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jeudi 13 octobre 2016 à 19h

Présentation de « L'improbable espionne »

par Ronnie Kasrils, compagnon de lutte de Mandela

Ronnie Kasrils, l'un des rares sud-africains blancs à avoir combattu dès 1960 au sein de l'ANC contre l'apartheid, nous fera l'honneur de présenter le jeudi soir 13 octobre, à la librairie Résistances, son livre « L'improbable espionne », consacré à l'engagement extraordinaire de sa femme Eleanor dans la lutte armée, les sabotages et la clandestinité, pour vaincre la ségrégation.

A l'occasion du 25ème anniversaire de l'abolition de l'apartheid en Afrique du Sud (juin 1991), et du 10ème anniversaire de la librairie Résistances, Ronnie Kasrils, l'un des cadres du Congrès National Africains (ANC), présentera le récit étonnant d'une Écossaise élevée dans une famille de la bourgeoise blanche de Durban, qui fit des choix très courageux après les massacres de Shapeville en 1960.

Eleanor Kasril connut la prison et ses brutalités. Elle fut même enfermée dans un redoutable asile psychiatrique, dont elle réussit à s'échapper de manière rocambolesque. Mais jamais, elle ne cessa de lutter, par tous les moyens, pour la justice et l'égalité des droits.

Ronnie Kasrils, de passage à Paris, nous en parlera de vive voix et dédicacera son livre le jeudi 13 octobre à partir de 19 H, à la Librairie Résistances .

Librairie Résistances

4, Villa Compoint
Paris, 75017 France

Téléphone : 01 42 28 89 52

Site Web :
http://www.librairie-resistances.com/

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/50354
Source : http://www.librairie-resistances.com/evenemen...


Interview de Ronnie Kasrils

Par CAPJPO-EuroPalestine (texte en anglais ci-dessous)

Que répondriez-vous à ceux qui vous traiteraient de terroriste, estimant que vous devriez être encore être en prison ?

Eh bien oui, s'il en est ainsi, le Régime d'Apartheid a eu raison de classer Nelson Mandela comme terroriste et de le laisser en prison pendant vingt-sept ans. Le Régime de Vichy et les collaborateurs de Vichy - pourrait-on dire avec un tel raisonnement tordu - avaient raison de torturer et d'exécuter les membres de la Résistance française ou quiconque les soutenait.

Ceux qui mènent une guerre juste contre la tyrannie, comme en Angola, au Mozambique, au Vietnam et en Algérie, avaient le devoir moral et le droit de combattre pour la liberté avec des moyens appropriés. Quand un changement pacifique est impossible, un changement violent est reconnu comme légitime.

L'ancien Président des USA, John Kennedy avait bien dit : « Ceux qui rendent impossible le changement pacifique, rendent le changement violent inévitable ». Le droit international reconnaît le droit des peuples à prendre les armes dans de telles circonstances. Les partisans, cependant, devraient s'efforcer d'obéir à la Convention de Genève. Le Congrès National Africain (ANC) a signé ces Accords et nous avons rejeté l'emploi de méthodes terroristes que nous définissons comme des attaques contre la population civile.

De nos jours, la non-violence (sauf pour les états) est censée être la seule option. Que faire quand on se trouve confronté à un terrorisme quotidien ? (Attaques contre des ouvriers en grève et les manifestants pacifiques, bombardement des populations civiles pour leur apprendre la démocratie…)

Il faut examiner le contexte particulier. Est-ce qu'on parle d'un état démocratique où l'état de droit s'applique ? Tant qu'il est possible d'obtenir un changement par le processus électoral, l'urne vaut mieux que la balle mais ça n'exclut pas le droit à la protestation civile légitime sous toutes ses formes. Évidemment, il existe de nombreux pays démocratiques où la brutalité de la police est inacceptable, où les protestataires ou les grévistes se sentent provoqués. S'il y a lieu, il faut recourir au système légal et dénoncer une telle brutalité. Il vaut mieux maintenir la discipline et protester activement mais pacifiquement.

Plus la protestation ou la grève est importante, plus puissante est la revendication. Les autorités ou les patrons sont plus enclins à céder lorsque l'unité de la protestation ou de la grève est à son maximum. Les protestations pacifiques et disciplinées sont susceptibles d'attirer le plus grand nombre de gens. Il faut considérer ces éléments quand on organise des grèves ou des protestations. Quant aux bombardements de populations civiles, comme en Syrie, au Yémen, en Irak, il s'agit d'une situation de guerre et ma réponse à votre première question s'applique ici. Et Israël est le type même d'Etat qui pratique le terrorisme d'Etat avec une occupation brutale, et des bombardements de populations civiles comme à Gaza ou au Liban. Cependant, soyons très clairs, aucun révolutionnaire ne devrait souscrire au terrorisme contre la population civile.

Pouvez-vous donner des exemples de votre combat clandestin de 30 ans ?

Nous avons beaucoup appris de l'expérience internationale. Nous avons lu des livres sur les combats clandestins, sur la résistance contre le fascisme partout dans le monde. Mais évidemment, nous avons appris le plus, de nos propres conditions et de notre expérience. Nous avons commencé par peindre des slogans sur les murs. Nous avons installé des imprimeries et des systèmes émetteurs clandestins.

Les communications modernes, tels les réseaux sociaux est un progrès inimaginable sur ces vieilles méthodes mais celles-là peuvent être aisément bloquées par l'état. Imaginez sous une dictature censoriale, l'impact d'un slogan sur un mur, une banderole drapant un bâtiment, des tracts déversés dans les rues. Nous avons sans cesse organisé ce genre d'actes, qui disaient, y compris pendant les pires jours de l'Apartheid que le peuple allait triompher.

Lorsque nous avons appris que des militants grecs, après le coup d'état des colonels de 1967, avaient loué une chambre d'hôtel donnant sur la place principale d'Athènes, et installé un système émetteur pour dénoncer les conspirateurs (évidemment après être partis), ça nous a fait réfléchir. À l'aide des premiers magnétophones apparus sur le marché, nous les avons modifiés avec de puissants amplificateurs miniatures, chargés de messages enregistrés et plantés dans des endroits publics stratégiques afin de transmettre les messages de la résistance, avec synchronisation des jours et heures à travers tout le pays. Nous avons développé une stratégie nommée « Les Quatre Piliers du combat » : combat politique de masse, renforcé par des actions armées, une organisation clandestine et une solidarité internationale.

Ce troisième pilier a entraîné la formation d'un réseau clandestin qui a donné un pouvoir politique au peuple, a aidé les combattants de la résistance, a divulgué le message de résistance du Mouvement et a créé des liens avec le monde extérieur. Le but était de coordonner les tâches des quatre piliers - pousser le peuple à agir, le guider et isoler le régime d'Apartheid.

Ces trente ans pendant lesquels nous avons été interdits (1960-90) a coïncidé avec mon rôle - celui d'un jeune homme de 21 ans - dans les manifestations publiques ; comme membre de l'aile armée à partir de 1961 ; participation aux activités de sabotage suivie de 27 ans d'exil, qui ont permis la mobilisation internationale pour le mouvement anti-Apartheid : recrutement de ceux qu'on appelle en français « porteurs de valises » (courriers transmettant des fonds et des documents de l'étranger à la résistance), enseignement de la politique dans nos camps de partisans en Angola et en Mozambique, obtention du poste de chef du renseignement militaire dans notre branche armée, déguisements fréquents et variés pour effectuer des missions à l'intérieur de l' Afrique du Sud.

Il existe vraiment une atmosphère qui ressemble beaucoup à la monté du fascisme des années trente : racisme institutionnel, de moins en moins de droits pour le peuple, droits humains et droit international non respectés dans les soi-disant pays démocratiques ; en plus, Israël que l'on donne en exemple en ce qui concerne « les méthodes de sécurité ». Comment faire face à cette situation, à votre avis ?

Il faut absolument se saisir de la question des droits humains et du droit international dans les tribunaux quand il cela est possible. Nous ne devons pas abandonner ce domaine, ce qui signifie mobiliser les ressources des grands juristes et faire une action internationale. Les forces populaires nationales et internationales doivent agir à l'unisson. Les combats légaux et publics doivent se faire côte à côte. Cela veut dire qu'il faut défendre sans relâche les droits acquis au cours des décennies et même des siècles dans nos « Démocraties Occidentales », ce qui demande d'exiger l'application de ces droits dans les pays récemment émergés, tels que ceux d'Europe de l'Est.

Notons que les gouvernements de droite, tels que la Turquie et Israël, sont venus au pouvoir approuvés par l'Union Européenne et l'OTAN. L'état sioniste n'est pas un état que l'on devrait présenter comme modèle de démocratie et de sécurité. C'est le colonialisme des puissances d'Europe Occidentale, plus tard avec les USA, qui est responsable du pillage des deux tiers du monde et des guerres brutales menées contre les peuples indigènes. Tout ceci a créé des souffrances indicibles dans les pays colonisés et un climat de haine raciale en métropole, qui, aujourd'hui, est malheureusement toujours ancré dans certaines sections de la population. Ce sont ces gens ignorants qu'exploitent les fanatiques de droite - comme ce fut le cas en Allemagne nazie - et qui deviennent prisonniers du démagogue.

Israël est le produit le plus récent de cette ère coloniale et suit le même chemin sous Netanyahou et ses prédécesseurs. Ses pratiques racistes et ses mesures de sécurité sont les conséquences des échecs politiques des anciennes puissances coloniales auxquelles adhère Israël en les "perfectionnant". Les leçons de l'histoire indiquent le besoin de bâtir l'unité de toutes les couches sociales, d'aller à l'encontre des tendances anti-démocratiques et de proscrire le fascisme, répandre l'humanisme, la tolérance et l'internationalisme, afin de faire prévaloir la paix et la sécurité.

Le boycott d'Israël est baptisé antisémitisme par nos politiques et les médias sous l'influence du lobby israélien dans de nombreux pays européens. Comment le boycott des produits sud-africains a-t-il aidé durant le régime d'Apartheid dans votre pays ?

Le stratagème qui consiste à qualifier quiconque ou toute action contre Israël d'antisémite, est trompeur - un manque de raisonnement - et illustre un esprit dénué de moralité.
Être contre Israël, c'est-à-dire contre sa politique et ses méthodes, n'a rien à voir avec l'antisémitisme ou le judaïsme. L'opposition à Israël ou au Sionisme ne se met pas en équation avec l'opposition aux Juifs. Israël est un état fondé sur l'idéologie sioniste. Le Sionisme est une doctrine politique. Une majorité de Juifs, y compris des rabbins, se sont opposés au Sionisme à ses débuts. Il y a eu des débats passionnés parmi les Juifs au sujet du Sionisme. De plus en plus de Juifs partout dans le monde et une courageuse minorité à l'intérieur d'Israël, s'opposent vivement à la politique d'Israël. Les Sionistes attaquent ceux qu'ils nomment « Juifs antisémites » qui défient le mythe selon lequel, normalement, tous les Juifs devraient être défenseurs d'Israël.

Critiquer Israël n'a rien à voir avec l'antisémitisme, tout comme être opposé à un état qui pratique le christianisme ne signifie pas être antichrétien. Nous sommes sur le même plan moral et légal que l'Archevêque Desmond Tutu, le Professeur Stephen Hawking, le Professeur John Dugard et la Professeure Angela Davis.

La minorité de blancs d'Afrique du Sud, qui s'opposaient au système et se mirent du côté de la lutte de la population noire, ont également été attaqués comme traîtres.

En fait, la lutte pour la libération, a libéré tous les gens sans distinction d'origine. La lutte contre le Sionisme à l'intérieur d'Israël, qui aboutirait à l'égalité entre tous, libérerait Juifs et Arabes. Changer le système de droit et d'exclusivité des Juifs, à la base du Sionisme, ne signifie pas renvoyer tous les Juifs de la Palestine historique. De la même manière, le système de gouvernement d'Afrique du Sud n'a pas signé la fin de la population blanche.

L'arme du Boycott contre l'Apartheid sud-africain fut le pilier fondamental de la lutte pour la libération. Le mouvement de boycott avait commencé vers 1959, au moment où Julius Nyerere, parmi d'autres, s'était adressé à une foule, à Londres, demandant à la Grande-Bretagne, en tant que puissance commerciale liée à l'Afrique du Sud, de répondre à l'appel de la part de l'ANC et de l'Afrique en général, de cesser son commerce avec l'état-Apartheid. Cet appel allait faire boule de neige au cours des années, et s'étendre pour inclure le désinvestissement et les sanctions. Un moyen important d'isoler le régime et d'inspirer le peuple combattant du pays.

La campagne BDS contre l'Apartheid en Afrique du Sud a réussi à englober des pays et des gens à travers le monde, a finalement été défendue par les Nations-Unies (ONU), mais cela a mis du temps !

Comment avez-vous choisi vos cibles, en matière de boycott ? Et combien de temps a-t-il fallu pour mettre en œuvre ce boycott dans le reste du monde ?

Ce sujet est si vaste que je vais mettre l'accent sur quelques aspects à titre d'illustration. Au lancement de l'appel au boycott en 1959/60, on a décidé de se concentrer sur deux produits fruitiers iconiques qui étaient les produits phares du commerce d'outremer sud-africain - à savoir l'orange Outspan et le raisin du Cap. On trouvait ces produits dans les magasins britanniques et européens. Le mouvement contre l'Apartheid (AAM) a produit des affiches étonnantes et on a aussi distribué des tracts devant les magasins. L'éducation sur l'éveil de la conscience a ciblé les syndicats, les communautés religieuses, les femmes au foyer et les écoles.

L'organisation était stratégique, destinée à introduire un boycott général de tous les produits d'Afrique du Sud. On a établi des listes. En plus de la Grande-Bretagne, les pays scandinaves et les Pays-Bas sont devenus les principales cibles d'une telle activité qui s'est étendue à travers l'Europe Occidentale, marché le plus important pour les produits d'Afrique du Sud. Dès 1988, le boycott du grand magasin « Dunnes Store », à Dublin, en Irlande, a eu tellement de succès qu'il a forcé le gouvernement à adopter la résolution d'interdire tous les fruits et légumes qui entreraient dans le pays.

Suite à cette campagne, le boycott du sport sud-africain s'est établi. Au début, on a organisé des manifestations accompagnées d'affiches devant les lieux de sport où jouaient les visiteurs sud-africains exclusivement blancs. Tandis que les cibles principales étaient les tournées de l'équipe de rugby Springbok et des joueurs de cricket, on a ajouté d'autres disciplines sportives.

En 1968, un jeune membre du Parti Libéral britannique, Peter Hain, dont les parents étaient de exilés sud-africains, a pris contact avec l'AAM, et suggéré que les matchs sportifs fussent perturbés. On a refusé son idée, car on a pensé qu'une telle action directe aliénerait l'attitude du public britannique vis-à-vis du « fair play ». Peter Hain et son groupe d'une douzaine de jeunes libéraux ont pensé autrement et quelques mois plus tard, se sont assis sur un court de tennis à Bristol, où l'Angleterre jouait contre l'Afrique du Sud dans un match de Coupe Davis. Ils ont interrompu le jeu pendant une heure avant de se faire expulser. Mais l'idée s'est répandue et s'est propagée comme un feu de brousse. Les tournées d'équipes de rugby et de cricket en Grande-Bretagne qui ont suivi, ont essuyé des manifestations de masse au cours de tels événements sportifs et ont provoqué l'annulation de certaines tournées. Ça s'est étendu en particulier jusqu'en Australie et en Nouvelle-Zélande. En 1980, la tournée des Springboks en Nouvelle-Zélande, a été massivement perturbée et il s'est produit, dans un premier temps, une énorme division entre les amoureux du sport et les militants AAM.

À l'occasion d'une tournée précédente, dans les années 60, les visiteurs Springboks avaient été accueillis comme des idoles mais en 1980, ils étaient devenus léprosés. On a annulé d'autres tournées. Les équipes sud-africaines composées exclusivement de blancs ont été exclues des Jeux Olympiques. Le boycott des sports a porté d'énormes coups psychologiques contre l'état-Apartheid. Bien que ça ait été au début une réaction colérique, la résistance de la population blanche s'est atténuée au cours des années, et en 1990, elle a reconnu l'absurdité de son comportement. Il va sans dire que de telles actions protestataires ont inspiré le peuple opprimé d'Afrique du Sud.

L'appel au boycott s'est étendu pour inclure l'appel au désinvestissement et aux sanctions contre l'Afrique du Sud. Les universités, les églises et les syndicats étaient très en évidence en ce qui concernait le désinvestissement en matière d'économies et d'alimentation des fonds de pension, à partir des années 70 ; et la fermeture de comptes à la banque Barclays en Angleterre. Un grand industriel sud-africain, qui avait été à l'école avec moi, m'a dit combien il avait été choqué lorsque sa fille, étudiante à l'université d'Oxford, avait changé de compte en banque, avec d'autres - ce qui l'avait fait réfléchir. La compagnie américaine Kodak a coupé ses liens d'affaires avec l'Afrique du Sud au milieu des années 80, sous la pression de ses employés noirs, et la banque Chase Manhattan a fait de même sous la pression du lobby Africain-Américain : processus cumulatif. Le Congrès des USA a voté la Loi Anti-Apartheid (Triple A) contre la politique de Reagan et on a arrêté le commerce et les investissements en Afrique du Sud. Les Nations-Unis avaient adopté une résolution concernant les sanctions et l'embargo sur les armes vers 1977, et entre autres, ceci a conduit la France, deuxième fournisseur d'armes de l'Afrique du Sud après la Grande-Bretagne, à couper ses liens. La France avait fourni au régime d'Apartheid des sous-marins type Daphné et des avions de combat Mirage à réaction. L'embargo sur les armes a sérieusement ébranlé l'aptitude au combat du régime et contribué à son incapacité à faire face à l'offensive angolaise et cubaine de 1987-88, qui a conduit à l'expulsion hors d'Angola des forces armées racistes, ensuite à l'indépendance de la Namibie et à la fin de l'Apartheid en Afrique du Sud.

La campagne BDS a duré trente ans. Elle a commencé lentement, a eu des hauts et des bas, a été inspirée par les luttes au sein de l'Afrique du Sud, et cette solidarité a également inspiré le mouvement de résistance. Elle a été considérée comme une rue à double sens.

L'ANC a traversé des heures sombres lorsque les gens, y compris les militants, auraient pu penser qu'ils avaient perdu la bataille. Pouvez-vous parler de cette époque ?

Eh bien, je compare tout ça au combat contre les Nazis ; contre le fascisme en Europe des années 30 ; aux luttes héroïques visant à la libération contre le joug colonial partout dans le monde. De tels combats sont passés par diverses phases et ont inclus des revers et des pertes importants. Cependant, puisque c'étaient de nobles combats pour la libération et l'indépendance contre la puissance ou la tyrannie étrangère, ils devaient réussir un jour ou l'autre, ce qui demandait évidemment un courage et un sacrifice extrêmes.

Après trois siècles de conquête coloniale et de vol de terres, l'ANC s'est établi en 1912 comme mouvement national pour unir les indigènes et retrouver leurs droits. Il est passé par une phase de mobilisation pacifique de masse dans les années 50, rassemblant de son côté les groupes minoritaires et des blancs, mais il a été interdit en 1960 du fait de ses succès, ce qui a fermé la porte à un changement pacifique. Quand il a essayé pour la première fois, de réagir par la force armée, au début par une campagne de sabotage (1961-63), il a subi de brutales répressions, des exécutions et des séjours en prison pour les chefs comme Nelson Mandela. La période qui a suivi, 1964-1976, a été les années les plus sombres, où le régime d'Apartheid s'est vanté d'avoir démoli les mouvements de libération. Les masses populaires étaient pour la plupart intimidées ; la résistance organisée à l'intérieur du pays avait bien été démolie ; les restes du mouvement se trouvaient en exil. Beaucoup ont baissé les bras et ont pensé que tout était perdu. La plupart des commentateurs en Afrique du Sud et à l'étranger avaient la même opinion. Mais les meilleurs n'abandonnent jamais - disent qu'il ne faut jamais désespérer. Nous avions vraiment conscience des contradictions irréconciliables au sein même du système d'Apartheid et croyions en la détermination irrépressible du peuple.

À partir des années 70, nous avons été les témoins de l'éveil d'une « conscience noire », d'une fierté parmi les étudiants noirs. Le plus remarquable, ça a été les grèves de la classe ouvrière de 1973, qui ont ébranlé le système. En 1974, le colonialisme portugais a pris fin, à la suite des guerres de libération en Afrique. En 1976, une révolte des lycéens noirs, à l'échelle nationale, s'est étendue à travers toute l'Afrique du Sud. Des centaines d'entre eux ont été abattus. Plusieurs milliers se sont enfuis du pays pour se joindre à nos rangs de combattants. La leçon c'est de ne jamais abandonner, quel que soit l'aspect sombre de la situation ; de comprendre que les forces planétaires et les contradictions sont toujours présentes. C'est pourquoi la solidarité internationale est importante. On a vu ce qui s'est passé pour l'issue de la Seconde Guerre Mondiale ; et pour la fin du honteux système colonial.

Vous allez bientôt présenter votre livre « L'improbable Espionne », au sujet de la biographie et du combat de votre épouse, à la Librairie Résistances, à Paris et nous sommes impatients à la pensée de cet événement. Quel message voudriez-vous envoyer à tous ceux qui ne pourront pas être présents ?

Je voudrais dire qu'il est principalement question du désir de justice, d'égalité et de dignité, émis de l'indéfectible esprit humain, et de la nécessité du courage. Il est question de la bravoure d'une jeune femme issue d'un milieu assez privilégié de classe moyenne, qui ne pouvait pas tolérer le racisme et l'oppression de la société dans laquelle elle vivait. Les conditions de temps et de lieu sont différentes. Au temps où elle vivait, il fallait un extrême courage pour se déclarer, parler haut et agir. Son engagement a montré que les gens ordinaires sont capables de faire des choses extraordinaires. C'est un message universel et je crois que sa vie est une inspiration pour nous tous - jeunes et vieux, hommes et femmes, pour les gens du monde entier.

Ronnie Kasrils (Traduit par Chantal C. pour CAPJPO-EuroPalestine))

CAPJPO-EuroPalestine

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Source : http://europalestine.com/spip.php?article1229...