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jeudi 8 mars 2012 à 20h30

Projection rencontre "Sur la planche"

Les Femmes arabes en lutte

Dans le cadre de la journée internationale pour le droit des femmes, la séance du jeudi 8 mars à 20h30 à Utopia Saint-Ouen sera suivie d'une rencontre autour du thème « Les Femmes arabes en lutte » avec Michèle Gonin de l'association « Du Côté des Femmes »


Sur la planche

Film de Leïla KILANI - Maroc 2011 1h46mn VOSTF
avec Soufia Issami, Mouna Bahmad, Nouzha Akel, Sara Betioui... Scénario de Leïla Kilani et Abd-El Hafed Benotman.

Du 07/03/12 au 20/03/12

SUR LA PLANCHE

C'est le premier film de fiction d'une jeune cinéaste Marocaine qui a déjà réalisé plusieurs documentaires passionnants sur son pays, et c'est une vraie découverte, pour ne pas dire une claque phénoménale… On a rarement vu décrit avec une telle justesse rageuse le combat quotidien des classes populaire pour leur survie. Sans qu'à aucun moment on tombe dans l'angélisme gnangnan, dans la commisération bourgeoise qui aime voir les prolos comme des victimes à qui on doit la compassion et la charité, dans les clichetons misérabilistes qui tiennent trop souvent lieu de vision sociale. Coup d'essai, coup de maître, Leïla Kilani montre qu'elle est de la trempe des Ken Loach, des Mike Leigh, des Bruno Dumont…

Les filles ordinaires qui sont les héroïnes de Sur la planche sont formidables, parce qu'elles ne sont pas spécialement sympathiques, parce qu'elles n'incitent ni à la pitié ni à l'empathie : elles représentent simplement la force même de vie alors même que tout est contre elles. Les filles de Sur La planche veulent simplement, comme des milliards de filles des pays du Sud ou même certaines filles des quartiers populaires de notre beau pays privilégié, sortir de leur merde coûte que coûte et elles le font avec l'audace et l'amoralité de leur vingt ans.

Avoir vingt ans quand on vient des régions pauvres du Maroc, c'est devenir un exilé potentiel et tenter la traversée improbable et dangereuse de la Méditerranée ou alors tenter de profiter des bribes de la croissance économique impressionnante de Tanger, nouvel Eldorado. Car Tanger, autrefois ville délaissée du royaume parce que rebelle, est devenue avec sa zone franche la base arrière du monde industrialisé, l'objectif étant pour 2015 d'atteindre les 250 000 emplois. Badia et Imane ont commencé tout au bas de l'échelle en travaillant dans le décorticage des crevettes, un boulot répétitif, qui peut rapporter gros, mais dans lequel on peut se laisser enfermer, sans parler de cette odeur qui vous colle à la peau, même quand on se savonne de longues minutes à s'en arracher l'épiderme… Et se laisser enfermer, c'est justement ce qui les terrorise ! Ces filles bougent tout le temps, autant pour changer de boulot, tentant de rejoindre la caste très prisée des ouvrières du textile, que pour arrondir les fins de mois et flirter avec le danger en arnaquant des garçons riches avec lesquels elles n'ont aucun état d'âme à se prostituer. Ouvrières ? Voleuses ? Prostituées ? On s'en fout, ce sont juste des jeunes femmes résistant de toutes leurs forces à ce monde qui veut les cantonner dans de tous petits espaces : les quelques mètres carrés de leur poste de travail ou les logements misérables prévues pour les ouvrières. Et du coup elles courent à perdre haleine derrière leur vie, qu'elles rattraperont peut-être.

La mise en scène est tendue comme un arc, d'un dynamisme qui n'a rien à envier à un polar sous tension, elle rend autant l'enfermement anxiogène que la course des filles dans une ville remarquablement filmée. Et l'interprétation exceptionnelle des jeunes actrices à fleur de peau sert magnifiquement cette ode à la survie et à la rage des prolétaires. D'évidence, sans aucun discours à l'idéalisme lénifiant, Sur la planche est un superbe hommage aux jeunes arabes révolutionnaires.

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/20490
Source : http://www.cinemas-utopia.org/saintouen/index...