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samedi 4 octobre 2014 à 16h

Les ruines de Louise Michel ?

Œuvre, projet littéraire, plan d'écriture

Par Claude Rétat, Centre d'étude de la langue et des littératures françaises (Université Paris-Sorbonne/CNRS)

Bibliothèque libertaire La Rue (M° Blanche ou Abesses). Entrée libre.

Dès la mort de Louise Michel, un monument anthologique à la mémoire de la poétesse a commencé à être érigé par Laurent Tailhade (1905) : l'entreprise est restée inachevée. Depuis, l'œuvre de poésie et de fiction n'a pas manqué de lecteurs ni d'éditeurs, tout en gardant les allures d'un continent englouti, du fait de son volume et des difficultés de maniement. Citons les travaux de référence de Daniel Armogathe, pour la poésie notamment, de Monique Surel-Tupin pour le théâtre, de Xavière Gauthier pour l'autobiographie, pour le roman et pour la reconnaissance générale de l'écrivaine.

Cette conférence se construira à partir de mon expérience de recherche, de lecture et d'édition, pour poser deux questions ouvertes : comment lire Louise Michel, comment éditer les textes ?

J'aborderai la question par ce qui semble, précisément, s'être le plus écroulé : les plans de Louise Michel pour l'architecture de son œuvre. C'est par leur défaut de composition que les livres ont souvent prêté le flanc à la critique, quand ils étaient publiés ; c'est, aujourd'hui toujours, une pierre d'achoppement. Les plans existent pourtant : ils sont nombreux, ambitieux, hardis dans leurs pyramides de chapitres, de sections ou de volumes. Ils peuvent engager aussi bien le contenu d'un volume, qu'échafauder des pyramides de volumes (à la fois avec des volumes déjà existants et des volumes en projet). Que faut-il y voir de la part de leur auteur : un échec ? une vocation à l'inachèvement ? un exercice heuristique de la plume ? le témoignage d'un mode d'écriture ? Le rapport de l'écrivaine à la construction de son œuvre, qui est intrinsèquement un rapport à l'histoire, au présent de l'« époque », nous aidera à mieux savoir ce que l'on lit, quand on lit un texte de Louise Michel, et à nous demander aussi ce que nous demandons au juste à Louise Michel, quand nous la lisons.

A propos de Louise Michel, Trois romans. Les Microbes humains. Le Monde nouveau. Le Claque-dents, textes établis, présentés et annotés par Claude Rétat et Stéphane Zékian, Lyon, PUL, 2013.

4e de couverture:

Revenue du bagne en 1880, Louise Michel retourne en prison de 1883 à 1886. Elle y échafaude les œuvres très diverses qui feront des années 1886-1890 une période féconde, celle notamment des trois romans qu'elle publie coup sur coup chez Dentu et dont ce volume offre la première édition critique : Les Microbes humains, Le Monde nouveau, Le Claque-dents. Jusqu'alors elle avait écrit des romans en collaboration. Avec ce cycle, elle construit un massif qui lui est propre, trois actes scandant l'écroulement du vieux monde et l'avènement du nouveau. La « série rouge » qu'elle projetait ne voit pas le jour, mais elle sculpte en grand dans la fiction, dans la « légende nouvelle » dont elle veut doter la révolution, dans le langage, dans une rythmique inédite de l'expression.

Dans le contexte du premier centenaire de la Révolution française où socialistes et anarchistes protestent contre sa confiscation par la République bourgeoise, les trois romans saluent, de tout leur contre-pouvoir d'élocution, des insurrections qu'on ne songe guère à célébrer, et annoncent une révolution imminente.

Œuvres de mémoire, germes d'avenir, ces romans de la faillite bancaire, de la névrose, de la pourriture et de la lutte pour la vie s'écrivent avec toutes les nuances du rouge au son vibrant des tocsins.

Ces trois romans sont suivis d'un dossier documentaire comprenant notamment une revue de presse et des documents inédits. Les textes ont été établis, présentés et annotés par Claude Rétat et Stéphane Zékian (UMR LIRE).

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/34664
Source : message reçu le 22 août 11h