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lundi 5 décembre 2016 à 20h

Projection débat « L'Algérie du possible »

La Révolution d'Yves Mathieu

documentaire de Viviane Candas - France - 82' - 2016

Avant-première

Soirée en partenariat avec Les Films de l'Atalante.

En présence de Viviane Candas.

Impliquée depuis l'enfance dans l'indépendance de l'Algérie, l'auteure interroge les compagnons de son père Yves Mathieu, avocat du FLN puis conseiller du premier gouvernement algérien.

Elle tente de comprendre son parcours : anticolonialiste de la première heure, très actif en Algérie jusqu'à sa mort en 1966 dans des circonstances troubles.

A-t-il été assassiné ?

Tarifs

  • Plein tarif 8 €
  • Tarif réduit 6.5 €
  • Tarif - 15 ans 5 €
  • Carte UGC et Gaumont Acceptées

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/51203
Source : http://www.cinemalaclef.fr/evenements/lalgeri...
Source : http://www.cinemalaclef.fr/evenements/maghreb...


Yves Mathieu, militant méconnu

Par Hassina AMROUNI

Avocat et militant anticolonialiste, Yves Mathieu est né en Algérie. Engagé aux côtés des Algériens, durant la guerre de libération nationale, son parcours demeure méconnu de la génération post-indépendance.

Contrairement à nombre de militants anticolonialistes, élevés au rang de héros, en raison de leur combat pour l'Algérie (Maurice Audin, Fernand Yveton, Jacqueline Guerroudj,etc.), Yves Mathieu est toujours resté dans l'ombre. Un besoin de discrétion volontaire imposé, selon sa fille, Viviane Candas, par son engagement prématuré d'abord au sein des réseaux de résistants français durant la Seconde Guerre mondiale, puis comme militant anticolonialiste, proche des milieux communistes, notamment du «Rassemblement démocratique africain ». Exclu du PCF en 1957, à la suite de son adhésion au Front de libération nationale, Yves Mathieu verra son parcours militant prendre un tournant charnière.

Voulant faire revivre cette figure paternelle qu'elle aura peu connue car prématurément arrachée à la vie le 16 mai 1966, dans des conditions tragiques, la cinéaste a réalisé « L'Algérie du possible, la révolution d'Yves Mathieu » dont l'avant-première mondiale a eu lieu à la cinémathèque algérienne le 15 octobre dernier, en sa présence.

Document d'histoire

Filmé comme une enquête, à partir d'images d'archives, de séquences filmées dès 2009 à Alger, Constantine et Annaba, ville où Yves Mathieu a vu le jour en 1925, mais aussi d'entretiens avec plusieurs personnalités historiques et politiques parmi lesquelles l'ancien président Ahmed Ben Bella, ce road movie de 90 mn revient sur les pas de celui qui fut l'un des avocats du FLN. Evoquant sa démarche dans un entretien (*), Viviane Candas expliquera que « le fil rouge consistait à questionner des gens l'ayant connu en m'interrogeant moi-même sur les motifs de son engagement. J'ai finalement retiré quelques éléments sentimentaux, comme une promenade en barque que j'avais faite avec mon père, j'avais ramé, il s'était endormi. Le pari est toujours de retenir l'attention du spectateur. C'est le film qui m'a donné le plus de mal, celui qui aura été le plus difficile à faire. Avec Claudine Dumoulin, nous avons travaillé un an sur le montage. La complexité à régler, c'était la question de la temporalité, l'écoulement du temps ».

S'attardant sur les grands projets de l'Etat algérien au lendemain de l'indépendance auquel Yves Mathieu et son épouse ont pris part comme l'alphabétisation, le reboisement des zones bombardées au napalm par l'armée française ou la mise en place d'un système de santé, la réalisatrice consacrera, néanmoins, une grande partie de son documentaire à l'installation du système d'autogestion des domaines agricoles promulgué par le Président Ahmed Ben Bella en mars 1963 par un décret rédigé de la main d'Yves Mathieu comme en témoignent Ahmed Bedjaoui, Mohamed Harbi ou Mourad Lamoudi, acteurs politiques de l'époque. Viviane Candas fera parler d'autres personnes, dont des amis de la famille parmi lesquels Jean Marie Boëglin qui fut le directeur technique du Théâtre national algérien. Tous noteront l'engagement indéfectible d'Yves Mathieu dans la construction de l'Algérie indépendante. Pour sa part, Jacques Vergès, dira de son confrère qu'« il ne savait pas épouser une cause tout en restant lucide. » De leur côté, Ahmed Ben Bella, Mohamed Bédjaoui ou Mohamed Harbi considéreront qu'il fut un « pionnier et une cheville ouvrière infatigable pour la construction d'une Algérie que d'aucuns voyaient comme le pays de tous les possibles ».

Tout en revenant sur les visites de plusieurs figures anticolonialistes de l'époque à Alger, plaçant ainsi l'Algérie au centre de toutes les luttes et de toutes les causes justes, la réalisatrice continuera à dérouler les images sur le parcours de son père après la prise de pouvoir par le président Houari Boumediene, le 19 juin 1965, images d'archives et témoignages de cette journée à l'appui. Yves Mathieu occupera ensuite un poste de professeur à l'institut de gestion et de planification avant de reprendre ses études d'économie à l'université d'Alger puis ouvrir un cabinet d'avocats avec son épouse.

Alors que beaucoup de ses compagnons avaient quitté l'Algérie ou étaient en détention, Yves Mathieu continue à exercer son métier et la réalisatrice évoque, sans en donner plus de détails, des « relations avec des officiers de l'armée à Constantine préparant une insurrection ».

Autour du film…

Revenant longuement sur les circonstances de l'accident qui a coûté la vie à son père - le véhicule dans lequel il se trouvait a été percuté par un camion militaire sur la route entre Constantine et Skikda -, Viviane Candas affirme que c'est cette « quête encore inachevée » qui l'a amenée à faire ce film. D'ailleurs, elle le confiera dans un entretien (*) : « Le film m'a vraiment fait comprendre tout d'abord que je ne saurais jamais la vérité, ainsi que je le dis dans la voix off. J'ai surtout compris qu'Yves Mathieu était un Algérien à part entière et le film constitue cette identité ».

Expliquant, par ailleurs, comment son père est resté fortement présent dans le cœur et l'esprit de ceux qui l'ont côtoyé de près, la cinéaste notera encore : « Tout le monde qui se souvient de mon père m'ouvre sa porte en grand, et cela me touche beaucoup. Yves Mathieu n'a pas disparu dans un trou noir de la mémoire collective ». D'autre part et concernant l'importance que constituait ce film pour elle, pour son parcours et le fait qu'il témoignait de son amour profond de l'Algérie, la cinéaste expliquera encore : « J'ai rempli un certain trou noir qui avait marqué mon existence en retrouvant la lumière du parcours d'un homme. C'est une façon de se réapproprier une expérience, de me réapproprier un passé traumatique et d'en être fière.

La figure d'Yves Mathieu surgit à nouveau, incarnée, et plus seulement issue de mon seul souvenir. Le film crée une filiation, cela ne constitue pas seulement l'identité de mon père comme Algérien, cela constitue aussi mon identité par rapport à ce pays et à ce passé. Il explique pourquoi je suis à moitié algérienne, ce qui était très compliqué à faire auparavant. J'ai toujours été plus émue par l'Algérie, par les Algériens surtout, que par la France des Français ». Enfin, elle terminera en disant : « Pour que la jeunesse élargisse le champ des possibles et n'ait pas peur de faire de grandes expériences, il faut que la mémoire des expériences précédentes lui soit transmise. Elle trouvera comment s'en servir ».

Hassina Amrouni

Sources :

Divers articles de la presse nationale

(*) www.jeunecinéma.fr/ Propos recueillis par Olivier Hadouchi (mai 2015)

Source : http://www.memoria.dz/d-c-2015/guerre-liberat...
Source : http://secondevague.com/algerie-du-possible/