Réagir (0)EnvoyeriCalPartager

vendredi 2 mai 2014 à 20h30

Projection débat « Chalvet, la conquête de la dignité »

Séance organisée par l'association Carrefour du Soleil, suivie d'une rencontre avec la réalisatrice antillaise Camille Mauduech. La séance sera précédée d'un apéritif créole ( punch + accras )

Apéro: prévente obligatoire à partir du 2 avril et au plus tard le 30 avril : tarifs habituels Utopia + 5 euros


Chalvet, la conquête de la dignité

Documentaire de Camille Mauduech - France 2013 1h49mn

CHALVET, la conquête de la dignité

Il pourrait paraître étrange dans le cadre de la commémoration de l'abolition de l'esclavage d'avoir choisi un film qui évoque des faits qui se sont déroulés en 1974 aux Antilles, environ 126 ans après que le bon docteur Schœlchœrr ait fait abolir l'esclavage dans les territoires français (même si on oublie toujours que la première abolition date tout de même de la Révolution française avant d'être remise en cause par Napoléon). Et pourtant la réalité que l'on découvre à travers la mémoire des protagonistes de Chalvet, celle de la Martinique rurale des années 70, celle des plantations de cannes ou des bananeraies, est celle d'une société et d'une économie figée au xixe siècle où les ouvriers travaillent sans contrat, engagés et payés à la journée, sans horaires clairement définis, les promesses de paiement d'heures supplémentaires étant rarement tenus, un monde où le terme de pénibilité du travail est un doux euphémisme, l'humiliation quotidienne, et où l'amélioration des conditions de travail se négocie parfois contre faveurs sexuelles pour les ouvrières.

Chalvet, c'est l'histoire du croisement entre une mutation économique et l'émergence d'une conscience politique chez les ouvriers agricoles. 74 c'est après le choc pétrolier, l'année où l'économie d'exportation de la Martinique peine avec la flambée des cours du pétrole et où du coup, les conditions de travail pour les ouvrières et ouvriers se durcissent. Une Martinique qui s'ouvre à un monde nouveau plus axé sur l'industrie et les services et qui peu à peu va s'émanciper de son économie coloniale, voyant peu à peu le déclin des planteurs. Parallèlement les années 70 voient l'émergence de jeunes gens cultivés qui ont fait leurs études en métropole et ont ramené d'Outre Atlantique les idées marxistes d'émancipation qui ont fait les événements de mai 68. Un certain nombre de ces jeunes intellectuels ont décidé, de retour au pays, d'aller à la rencontre de ces ouvriers afin de les aider à conquérir leurs droits. Et la réalité qu'ils découvrent dans les plantations ne correspond pas forcément à la doxa marxiste qu'ils ont acquise. Mais pourtant de plantation en plantation, l'inexorable marche de la liberté et de la dignité va se mettre en branle jusqu'au lieu dit Chalvet, sur Basse Pointe, où les protagonistes vont se retrouver face aux gendarmes.

Camille Mauduech, fidèle à son habitude (Chalvet clôt une trilogie sur la mémoire des luttes de la Martinique de l'après guerre entamée avec Les 16 de Basse-Pointe et poursuivie avec La Martinique aux Martiniquais) fouille cette mémoire à l'aide des protagonistes. Camille Mauduech écoute l'émotion encore intacte des protagonistes sans exclusive, autant les ouvrières et ouvriers agricoles, qui se sont éveillés à une conscience politique en quelques jours et qui s'expriment dans un créole truculent, que les « gauchistes » qui les ont rencontrés, et même les planteurs ou leurs contremaîtres. C'est d'autant plus beau que Chalvet est l'histoire d'une lutte qui se finit tragiquement et que trop souvent l'Histoire ne retient que les héros des luttes victorieuses, Camille Mauduech rendant ainsi leur dignité à ces magnifiques combattants oubliés.

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/32317
Source : http://www.cinemas-utopia.org/saintouen/index...