thème : sexisme
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mercredi 18 juin 2014 à 19h

Les Fondamentaux du féminisme anglo-saxon

Présentation par Claudette Fillard et Frederic Regard d'une collection "Les Fondamentaux du féminisme anglo-saxon" et d'un ouvrage venant de paraître dans cette série : "Féminisme et prostitution dans l'Angleterre du XIXe siècle : la croisade de Josephine Butler" -19h

Cette collection de dix ouvrages puise son inspiration aux sources du féminisme anglo-saxon. Elle met à la disposition d'un public francophone des textes non traduits à ce jour malgré leur importance primordiale. Les auteur(e)s, toutes et tous universitaires anglicistes ou américanistes, grâce aux essais et commentaires qui accompagnent leurs anthologies, mettent en lumière les débats et combats qui ont agité deux grandes démocraties afin que progresse l'égalité entre hommes et femmes. Dans chaque cas se trouve illustré le sérieux de la cause féministe, antidote aux querelles sur la question ou la « théorie du genre » en France. S'il s'agit, pour l'ensemble de la collection, de retracer l'histoire du féminisme des origines à l'acquisition du droit de vote pour les femmes, ce droit pour lequel les « dames du passé » ont parfois payé très cher n'est pas l'unique objet des cas exemplaires sur lesquels portent les ouvrages parus ou en cours d'imminente parution. Il n'est qu'à lire le titre de certains volumes pour se persuader que la réflexion à laquelle ils nous convient est beaucoup plus large. Suffragisme et féminisme ne sont pas synonymes en tous points.

Féminisme et prostitution dans l'Angleterre du XIXesiècle : la croisade de Josephine Butler (par Frédéric Regard, en collaboration avec Florence Marie et Sylvie Regard)

Josephine Butler est encore une inconnue dans l'histoire du féminisme, et le volume tente de combler cette lacune. Les raisons de ce point aveugle sont multiples :

  • Butler n'écrivit jamais d'ouvrage majeur, en dépit d'une production abondante (réunie désormais en 5 volumes chez Routledge)
  • Les outils conceptuels qu'elle élabora pour contester l'inégalité de traitement entre femmes et hommes étaient empruntés au discours religieux, surtout non conformiste, et donc teinté d'accents "puritains".
  • Son combat porta non point sur ce qui avait retenu l'attention des féministes jusqu'à présent, à savoir l'éducation des filles, l'accès des femmes aux emplois rémunérés, la sauvegarde de la propriété privée, la garde des enfants, ou encore le droit de vote. Ce qui mobilisa toute son énergie pendant plus de vingt ans, ne fut jamais la revendication d'un droit, mais la défense d'une catégorie de la population, la plus honteuse dans la société victorienne : les prostituées.


Ainsi, pour les féministes, ce fut longtemps le sens même du combat de Butler, la pertinence de son propos, qui restèrent une énigme, voire un scandale dont il convenait de se protéger.
Car si Butler tenait un discours qui heurtait la morale victorienne, elle allait également à l'encontre de l'idéologie de classe qui imprégnait jusqu'aux cercles féministes. En effet, si à ses yeux, les petites prostituées, paysannes ou ouvrières pour la plupart, étaient bien des femmes comme les autres, les lois qui cherchaient à encadrer leur pratique de manière à limiter la propagation des maladies vénériennes étaient en réalité la manifestation la plus odieuse du rapport de pouvoir qui régissait les relations entre hommes riches et femmes pauvres. Les prostituées n'étaient donc ni des créatures immorales ni des perverses. Elles n'étaient jamais que les victimes d'un système d'exploitation, non pas du pauvre, mais du corps de la pauvre, système parfaitement organisé, et ce au plus haut niveau de l'État grâce à une coalition inédite des forces politiques, policières et médicales.
De quoi parlons-nous exactement ? Des Lois sur les maladies contagieuses, les Contagious Diseases Acts, votées par le Parlement britannique en 1864, 1866 et 1869, contre lesquelles Butler devait partir en "croisade".

Claudette Fillard est professeure émérite d'études américaines à l'Université Lumière-Lyon 2 et Frédéric Regard est professeur de littérature anglaise à la Sorbonne. Ils sont les coordinateurs scientifiques de « Les Fondamentaux du féminisme anglo-saxon », une série éditée par ENS Editions, Lyon.

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/33408
Source : http://www.violetteandco.com/librairie/spip.p...