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samedi 30 novembre 2013 à 20h30

Projection débat « La marche »

La séance sera suivie d'une formidable rencontre avec Samia Messaoudi, journaliste à Radio Beur et Alima Boumediene-Thiery, sénatrice Europe Ecologie Les Verts.

Une soirée indispensable concoctée avec la librairie Lettre et merveilles de Pontoise et le soutien de l'A.J.C (Association Jeunesse et Culture de Saint-Ouen l'Aumône)

La marche

Film de Nabil BEN YADIR - France 2013 2h - avec Olivier Gourmet, Jamel Debbouze, Vincent Rottiers, Hafsia Herzi, Lubna Azabal, Tewfik Jallab,, M'Barek Belkouk, Nader Boussandel, Charlotte Le Bon, Philippe Nahon... Scénario de Nabil Ben Yadir, Nadia Lakhdar et Ahmed Hamidi, librement inspiré du livre « La Marche », de Christian Delorme.

LA MARCHE

C'est un film immense, revigorant et de salubrité publique. Un film qui évoque un épisode crucial de l'histoire contemporaine, de notre passé proche, un moment qui a changé l'histoire de la France et la vie de milliers de gens et qui n'est pourtant connu que d'un jeune citoyen de moins de 25 ans sur dix. C'est peu. Un film qu'il est donc urgent de découvrir en famille, en bande, entre ami(e)s, un de ces rares films épiques où la petite et la Grande Histoire se rejoignent. Un film essentiel dans le sinistre contexte actuel, histoire de tordre le coup à bien des préjugés, histoire de faire en sorte que l'Histoire ne hoquète pas pour notre malheur. Un film qui en plus nous rappelle que les petits ruisseaux font les grandes rivières et que des initiatives modestes voire microscopiques peuvent soulever un peuple qui soudainement sort de sa torpeur.

Nous sommes en 1983 à Vénissieux, à la Cité des Minguettes. L'élection de Mitterrand en 1981 a soulevé d'immenses espoirs rapidement douchés sur l'autel de l'austérité. Un peu partout en France, dans les quartiers d'exclusion construits dans les années soixante pour être un remède aux bidonvilles et devenus depuis des ghettos, se sont installés la misère sociale et ses corollaires, la méfiance de l'autre et le racisme. Lors d'élections municipales partielles, la ville de Dreux a été conquise par une coalition RPR-Front National et le FN a gagné des députés aux élections européennes. Tout cela dans un contexte où les crimes racistes se multiplient de manière inquiétante. Et où le pouvoir socialiste stigmatise lui aussi les revendications des populations immigrées, Pierre Mauroy et Gaston Defferre trouvant judicieux de déclarer que les grévistes CGT de Renault Billancourt sont « manipulés par les intégristes ». A Vénissieux, c'est une bavure policière, une de plus, qui met le feu aux poudres. Le jeune Toumi Djaidja est tiré comme un lapin par un policier pour s'être porté au secours d'un ami attaqué par un chien des pandores. Des émeutes s'en suivent. Mais Toumi, depuis son lit d'hôpital, et quelques autres, en partie inspirés par la marche de Gandhi (le film de Richard Attenborough venait de sortir), soutenus par Christian Delorme, un prêtre ouvrier, et par la CIMADE, organisation protestante, font un pari fou : marcher pacifiquement à travers la France pour aller à la rencontre non seulement de ceux qui souffrent de l'exclusion et du racisme mais aussi des Français « de souche » qui veulent voir les préjugés tomber, refusant de croire que toute la France est à l'unisson du discours du Front National. Ils partent à quelques uns, une poignée rejointe par une autre poignée à Marseille. La suite, dans l'automne frileux, sera laborieux, avec les rassemblements à quelques dizaines dans un océan d'indifférence, les insultes racistes supportées le long des routes… Mais peu à peu la mayonnaise prend, jusqu'à l'apothéose à Paris devant des centaines de milliers de gens scandalisés par l'assassinat ignoble d'un jeune Maghrébin par des légionnaires dans le train de nuit Paris/Vintimille.

Le film a l'intelligence de montrer toute la complexité de l'aventure et la diversité de ses personnages : il y a la peur des parents habitués, face à la répression, à courber l'échine et à qui la Marche va redonner une dignité, il y a le pessimisme de quelques uns, il y a la multiplicité des motivations, depuis le militantisme affirmé d'une féministe incarnée admirablement par Lubna Azabal, jusqu'au sursaut d'orgueil de la racaille de la cité dont personne ne veut au départ, jouée par Jamel, ou la simple solidarité amicale du jeune Sylvain (formidable Vincent Rottiers), Français de souche mais concerné. Car contrairement au cliché fabriqué par les journalistes, ce n'était pas la « Marche des Beurs » mais celle de « l'Égalité et contre le Racisme », où jeunes rebeus, militants blancs protestants, prêtre catholique… étaient unis pour un idéal humaniste loin des divisions ethniques ou religieuses. Le film rappelle aussi combien le pouvoir socialiste fut ambivalent, tentant de plus ou moins saboter l'initiative avant de la récupérer à son profit médiatique, incitant dans la foulée à la création de SOS Racisme qui n'intégra (est-ce un hasard ?) aucun des initiateurs ce cette marche. Symbole de cette fracture, Toumi Djaidja vient de refuser, trente ans plus tard, de se livrer à la mascarade de la commémoration de cette Marche en présence du Ministre de la Ville tant que des réalisations significatives ne sont pas faites en faveur des quartiers d'exclusion pour lesquels ils s'étaient battus, lui et quelques dizaines d'autres. Nous incitant ainsi à faire de cette mémoire toujours vivante un outil pour résister et construire un demain meilleur… pour tous.

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/28992
Source : http://www.cinemas-utopia.org/saintouen/index...