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vendredi 19 septembre 2014 à 18h30

Hommage à Lucette Safia Larribère Hadj Ali

Itinéraire d'une militante algérienne

L'Hommage donnera lieu à la projection du film "Lucette parle de son itinéraire", suivie de témoignages des proches, des amis et de la famille sur le parcours de la moudjahida, avec la participation de William SPORTISSE, Mustapha BENNALEGUE, Lalia DUCOS, Zazi SADOU, Malika REMAOUN, Claudie Mediene et un membre de la famille. L'hommage se poursuivra en poésie et en musique par Jeanine Caraguel et Ahmed Lasfer.

Lucette Safia Larribere Hadj Ali, l' " Itinéraire d'une militante algérienne"

Lucette Safia Larribère Hadj Ali est née le 9 décembre 1920 à Oran. Elle est issue d'une famille de socialistes et communistes notoires de la région. Originaire de la région catalane, Pierre, son grand père, est arrivé en Oranie en 1898. En décembre 1907, il fonde le premier quotidien « national » d'Algérie, La Lutte Sociale, et fut l'un des fondateurs du PCA dans la région. Le père de Lucette, Jean-Marie, a été le pionnier de l'accouchement sans douleur en Algérie. Il en avait appris l'existence en URSS. Il fut un combattant de la cause nationale.

« Il a également donné ses cinq filles à la révolution », comme aimait à le rappeler et le raconter Tayeb Malki, un autre militant connu de la région qui fut son camarade. Une rue importante du centre d'Oran porte aujourd'hui son nom. Camille, l'oncle de Lucette, était un communiste engagé en France et en Algérie. Il est membre fondateur et dirigeant du PCF dès 1920 et du PCA dès 1934. Il a combattu à Verdun, participé à la résistance, aux combats anticolonialistes et syndicaux de l'Oranie et à la guerre d'indépendance de bout en bout. Voilà une hérédité qui mérite un fort volume pour évaluer son apport aux combats pour la dignité et la libération nationale algérienne. Dans cette famille illustre par son combat anticolonialiste, pour le progrès et la justice sociale, Lucette réussira à tracer sa propre voie aussi bien dans la lutte pour l'indépendance nationale, que pour le progrès social et l'égalité femmes/hommes.

Après l'obtention de sa licence, Lucette arrête ses études en juillet 1942, suite aux bombardements italiens qui ont succédé au débarquement de novembre 1942. Elle est engagée dans l'agence France-Presse où elle rencontre un certain Henri Alleg. Puis, elle devient rédactrice à Liberté, l'organe du PCA, en 1943. Elle adhère au PCA à l'été 1945. Elle retrouvera bon nombre de ses amies au sein de l'Union des femmes d'Algérie (UFA) et dans les combats quotidiens. Indignée par le statut inférieur des femmes, elle s'engage dans les luttes de terrain et se voit rapidement confier des postes de responsabilité, notamment dans le mouvement de masse féminin. Elle devient une animatrice infatigable de l'Union des femmes d'Algérie avec Gaby Gimenez, Baya Bouhoune, Lisette Vincent, Yvonne Saillent, Renée Justrabo, Abbassia Foudil, Lise Oculi, Alice Sportisse, Joséphine Carmona et tant d'autres. Elles mettent des milliers d'Algériennes dans la rue pour les revendications sociales puis très vite politiques et nationales. Elles sont les héroïnes de cette fameuse grève de 1949 à Oran lorsque les dockers algériens, les premiers au monde, font grève pour soutenir la lutte des Vietnamiens en refusant de charger les armes et en bloquant les navires militaires français. Les grévistes sont chargés par les policiers et les CRS pendant que les « jaunes » sont recrutés par les armateurs pour casser la grève. Là, les femmes des dockers et les militantes de l'UFA, remarquables de courage, font face aux charges et aux coups de feu qui blessent quelques grévistes. Elles défendent leurs maris grévistes de manière déterminée, le pavé à la main, en criant des slogans communistes et nationalistes.

Lucette, avec son bagage universitaire, est sollicitée pour entrer dans la prestigieuse équipe de jour d'Alger républicain. Dès le début des années 50, ce quotidien va être porté par une équipe de militants syndicaux et communistes. Il dénonce les autorités coloniales et les grands trusts coloniaux et participe de manière cruciale à l'unification des forces nationales de progrès. Alger Républicain sera le quotidien de la révolution nationale jusqu'à son interdiction fin 1955.

Les combats pour les femmes exploitées à Alger la mettent en contact avec son amie Blanche Moine, une autre militante infatigable qui combattra héroïquement durant la guerre d'Algérie. Elle est également proche de l'Association des femmes musulmanes algériennes (AFMA) avec laquelle elle organise nombre de manifestations. Elle y côtoie notamment Mamia Chentouf et Nafissa Hamoud. En Avril 1952, elle organise avec le PCA une manifestation face à Serkadji pour soutenir les militants de l'OS. Les flics accourent, bastonnent et arrêtent nombre de militants et se jettent sur les enfants qui ont envahi la place. Lucette, en veste rouge, se lance alors pour protéger les enfants. Elle est arrêtée et interpellée avec brutalité. Kateb Yacine, qui participe à la manifestation, écrira plus tard le poème Fourgon cellulaire évoquant « Lucie et sa veste rouge ».

En septembre 1955, René Justrabo alors maire de Sidi Bel Abbès, l'informe de la dissolution de sa propre mairie communiste, ainsi que de la dissolution du PCA et d'Alger Républicain. Lucette alerte Jacques Salort. Henri Alleg avait été arrêté avant que les flics ne débarquent au siège du journal et évacuent tout le monde sans ménagement. Elle poursuit alors logiquement son engagement direct au service de la lutte armée et notamment dans l'appareil de direction et de coordination des Combattants de la libération (CDL) avec Sadek Hadjerès, Bachir Hadj-Ali, Camille Larribère et Jacques Salort. Ce combat clandestin permet à Safia, son nom de moudjahida, d'apporter une contribution précieuse, au prix de lourds sacrifices personnels et familiaux, à la lutte de libération nationale. A l'été 56, avec ses soeurs Paulette et Aline, elle coordonne les CDL à Oran. Celles-ci sont arrêtées avec d'autres militants. Sous la torture, elles ne parlent pas . Lucette, avertie par son père, échappe à l'arrestation et continue son travail au sein de la direction clandestine, notamment dans le codage des correspondances du parti avec Larbi Bouhali et la délégation extérieure du PCA.

Sadek Hadjerès, dirigeant clandestin du PCA et des CDL à l'époque, rapporte : « Après l'intégration des CDL dans l'ALN-FLN, sa contribution politique et pratique aux activités autonomes et unitaires du PCA fut tout aussi précieuse au niveau de la direction, alors que celle-ci poursuivait son activité clandestine sur le sol national malgré le féroce quadrillage colonialiste. »

Lucette cite avec une intense émotion les noms marquants et héroïques des CDL, Yveton, Maillot, Guerroudj, Briki, Peschard, Ghenassia, Farrugia et d'autres.

Le combat de Lucette ne s'arrête pas au lendemain de l'indépendance, il se poursuivra pour le progrès social et les droits des femmes. Elle reprend sa fonction d'enseignante en Histoire et Géographie au lycée El-Idrissi de 1962 à 1975. De 1975 à 1977, elle participe au sein de l'Institut pédagogique national à la confection des manuels destinés à l'enseignement de la géographie, ensuite elle reprend son poste d'enseignante de Français au lycée El-Idrissi. De 1978 à 1981, elle est détachée à l'université de Bab-Ezzouar où elle contribue aux activités de l'Institut des Sciences de la Terre.

Des épreuves particulièrement douloureuses l'attendent en 1965 suite au coup d'État et la répression menée par le pouvoir en place et le parti unique. Epouse de Bachir Hadj Ali, sa contribution a été inestimable. Elle a maintenu la liaison politique et pratique avec les dirigeants du PCA et du FLN emprisonnés avec son mari Bachir Hadj Ali, premier secrétaire du PCA. Lucette militera aux côtés de toutes les familles dont les proches subissaient la répression du pouvoir en place. Elle aura une correspondance très suivie avec Bachir qu'elle publiera plus tard sous le titre Lettres à Lucette. Nous lui devons en particulier de nous avoir transmis, en les sortant clandestinement des lieux de détention de Bachir Hadj Ali, les textes de L'arbitraire et des Chants de septembre ainsi que les échanges épistolaires qui ont précédé la décision de fondation du Parti de l'avant-garde socialiste (PAGS) en janvier 1966. Aux côtés de Bachir Hadj Ali, Lucette militera naturellement au PAGS. Son engagement est total. Sans aucun ménagement pour sa santé. On ne peut oublier toute sa sollicitude et les efforts qu'elle a prodigués pour soutenir Bachir Hadj Ali pendant sa maladie et jusqu'à sa disparition.

C'est tout naturellement qu'elle se retrouve également dans les luttes des femmes pour l'égalité dénonçant le code de la Famille qui institue l'infériorité des femmes. Elle sera de toutes les manifestations de rue. Elle manifestera encore avec les démocrates lorsque les islamistes tentent d'imposer leur diktat et de mettre en danger l'A1gérie.

En 1990, elle reviendra pendant un moment au journal Alger républicain afin de participer à sa rédaction et au secrétariat de la direction. Elle y épaulera les jeunes journalistes et appuiera la ligne résolument anti-intégriste du quotidien et son soutien aux droits des femmes.

Lucette quitte l'Algérie, la mort dans l'âme. Il a fallu toute la force de persuasion de ses camarades pour décider celle qui ne redoutait rien, à s'éloigner de sa terre natale. Elle a trouvé refuge auprès de ses enfants à Marseille. Fidèle à ses engagements, elle crée à Marseille le Rassemblement algérien des femmes démocrates ( RAFD) qui relaie les luttes des Algériennes contre le terrorisme intégriste. Elle n'aura de cesse de retourner en Algérie, elle le fera jusqu'à ce que son état de santé ne lui permette plus de se déplacer. A Alger, Oran, Marseille et Paris, sa révolte contre le code de la famille et contre toutes les injustices résonne encore.

Sa vie a été bien remplie. Tous ceux qui l'ont connue et qui ont milité à ses côtés gardent d'elle le souvenir d'une femme engagée pour les intérêts des couches les plus déshéritées, assoiffées de justice sociale, de dignité, de liberté.

Abed Ghali

« Pour Lucette » par les AmiEs de Lucette

Centre Culturel Algérien 171, rue de la Croix Nivert 75015 paris

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/34867
Source : http://www.telephonearabe.net/mainout/debat_d...
Source : http://www.cca-paris.com/