vendredi 11 mars 2016 à 19h
Lieu exact dans la Mairie du 2e à confirmer
(Salle des mariages ou salle des expositions ?)
Hommage à Ilan Halevi
https://paris.demosphere.net/rv/44432
Dans le cadre de la Semaine anticoloniale 2016
Dans le cadre de la semaine anticoloniale, le Cedetim et l'Association Ilan Halevi ont le plaisir de vous convier à la soirée d'hommage à Ilan Halevi le vendredi 11 mars 2016 à 19h dans la salle des mariages de la Mairie du 2ème arrondissement de Paris (8 Rue de la Banque, 75002 Paris, Métro Bourse).
Ilan Halevi, né en France pendant la deuxième guerre mondiale de parents juifs étrangers résistants, a été un militant anticolonialiste qui a consacré sa vie à différents combats pour l'indépendance et la justice. Il a rejoint l'OLP après quelques années passées en Israël, adoptant pleinement la cause palestinienne. Il a été vice-ministre des Affaires Étrangères de l'Autorité Palestinienne et porte-parole de la Palestine auprès de l'Internationale Socialiste. Il est mort en France en 2013.
Cette soirée sera l'occasion de revenir sur le parcours militant d'Ilan et ses écrits à travers le prisme de l'anticolonialisme, que ce soit en Afrique ou au Moyen-Orient.
Interviendront notamment avant d'avoir un échange avec la salle :
- SE Salman el Herfi, Ambassadeur de Palestine en France,
- Michel Warschawski, journaliste et militant antisioniste en Israël
- Nacira Guénif-Souilamas, sociologue et anthropologue
- Nadia Djabali, journaliste
- Gustave Massiah, Monique Crinon, et Sonia Fayman, du Cedetim.
Nous comptons sur votre présence en nombre !
Lien : https://paris.demosphere.net/rv/44432
Source : http://www.ujfp.org/spip.php?article4745
Source : http://www.anticolonial.net/spip.php?article3...
Avec Ilan Halévi, nous venons de perdre un ami de toujours
Avec Ilan Halévi, nous venons de perdre un ami de toujours, combattant infatigable de la cause palestinienne, militant précieux et emblématique du refus des assignations et catégorisations racistes. Né en France sous l'occupation, c'est dans la lutte qu'il est devenu palestinien, lui qui se revendiquait « à 100% juif et à 100% palestinien ». Longtemps représentant de l'OLP auprès de l'Internationale socialiste, membre de la délégation palestinienne aux négociations de Madrid et Washington, il fut vice ministre des affaires étrangères de l'Autorité palestinienne et membre du Comité exécutif du Fatah.
C'était pour l'AFPS un ami fidèle. Invité régulier des groupes locaux et habitué de nos universités d'été, il avait l'an dernier à Pau, une fois encore bluffé les participants par sa vivacité intellectuelle qui contrastait si fort avec ses difficultés motrices.
Dans sa « Lettre de Ramallah, Face à la guerre » en 2003, il rappelait que « la seule alternative globale à la guerre est un système international de droit et de régulation efficace, doté de moyens pour faire respecter ses principes, ses lois et ses résolutions ».
C'est notre conviction très profonde.
A sa famille, à l'OLP, au peuple palestinien tout entier nous adressons nos plus sincères condoléances. Qu'ils sachent que son combat pour la Palestine, son combat pour le droit et la justice, aujourd'hui nous les poursuivons. Avec la ténacité qui était la sienne.
Le beau portrait qu'en faisait Christophe Ayad en septembre 2003
Oxymoron : « Figure qui consiste à allier deux mots de sens incompatibles pour leur donner plus de force expressive. Exemple : une douce violence. » Autre exemple : juif de nationalité palestinienne ou Palestinien d'origine juive, ce qui ne revient pas au même. Ilan Halévy, vice-ministre adjoint des Affaires étrangères du gouvernement démissionnaire de Mahmoud Abbas, est bien un oxymoron. CQFD. Mais, contrairement à ce que ce nom grinçant pourrait laisser croire, survient un homme petit et jovial, agile de corps et d'esprit, les yeux aux aguets, le teint de là-bas et l'allure d'ici, séduisant sans être beau. En scrutant son visage à la recherche d'un indice, on se dit qu'il a cette chance rare d'avoir l'air du coin où qu'il soit. Il parle couramment le français, l'arabe, l'hébreu, l'anglais, l'italien et l'espagnol.
Ilan Halévy est donc un diplomate palestinien portant un nom juif et se déplaçant avec un passeport français (« Les Israéliens ont refusé que j'aie un passeport palestinien. ») D'autres y voient un inextricable écheveau de contradictions, lui pas. Dans un conflit étouffé par les haines ethniques et confessionnelles, où l'identité est un tatouage mortel, Ilan Halévy veut continuer de croire que l'homme ne se résume pas à son ADN ni à sa tribu. Il y a longtemps déjà, il s'est choisi palestinien. Il rabroue ceux qui veulent voir en lui le symbole d'un avenir possible en commun. Ilan Halévy n'est pas israélien, il est palestinien, juif certes, mais palestinien. Jusqu'à sa façon de parler en français, lorsque la voix reste suspendue en fin de phrase, à la manière des Cisjordaniens. Jamais, il ne se souvient avoir eu droit à une remarque désobligeante en Palestine, ce qui n'a pas toujours été le cas ailleurs dans le monde arabe. Un jour, une secrétaire lui fait remarquer à Ramallah : « Ton nom est comme celui d'un juif. ¬ C'est parce que je suis juif, a-t-il répondu. ¬ Mais tu as l'air arabe. ¬ C'est parce que je suis arabe. ¬ Et alors qu'est-ce que ça fait d'être moitié-moitié, l'interroge-t-elle avec commisération. ¬ Je suis à 100 % juif et à 100 % arabe. »
Quelle est la part juive alors ? « Comme l'a dit un jour Maxime Rodinson, je suis "juif à divers titres". Ce qui rassemble les juifs, c'est le fait d'appartenir à une communauté définie négativement de l'extérieur. » « L'antisémitisme, c'est le socialisme des imbéciles », a-t-il coutume de citer, lui qui est né en 1943 à Lyon dans un bureau de poste qui servait de planque à la Résistance. « L'ostracisme, la catégorisation, c'est ce qu'ont toujours fait les antisémites et les religieux. Pour moi, être juif c'est refuser tout statut à part. Je réclame le droit commun. » Ses parents, juifs résistants et communistes, étaient déjà viscéralement laïcs. « Il faut remonter à mon grand-père pour trouver un rabbin. Je sais que mon parcours intrigue. La curiosité qu'il suscite n'est pas très saine. » Comme Malraux, il pense que la vie privée est un « misérable petits tas de secrets ». Tout ce qu'on saura c'est qu'il a eu cinq enfants, dispersés un peu partout sur la planète, et dont l'aîné, Laurent, musicien, est mort l'année dernière, laissant une blessure qui ne se referme pas.
Lorsqu'il est de passage à Paris, Ilan Halévy donne rendez-vous au café en face de chez lui, toujours le même, toujours à la même place, au fond de la salle avec un oeil sur la porte d'entrée. Il a gardé de vieilles habitudes de révolutionnaire professionnel, le sens de l'humour et de la fête en plus. « On ne connaît pas Ilan si on ne l'a pas vu danser », raconte une amie. Musicien de jazz à 16 ans, puis journaliste à la radio malienne en pleine fièvre postindépendance, c'est dans l'Algérie de Ben Bella qu'il découvre la cause palestinienne.
En 1966, il se rend pour la première fois en Israël, non pas pour faire son aliya (la « montée » synonyme pour les juifs d'installation sur la Terre sainte) mais pour le combattre de l'intérieur. Il mettra dix ans à comprendre « que toute volonté de détruire Israël ne fait que le renforcer ». A comprendre surtout qu'Israël est une véritable nation, pas une simple création coloniale. Installé à Nahlaot, « un des rares quartiers de Jérusalem où l'on n'habite pas une maison volée », il tente de « s'établir » en travaillant comme docker, typographe, etc. tout en militant au Matzpen, un groupuscule d'extrême gauche antisioniste. Il travaille un temps comme journaliste ¬ à Libération ¬, conçoit le journalisme comme un prolongement de son combat.
A son retour à Paris en 1976, il participe aux premiers contacts entre l'OLP et l'extrême gauche israélienne. D'interlocuteur, il devient compagnon de route et finit par être adopté par la famille OLP : l'évolution s'est faite toute seule. Ilan Halévy est un vrai homme d'appareil, un de ces rouages invisibles qui font tourner les partis. Et le parti, c'est Yasser Arafat. Il a pour le « raïs » une affection quasi filiale. Il assume tout, même les désaccords : l'alignement sur l'Irak pendant la guerre du Golfe de 1991 (« traumatisant »), les négociations secrètes d'Oslo et l'accord bâclé, l'autocratie, la corruption, la militarisation de l'Intifada...
Tout comme Arafat et son entourage, Ilan Halévy vit dans un autre âge, comme s'il n'avait pas compris que les règles du jeu ont radicalement changé depuis le 11 septembre 2001. Alors qu'Arafat est au bord de l'expulsion, Ilan Halévy épilogue sur les byzantineries de la Moqataa. « Entre Abou Mazen et Arafat, c'était un peu comme entre Rocard et Mitterrand, ni meilleur, ni pire. » Il doit tout à Arafat : c'est lui qui l'a nommé représentant de l'OLP à la Commission des droits de l'homme de l'ONU et à l'Internationale socialiste. « Quand nous croisions des Israéliens, ils devenaient hystériques. J'étais un traître, un collabo. » Il est fier lorsqu'un responsable israélien l'apostrophe ainsi : « Vous, les Palestiniens... »
Parfois, le découragement perce la carapace du militant : « Pendant trente ans, l'OLP a déployé des trésors de patience pour distinguer les juifs, des Israéliens et des sionistes. Et maintenant... » Maintenant, la jeunesse palestinienne pense qu'un Israélien est un tankiste et que tous les juifs sont des colons. Il y a de quoi pleurer. Ilan Halévy juge les attentats-suicides « immoraux et politiquement nuisibles ». « C'est une régression terrible, mais quand on vit là-bas, on comprend très bien pourquoi cela arrive. C'est de la vendetta : "Vous tuez nos femmes et enfants, nous aussi !" S'attaquer à des civils est criminel, mais résister à une armée d'occupation et à des colons armés est non seulement légitime mais reconnu par le droit international. » En avril 2002, pendant l'opération Rempart, son immeuble a été saccagé en son absence par des soldats israéliens. Puis, les chebabs du camp palestinien voisin sont venus piller ce qui restait. « Quand j'étais enfant, la guerre était simple, tout était noir ou blanc. » .
Ilan Halévy en 12 dates
- 1943 : Naissance à Lyon, dans la clandestinité.
- 1959 : Musicien de jazz.
- 1962 : Journaliste à la radio nationale malienne.
- 1964 : Séjour en Algérie.
- 1966 : Installation en Israël, où il milite dans l'extrême gauche antisioniste.
- 1974 : Correspondant de « Libération ».
- 1977 : Premier séjour à Beyrouth pour rencontrer l'OLP.
- 1983 : Représente l'OLP auprès de la Commission de l'ONU pour les droits de l'homme. Allers-retours avec Tunis, siège de l'OLP.
- 1991 : Participe à la conférence de Madrid.
- 1996 : S'installe à Ramallah.
- 2000 : Début de la deuxième Intifada.
- 2003 : Publie « Lettre de Ramallah » (Sindbad-Actes Sud), vice-ministre adjoint des Affaires étrangères dans le gouvernement démissionnaire de Mahmoud Abbas.