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samedi 19 mars 2016 à 14h

Numérique et société de surveillance

États généraux de la révolution numérique - PCF

Le gouvernement et ses communicants répètent en boucle qu'il faut savoir sacrifier un peu de liberté pour avoir beaucoup de sécurité, oubliant la citation de Benjamin Franklin « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. ».

Dans une société où 98% des informations concernant un citoyen sont numérisées, où chacun est potentiellement géo-localisable et vidéo-surveillable, dans un monde où, demain, une multitude d'objets connectés enverront en temps réel des informations sur ce nous faisons et allons faire, sur ce que nous consommons et sur notre santé, la question de l'accès et du traitement automatique de cette masse de données, c'est-à-dire le big-data, devient stratégique.

Les motivations profondes des lois liberticides sur la surveillance de masse votées en France et partout dans le monde, résident dans la croyance à l'idéologie de la toute puissance du big-data que le chercheur Evgeny Morozov qualifie de « solutionnisme technologique ». Cette idéologie évacue toute relation de cause et à effet, au profit de modèles basés sur la recherche de corrélations sur de grandes masses de données, qui permettraient d'anticiper toutes sortes d'événements et les comportements des individus et des groupes sociaux. Aux États-Unis, le chantre du numérique libéral, Chris Anderson va jusqu'à célébrer la « fin de la théorie » et de la « méthode scientifique » grâce au big-data. Dans cette idéologie du big-data qui dépolitise tout, l'être humain est toujours le problème et jamais la solution.

Derrière ces lois liberticides se cache l'utopie mortifère d'une société totalitaire du contrôle sociale au travers de dispositifs algorithmiques qui cibleraient les nouvelles classes dangereuses, et permettraient d'anticiper les mouvements sociaux et de pratiquer la répression préventive.

La protection, la propriété, l'accès et la maîtrise des données personnelles et collectives devient un enjeu majeur de démocratie, et de pouvoir politique, social et économique.

On le voit, ce qui est en jeu n'est pas la légitime lutte contre le terrorisme, l'espionnage industrielle ou le banditisme, mais de savoir, à l'heure de la révolution numérique, dans quelle société voulons nous vivre. Les bouleversements induits par la Révolution numérique impliquent de nouveaux droits et libertés dont l'accouchement est et sera l'objet de féroces affrontements de classe entre ceux qui veulent perpétuer leur domination et les tenants d'une société d'émancipation du genre humain.

L'aberration du solutionnisme technologique « Pour tout résoudre cliquez ici » Edition Fyp

The End of Theory: The Data Deluge Makes the Scientific Method Obsolete par Chris Anderson (http://archive.wired.com/science/discoveries/magazine/16-07/pb_theory)

Eliane Assassi
Sénatrice, Présidente du Groupe communiste et citoyen du Sénat
Membre du Conseil exécutif national du PCF

Véronique Bonnet
Membre de la direction de l'April, philosophe

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/45892
Source : http://egrn.fr/blog/numerique-et-societe-de-s...