thème : répression
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jeudi 21 mars 2013 à 18h30

Rencontre avec Rosa Moussaoui et Alain Ruscio

«l'Humanité censuré: 1954-1962,

un quotidien dans la guerre d'Algérie»

Rencontre avec Rosa Moussaoui et Alain Ruscio autour de l'ouvrage «l'Humanité censuré: 1954-1962, un quotidien dans la guerre d'Algérie», suivie de la projection du film «Avoir 20 ans aux Aurès» de René VAUTIER En présence de Moïra Chappedelaine-Vautier, la fille De René Vautier

L'engagement de L'Humanité contre la guerre colonialiste en Algérie lui valut un déferlement de procès, de censures, de saisies de la part des gouvernements successifs pendant huit ans, quelle que fut leur couleur, de droite ou socialiste. Saisi à 27 reprises, le quotidien fera l'objet de 150 poursuites. Dès novembre 1954, l'envoyée spéciale de l'Humanité en Algérie, Marie Perrot, témoignait des ratissages, de l'usage du napalm et de la torture. Ses reportages furent bien publiés. C'est seulement au printemps 1955 que l'appareil répressif de la censure se mit en marche.

La loi du 3 avril 1955 instaurant « l'état d'urgence » donna aux autorités la latitude de « prendre toutes les mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toutes natures ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales ». Au printemps 1956, le gouvernement de Guy Mollet, investi des « pouvoirs spéciaux », étendit encore ce pouvoir de censure à « l'ensemble des moyens d'expression ». L'opportun soupçon d' « atteinte à la sûreté de l'Etat », en criminalisant un camp anticolonialiste minoritaire, justifia dès lors les saisies de journaux ou de livres. Des titres comme L'Humanité, mais aussi L'Express, France Observateur, Le Canard enchaîné, Témoignage chrétien en payèrent le prix.

La panoplie des censeurs ne se limitait pas aux saisies. Pour tenter de faire taire les voix dissonnantes, l'Etat usa aussi du harcèlement judiciaire et des amendes. A la fin de la guerre d'Algérie, René Andrieu, rédacteur en chef de L'Humanité, dressait ce bilan : 313 procès et 53 milliards de francs (anciens) d'amende avaient frappé l'ensemble de la presse communiste. La première saisie de L'Humanité remonte au 24 août 1955, frappant un poignant reportage de Robert Lambotte sur les massacres d'Algériens dans la région de Philippeville. Le journaliste, ancien déporté de Buchenwald, qui mit en garde contre un nouveau mai 1945, fut déclaré persona non grata et expulsé d'Algérie. Dès lors, l'Humanité fut régulièrement frappée. Le simple usage des mots « indépendance », autodétermination, ou même « négociation » pouvait suffire à justifier la saisie ou la censure d'une édition. Les reportages sur le vrai visage de la pacification », les témoignages de soldats sur la torture, les enquêtes sur les ultras déchaînaient les ciseaux d'Anastasie. Ceux qui n'ont pas connu cette époque auront du mal à imaginer la frénésie ayant alors saisi les autorités politiques et militaires en place. Ainsi, le numéro en date du 7 mars 1961 sorti une nouvelle fois avec une page blanche, marquée en son centre de ce seul mot : «Censuré.» À l'origine de cette interdiction, un article de Madeleine Riffaud sur les tortures pratiquées à Paris même. Cette boulimie d'interdictions provoqua parfois des effets contraires à ceux visés. Comme lorsque L'Humanité fut saisie pour la huitième fois, le 30 juillet 1957. En cause, la publication d'une lettre de l'ancien directeur d'Alger républicain, Henri Alleg, emprisonné et torturé dans l'immeuble d'El-Biar. La censure contribua alors à amplifier l'émotion dans l'opinion. Une page noire de la liberté de la presse en France.

Rosa Moussaoui

Longtemps censuré, le film de René Vautier, « A voir 20 ans dans les Aurès », ressort en salle, dans une version restaurée. Avril 1961. Dans le massif des Aurès, un commando de l'armée française, formé d'appelés bretons, affronte un groupe de l'ALN lors d'une embuscade. Les soldats parviennent à faire un prisonnier mais l'un d'entre eux est blessé au cours de l'accrochage. Instituteur dans le civil, il se rappelle les événements vécus avec ses camarades au cours des derniers mois. Leur opposition à la guerre en Algérie les a conduits dans un camp réservé aux insoumis. Il se remémore la façon dont leur chef a su les transformer, de jeunes Bretons antimilitaristes qu'ils étaient, en redoutables chasseurs de fellaghas, prêts à tuer et y prenant goût. Tous sauf Nono. Une plongée dans les contradictions de la guerre d'Algérie autant que dans celles de l'âme humaine.

http://www.cca-paris.com/images/stories/revue_kalila/kalila15/rencontre/moussaoui.jpg

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/25004
Source : http://www.telephonearabe.net/mainout/debat_d...