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vendredi 19 avril 2013 à 20h30

Projection rencontre « The Land of Hope »

Avant-première: vendredi 19 avril à 20h30 à Utopia Saint-Ouen, suivie d'une rencontre avec Jean-Louis Basdevant, directeur de recherche au CNRS. Le débat sera animé par Marc Denis, Physicien, membre du GSIEN.

The Land of Hope

Écrit et réalisé par Sono SION - Japon 2012 2h13mn VOSTF - avec Isao Natsuyagi, Jum Murakami, Megumi Kagurazaka, Yusuke Iseya, Mitsuru Fukikoshi...

Évidemment inspiré de la catastrophe de Fukushima, le très beau The Land of hope fait le pari audacieux et très intelligent - tant dramatiquement que « politiquement » - de ne pas raconter et encore moins de chercher à reconstituer les événements qui ont suivi le tsunami du 11 Mars 2011. Sono Sion situe son action dans un futur très proche, alors que le souvenir et les séquelles de Fukushima sont encore vivaces.

Dans la préfecture de Nagashima - préfecture imaginaire dont le nom est la contraction terriblement ironique de Nagasaki et Fukushima - l'oubli essaie néanmoins de faire son chemin et la vie a repris ses droits, une vie provinciale, rurale et agricole, viscéralement ancrée dans un rapport fort à la nature. Dans le petit village où vit la famille Suzuki et la famille Ono, des voisins qui s'apprécient et s'entraident, les jours s'écoulent au rythme des travaux des champs, marqués par les petites inquiétudes que partagent tous les parents du monde pour l'avenir des enfants. Et puis vient cette nuit où tout le monde est réveillé en sursaut : les maisons tremblent, les meubles sont renversés… Mais pas d'affolement excessif : après tout, personne n'est blessé, et au Japon, les secousses sismiques c'est comme les coups de mistral sur la Cannebière ou les montées de la Loire dans le printemps angevin, on en fait son quotidien. Mais monsieur Ono est inquiet, il n'a pas la mémoire courte…

Et il a raison : soudainement déboulent des hommes de science fiction dans leur combinaison spatiale qui, sans crier gare, érigent une barrière au milieu du village, pile dans la rue qui sépare les Suzuki des Ono. La nouvelle centrale nucléaire, achevée en dépit de la leçon de Fukushima, a subi à son tour les effets d'un tsunami et le village est juste sur la limite de la zone décrétée contaminée. Les Suzuki doivent être évacués ; les Ono, eux, sont du bon côté de la barrière, ils peuvent rester car, comme chacun le sait depuis Tchernobyl, les nuages radioactifs savent s'arrêter aux limites fixées par les autorités. À partir de là, sans aucun sensationnalisme spectaculaire, le réalisateur nous montre la catastrophe dans ses conséquences insidieuses sur le destin des protagonistes : Monsieur Ono choisit de rester, avec son épouse gagnée par l'Alzheimer, ils sont trop attachés à ce village, à leur bout de terre, pour les quitter ; par contre, il oblige quasiment son fils et sa belle-fille enceinte à s'exiler, pour au moins assurer l'avenir de l'enfant à naître ; quant aux Suzuki, ils connaitront le sort des réfugiés, de centres d'hébergement en foyers d'accueil, tandis que la copine de leur fils cherche désespérément le nom de ses parents disparus sur les listes de victimes…

À travers ces destins, Sono Sion montre les dénis absurdes de la société japonaise, la servilité de certains de ses compatriotes face aux ordres absurdes des policiers et agents de la protection civile. Mais sans aucun jugement, il nous fait surtout ressentir que la plupart des Japonais sont placés dans une situation telle qu'ils n'ont guère d'autre choix que l'acceptation digne des événements, un fatalisme doux devant les catastrophes qui les accablent.

D'une superbe retenue dans l'expression des émotions, le film sait aussi déployer un lyrisme, un romantisme qui nous emporte : la relation entre Monsieur Ono et sa femme malade, notamment dans cette longue séquence où elle s'éloigne imprudemment de chez elle et où il finit par la retrouver pour une danse au milieu des ruines interdites, est bouleversante et témoigne de la grandeur ordinaire des Japonais face à l'impensable. Au final, dans un pays dont le drapeau est un soleil levant, The Land of hope est bien un immense film d'espoir pour une renaissance civique de la société japonaise sans le nucléaire.

THE LAND OF HOPE

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/25418
Source : http://www.cinemas-utopia.org/saintouen/index...