersectionnelle de l' « école de la périphérie » pour reprendre le titre de l'ouvrage d'Agnès Van Zanten (2001) ?

2. Intersectionnalité, discriminations et politiques éducatives

L'imbrication des rapports de domination interroge de manière nouvelle les responsabilités des politiques éducatives et des acteurs dans la production de discriminations. Dans cette perspective, les inégalités sont considérées comme pouvant être le résultat, direct ou indirect, d'un processus qui désavantagerait, en raison d'une inégalité de traitement, un groupe par rapport à un autre, en fonction de critères illégitimes. À propos du supérieur, qu'apporte l'intersectionnalité à l'étude des dispositifs d'ouverture sociale des classes préparatoires ou de Sciences po (Allouch, 2012, Shahrokni, 2015), par exemple ? Encore, comment peut-on envisager ainsi les effets et le contournement de la carte scolaire ? Que dire des dispositifs de « discrimination positive » ? Comment analyser la fabrique et les répercussions des politiques et des législations successives en matière de laïcité (Zancarini-Fournel, 2008) ?

3. Intersectionnalité et pratiques des actrices/eurs

Il s'agira également d'analyser les rapports de domination en acte, la manière dont les actrices/teurs façonnent au quotidien la différence et la domination, en portant une attention aussi bien aux « minoritaires » qu'aux « majoritaires », et à la question de la co-production des différences. Comment se construit une pratique discriminatoire ? Inversement, qui pense l'intersectionnalité dans les mondes de l'éducation ? Comment les enseignants peuvent-ils dans leur classe, par leurs pratiques, remettre en question les rapports de classe, de sexe et de race ? C'est le cas par exemple de la pédagogie engagée (hooks, 2013, Hedjerassi, 2016), ou encore de pédagogie critique (McLaren, 2006) qui connaissent de nombreuses déclinaisons dont une des plus récentes est la pédagogie décoloniale ou interculturelle critique (Walsh, 2014). Par pratiques des actrices/eurs, nous entendons également l'ensemble de la « chaîne curriculaire », de la sélection des savoirs à leur transposition, en passant par les programmes, les choix d'objets d'études, ou encore les modalités d'apprentissage proposées. Par exemple, des manuels scolaires et/ou de la littérature de jeunesse d'hier et d'aujourd'hui peuvent être étudiés dans une perspective intersectionnelle.

4. Épistémologies et méthodologies de l'intersectionnalité

Les travaux mobilisant la notion d'intersectionnalité font débat, de même que la manière de saisir empiriquement l'articulation des rapports de sexe, de classe et de race. Comment les recherches en éducation se sont-elles emparées, ou pourraient-elles s'emparer, de ces débats épistémologiques et méthodologiques pour interroger les rapports de domination dans les mondes scolaires et éducatifs ? Est-il nécessaire de mobiliser la notion d'intersectionnalité et/ou d'en fournir une définition précise pour comprendre la manière dont race, classe et genre - notamment - s'articulent dans ces mondes ? Comment ne pas cantonner ces questions aux seuls immigrants et descendants d'immigrants ? Qu'apportent les approches prônant une décolonisation des savoirs (Grosfoguel R., 2012) ? Comment mêler, dans l'analyse, l'histoire collective et les histoires individuelles (Mansouri, 2008, 2013) ? Dans les recherches en éducation, comment exposer empiriquement les imbrications race/classe/genre sans épouser une perspective additionnelle ; comment problématiser la consubstantialité et la coextensivité des rapports sociaux (Kergoat, 2009, Dorlin, 2009) ?

Format et calendrier des propositions de communication

Les interventions proposées pourront revêtir des formats universitaires classiques (de type communication en colloque ou journée d'études), ou bien d'autres formats plus interactifs (à préciser alors). Les propositions de communication (3000 à 4000 signes avec une bibliographie indicative) doivent être parvenues avant le 15 décembre 2016, à l'adresse suivante : inteexrsectionexnalite.eexducation@gmail.cexom. Les réponses seront données fin janvier 2017.

Références bibliographiques

  • Ait Ben Lmadani F., Moujoud N., 2012, « Peut-on faire de l'intersectionnalité sans les ex- colonisé-e-s ? », Mouvements, n° 72.
  • Allouch A., 2012, « La mobilité sociale des jeunes saisie par les universités d'élite : les dispositifs d'ouverture sociale en France et en Angleterre », in Nativel C., Pickard S., Portier F. (dir.), Les politiques de jeunesse au Royaume-Uni et en France : désaffection, répression et accompagnement à la citoyenneté, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle.
  • Anka Idrissi N., 2010, L'ordre du genre au prisme des intersections de sexe, classe, « race » : la construction d'identité de genre des jeunes filles de banlieue populaire, mémoire de master, Paris, EHESS.
  • Asal H., 2014, « Islamophobie  : la fabrique d'un nouveau concept », Sociologie, vol. 5, n° 1.
  • Bacchetta P., 2015, « Décoloniser le féminisme : intersectionnalité, assemblages, co-formations, co-productions », Les cahiers du CEDREF, n° 20.
  • Baudelot C., Establet R., 1992, Allez les filles !, Paris, Seuil.
  • Belkacem L., Le Renard A., Paris M., 2016, « Race », in Rennes J. et al. (dir.), Encyclopédie critique du genre, Paris, La Découverte.
  • Bilge S., 2009, « Théorisations féministes de l'intersectionnalité », Diogène, vol. 225, no 1.
  • Bilge S., 2010, « De l'analogie à l'articulation : théoriser la différenciation sociale et l'inégalité complexe », L'Homme et la société, vol. 176-177, no 2.
  • Bonnery S., 2006, « La question de "l'ethnicité" dans l'École : essai de reconstruction d'un problème », Sociétés et jeunesses en difficultés, n° 1.
  • Brugeilles C., Cromer S., 2005. Analyser les représentations du masculin et du féminin dans les manuels scolaires, Paris, Ceped.
  • Cervulle M., 2013, Dans le blanc des yeux. Diversité, racisme et médias, Paris, Amsterdam.
  • Chapon V., 2011, Les « repris de justesse » des belles écoles. Étude ethnographique de la structuration et de la construction sociale de l'échec scolaire et des situations de rattrapage dans les classes dominantes, thèse de doctorat de sciences de l'éducation, Bordeaux, Université Bordeaux 2.
  • Chauvel S., 2016, Course aux diplômes : qui sont les perdants ?, Paris, Textuel.
  • Crenshaw K. W., 1989, « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex. A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics », University of Chicago Law Forum, vol. 1989, n° 1.
  • Depoilly S., 2014, Filles et garçons au lycée pro. Rapport à l'école et rapport de genre, Rennes, PUR.
  • Dhume F., 2012, « La "classe à la cave". Un exemple de discrimination institutionnalisée », Diversité, n° 168.
  • Dhume F., 2016, Communautarisme. Enquête sur une chimère du nationalisme français, Paris, Demopolis.
  • Dhume F., Dukic S., Chauvel S., Perrot P., 2011, De l'(in)égalité de traitement selon « l'origine » dans l'orientation et les parcours scolaires, Paris, La documentation française.
  • Dorlin E. (dir.), 2009, Sexe, race, classe : pour une épistémologie de la domination, Paris, PUF.
  • Falquet J., Kian A. (coord.), 2015, « Intersectionnalité et colonialité. Débats contemporains », Les Cahiers du CEDREF, n° 20.
  • Fassin D., Fassin E., 2009, De la question sociale à la question raciale, Paris, La Découverte.
  • Fassin E. et al., 2015, « Les langages de l'intersection », Raisons politiques, n° 58.
  • Felouzis G., 1993, « Interactions en classe et réussite scolaire. Une analyse des différences filles-garçons », Revue française de sociologie, vol. 34, n° 2.
  • Felouzis G., Fouquet-Chauprade B., 2013, « Le "savant" et l'ethnicité : essai de construction d'un objet sociologique », International Journal of Violence and Schools, n° 19.
  • Felouzis G., Fouquet-Chauprade B. (coord.), 2015, « Les descendants d'immigrés à l'école », Revue française de pédagogie, n° 191.
  • Fraser N., 2011, Qu'est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution, Paris, La Découverte.
  • Frouillou L., 2015, Les mécanismes d'une ségrégation universitaire francilienne : carte universitaire et sens du placement étudiant, thèse de doctorat, Paris, Université Panthéon-Sorbonne.
  • Grosfoguel R., 2012, « Un dialogue décolonial sur les savoirs critiques entre Frantz Fanon et Boaventura de Sousa Santos », Mouvements, n° 72.
  • Guénif-Souilamas N., Macé É., 2004, Les féministes et le garçon arabe, La Tour d'Aigues, Éditions de l'Aube.
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Comité d'organisation :

  • Naïma Anka Idrissi (sociologie, EXPERICE)
  • Louiza Belhamici (Rectorat de l'académie de Créteil)
  • Lila Belkacem (sociologie, LIRTES)
  • Joëlle Braeuner (études de genre et sociologie, LEGS et IREF-UQAM)
  • Amandine Chapuis (géographie, ACP)
  • Marwa Charraf (sociologie, ESPE de Créteil)
  • Séverine Chauvel (sociologie, LIRTES)
  • Sigolène Couchot-Schiex (sciences de l'éducation, LIRTES)
  • Céline Delcroix (sciences de l'éducation, LIRTES)
  • Samira Drissi (sciences du langage et sociologie, ESPE de Créteil)
  • Dieynébou Fofana-Ballester (sciences de l'éducation, LIRTES)
  • Fanny Gallot (histoire, CRHEC)
  • Marlène Loicq (sciences de l'information et de la communication, CEDITEC)
  • Odile Maufrais (sciences de l'éducation, LIRTES)
  • Benjamin Moignard (sciences de l'éducation, LIRTES)
  • Francine Nyambek-Mebenga (sciences de l'éducation, LIRTES)
  • Gaël Pasquier (sociologie, LIRTES)
  • Irène Perreira (philosophie, LIS)
  • Loïc Szerdahelyi (histoire et STAPS, L-ViS)

Comité scientifique :

  • Houda Asal (sociologie et histoire, Department of integrated studies in education, McGill University)
  • Paola Bacchetta (sociologie, Department of gender and women's studies, University of California)
  • Marc Bessin, (sociologie, IRIS)
  • Sophie Blanchard (géographie, Lab'Urba)
  • Isabelle Collet (sciences de l'éducation, GRIFE-GE, Université de Genève)
  • Séverine Depoilly (sociologie, GRESCO)
  • Fabrice Dhume (sociologie, ISCRA/URMIS)
  • Tal Dor (sciences de l'éducation, EXPERICE)
  • Jules Falquet (sociologie, LCSP)
  • Ramon Grosfoguel (chicano/latino studies, Department of ethnic studies, University of California)
  • Nacira Guénif-Souilamas (sciences de l'éducation, EXPERICE)
  • Claire Hancock (géographie, Lab'Urba)
  • Nassira Hedjerassi (sociologie et sciences de l'éducation, CEREP)
  • Azadeh Kian (sociologie, CEDREF/LCSP)
  • Françoise Lorcerie (sociologie, IREMAM)
  • Malika Mansouri (psychologie, PCPP)
  • Peter McLaren (critical studies, College of educational studies, Chapman University)
  • Marwan Mohammed (sociologie, CMH)
  • Nasima Moujoud (anthropologie, LARHRA)
  • Anissa Ouamrane (géographie, Lab'Urba)
  • Naïma Regradj (psychologie, UTRPP)
  • Michelle Zancarini-Fournel (histoire, LARHRA)

[1] Entendues ici comme un traitement inégalitaire fondé sur des critères considérés comme illégitimes.

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/51802
Source : liste de diffusion TERRA, reçu le 6 décembre 16h
Source : message reçu le 3 avril 13h
Source : message reçu le 14 avril 10h


Quand le rectorat de Créteil tue la pensée critique !

A Créteil, d'inquiétantes menaces d'annulation d'une formation sur l'intersectionnalité à destination des enseignant-es

Communiqué intersyndical SUD Education 93 - CGT Educ'action Créteil - CNT 93

Dans l'académie de Créteil, une formation sur l'intersectionnalité proposée aux enseignant-es dans le cadre de journées d'études est menacée d'annulation par la direction de l'ESPE (Ecole Supérieure du Professorat et de l'Education) et du rectorat. Ces deux journées d'études prévues les 18 et 19 mai visent à « Penser l'intersectionnalité dans les recherches en éducation », en analysant le croisement au sein de l'institution scolaire des discriminations racistes, sexistes, homophobes, transphobes et des inégalités de classe.

Ces journées d'études et de formation, animées par des intervenant-es chercheur-euses en sciences sociales, reconnu-es par la qualité de leur travaux, ont reçu le soutien de la MAIF, du Conseil départemental du Val-de-Marne, de l'ESPE de Créteil, du Ministère de l'Enseignement et de la Recherche, ainsi que du rectorat de Créteil, qui avait lui-même inscrit ces journées au plan académique de formation depuis juin 2016. Plus d'une trentaine d'enseignant-es ont demandé en début d'année scolaire à participer à ces journées d'études, ce qui mentre le besoin de formation en ce domaine. Il s'agit pour certain-es d'entre eux-elles de leur unique voeu de formation pour cette année scolaire.

Depuis quelques jours, les dates et le lieu des journées d'études ont disparu du site du plan académique de formation et les enseignant-es inscrit-es n'ont à ce jour reçu aucune convocation ou information leur assurant que la formation était maintenue.

Ce possible retrait serait-il le fait des critiques infondées portées sur les réseaux sociaux par la candidate du Front National, Marine Le Pen et de groupes aux idées réactionnaires (le site identitaire Fdesouche,le MRC - Mouvement Républicain et citoyen et le Printemps républicain). En tant qu'organisations syndicales défendant l'indépendance de la recherche et le droit à la formation des enseignant-es, nous souhaitons poser la question au rectorat de Créteil et à l'ESPE.

Au-delà de la lutte générale contre l'obscurantisme, la formation répond à des besoins urgents. Comment combattre effectivement les inégalités à l'école si on en ignore les ressorts ? Oui, il est urgent de mieux connaître les facteurs des inégalités, donc d'échanger avec des chercheurs et des chercheuses sur les rapports de force qui hiérarchisent la société, à commencer par l'école, et qui articulent « race » sociale, classe, genre, orientation sexuelle, mais aussi handicap ou état de santé. En censurant cette formation, l'académie de Créteil et l'ESPE entretiendraient l'ignorance et empêcheraient l'élaboration de pratiques pédagogiques et de discours à même de lutter contre les inégalités.

Rappelons qu'en 2014 déjà, les responsables académiques avaient censuré les formations touchant aux études sur le genre, répondant à la vindicte illégitime des mouvements religieux, homophobes, réactionnaires et sexistes comme la Manif pour Tous. Le rectorat de Créteil s'apprête-t-il encore à céder face à de telles injonctions réactionnaires ?

Les personnels de l'éducation doivent-ils être privés de formation sur le racisme, l'homophobie, le sexisme, l'éducation à la sexualité ou à la prévention du VIH car la direction de l'ESPE craint des polémiques alimentées par des organisations d'extrême-droite ? L'annulation de cette formation sur l'intersectionnalité - champ de recherche reconnu internationalement - formerait un dangereux précédent après celui concernant les études de genre.

Nous demandons donc au rectorat et à l'ESPE de Créteil de réinscrire les deux journées d'études au plan académique, telles qu'elles ont été validées par leurs services de longue date, de confirmer aux inscrit-es la tenue de cette formation et de ne pas céder aux instrumentalisations politiciennes, réactionnaires et obscurantistes.

Source : http://www.sudeducation93.org/Quand-le-rector...