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samedi 19 novembre 2011 à 17h

L'instrumentalisation de la psychologie scientifique

à des fins mercantiles

La prochaine rencontre à l'Hôtel de ville de Versailles, Salle Clément Ader à 17h, sera le samedi 19 novembre 2011.

Nous rencontrerons Guy Tiberghien, membre de l'Institut Universitaire de France, Professeur de Psychologie Cognitive (Institut des Sciences Cognitives de Lyon, et Université de Grenoble).

Ses travaux en Sciences Cognitives portent sur la mémoire humaine et plus particulièrement sur la reconnaissance des visages chez les sujets normaux et les patients présentant une lésion cérébrale ou un trouble neuropsychiatrique.

http://www.isc.cnrs.fr/tib/tibtiberghien.htm

Les dérives idéologiques de la neuro-imagerie

Pour Guy Tiberghien (novembre 2011) :

« Sous le nom de neuro-imagerie sont regroupées un ensemble de techniques permettant de visualiser l'activité du cerveau humain. Ces méthodes ont d'abord été développées dans le domaine médical afin de diagnostiquer ou de soigner les conséquences de lésions du cerveau ou de troubles du fonctionnement cérébral. Mais elles sont aussi utilisées pour tenter de localiser dans le cerveau les processus mentaux responsables de la perception, de la décision, du langage, de la mémoire, etc. Cette neuro-imagerie fonctionnelle, dite cognitive, est un magnifique instrument de recherche fondamentale. Mais, depuis quelques années, la neuro-imagerie est fréquemment intégrée, de façon réductionniste, dans un programme de recherche visant à « naturaliser » l'esprit, c'est-à-dire à l'expliquer, de façon ultime, par ses corrélats cérébraux.

Ce programme, soulève sur un plan strictement scientifique de nombreuses questions méthodologiques et théoriques. Mais les risques de dérive idéologique deviennent considérables quand, en outre, ont tente d'utiliser ces techniques de neuro-imagerie pour « naturaliser » le social, l'économique et le politique. La neuro-économie, le neuromarketing, la neuropolitique, la neuro-éthique ou la neurothéologie pourraient bien n'être que des neuromythes (des neuro-idéologies) dont l'objectif non avoué est au fond de légitimer l'ordre dominant dans les domaines économiques, politique et idéologique.

Après avoir évoqué les origines de la neuro-imagerie cognitive, j'en décrirai brièvement les techniques. Je présenterai ensuite les problèmes méthodologiques et théoriques que soulève l'interprétation cognitive d'une image cérébrale. Enfin je donnerai quelques exemples de recherches en neuro-imagerie dont les dangers politiques et idéologiques sont évidents pour nos libertés. »

Ainsi, à la question que l'on peut se poser « Peut-on observer la pensée dans le cerveau grâce aux nouvelles techniques d'imagerie cérébrale ? », selon Guy Tiberghien, la seule réponse scientifique que l'on peut apporter est non, et ceci, pour au moins deux raisons :

La pensée n'est pas directement observable, c'est une entité hypothétique (un concept si l'on préfère). On ne peut donc pas « observer » la pensée. On ne peut que l'inférer, la reconstruire, à partir des comportements et de leurs réalisations (artistiques, scientifiques, etc.) qui sont eux observables.

On ne peut pas plus observer directement la pensée dans le cerveau. En effet, le cerveau ne pense pas, sauf en un sens métaphorique. Seul un individu, ou mieux une personne, pense, et sa pensée ne peut-être comprise hors de tout contexte culturel, historique et social.

Mais alors, que voit-on dans le cerveau ? On y voit des corrélats biologiques de ce que fait un être humain quand nous disons qu'il pense (par exemple, une activité électrique ou une variation de flux sanguin localisés). (…) Il ne faut pas perdre de vue que localiser un processus cognitif dans le cerveau ne suffit pas à l'expliquer. Expliquer un processus cognitif est une entreprise qui implique la prise en compte de nombreux indicateurs et la mise en relation intégrative de nombreuses régions cérébrales. Il faut donc être prudent et critique à l'égard de recherches même publiées dans des revues que les journalistes qualifient de « prestigieuses », et qui prétendent avoir trouvé dans le cerveau les neurones de la sagesse, l'aire de la sympathie, du jugement empathique, l'aire de la méditation… ou la zone cérébrale du bonheur ! Cela n'a pas plus de sens que la « bosse des maths » que l'on aimerait palper sur le crâne de nos enfants. D'ailleurs, les problèmes d'éthiques posés par la neuro-imagerie prendront certainement de plus en plus d'importance dans les années à venir. » (Extraits de Tiberghien, 2008, www.sfpsy.org société Française de Psychologie)

Pour préparer le débat vous pouvez lire :

Tiberghien, G. (2011). La neuro-imagerie cognitive : Mythes et réalités. (Chapitre dans Les Sciences cognitives : Dépasser les frontières disciplinaires.) Editions : Presses Universitaires de Grenoble. Vauclair, J. & Nicolas, S. (2007). Localisation cérébrale des fonctions mentales : de la cranioscopie de Gall à l'IRMF. Editions Solal.

La prochaine rencontre à l'Hôtel de ville de Versailles à 17h, salle Clément Ader, sera samedi 3 décembre 2011 avec Damien Millet du CADTM pour une conférence/débat autour de l'ouvrage « La dette ou la vie ». Ed ADEN

Pour 2012, les dates des rencontres à l'Hôtel de ville de Versailles seront : Les 14 janvier, 11 février, 17 mars, 07 avril, 09 juin et le 15 septembre.

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/18676
Source : http://www.amis.monde-diplomatique.fr/article...
Source : http://www.amis.monde-diplomatique.fr/article...