thème : répression
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jeudi 29 septembre 2011 à 20h30

Projection "À l'ombre de la république"

Débat "La prison dans quel Etat ?"

Soirée exceptionnelle le jeudi 29 septembre à 20h30 à Utopia Saint-Ouen organisée par la section de Cergy Pontoise de la Ligue des Droits de l'Homme autour du thème : « La prison dans quel Etat ? »

En présence de

  • Stéphane Mercurio réalisatrice du film, du
  • docteur Gérard Dubret, médecin psychiatre de l'hôpital de Pontoise qui intervient à la prison d'Osny et de
  • François Bes, permanent de l' OIP (Observatoire International des Prisons)

Film: À l'ombre de la république

Stéphane MERCURIO - documentaire France 2011 1h30mn -

À L'OMBRE DE LA RÉPUBLIQUE

« Le pire des malheurs en prison c'est de ne pouvoir fermer sa porte. » Stendhal

C'est une plongée exceptionnelle et passionnante dans des territoires inexplorés par les caméras, et où règnent trop souvent des zones de non-droit. Je parle de ces lieux pourtant si bien contrôlés, ces lieux d'enfermement où l'on exclut de la société ceux dont on estime qu'ils représentent un danger pour autrui et/ou qui doivent payer leur dette pour les délits ou crimes qu'ils ont commis. Derrière ces hauts murs, les « pensionnaires » perdent, outre la liberté de circuler, le droit à manger ce que bon leur semble, parfois le droit à l'hygiène, le droit à la rémunération décente du travail, mais aussi le droit à aimer leur compagne ou compagnon ou même leurs enfants, sur la base souvent de l'arbitraire le plus total.

En 2008, dans un moment d'égarement et face aux critiques répétées des ONG et des associations de défense des droits de l'homme mais aussi de la Cour européenne des Droits de l'Homme sur l'état des lieux d'enfermement en France, le gouvernement Sarkozy nomme pour six ans Jean-Marie Delarue Contrôleur Général des lieux privatifs de liberté, indépendant et irrévocable. Sa mission : inspecter, avec l'aide de bénévoles (souvent retraités de la magistrature ou du secteur social), prisons, hôpitaux psychiatriques, centres éducatifs fermés, centres de rétention, dépôts des tribunaux, locaux de garde à vue, etc. Il fait des constatations objectives sur l'espace vital de chaque détenu ou malade à l'intérieur de la cellule ou de la chambre, sur le degré d'humidité, sur la salubrité, mais il recueille aussi la parole des professionnels aussi bien que des prisonniers ou malades. En 2010, pour rendre visible des rapports annuels qui souvent dormaient sur des étagères et restaient sans effet, le Contrôle Général autorise une équipe de tournage à l'accompagner, de la maison d'arrêt des femmes de Versailles à l'hôpital psychiatrique d'Evreux en passant par la Centrale de l'Ile de Ré où finissent les très longues peines ou la prison flambant neuve de Bourg en Bresse.

C'est à la réalisatrice Stéphane Mercurio qu'est confiée la tâche. Ce n'est pas un hasard, puisqu'elle avait réalisé le splendide A côté, documentaire qui restait à l'extérieur des murs, évoquant la prison à travers le regard des familles des détenus de la prison de Rennes qui transitaient par un lieu d'accueil avant de se rendre au parloir. La force extraordinaire du film est de ne pas chercher à connaître le parcours des malades et des prisonniers avant leur enfermement, et donc de ne jamais porter de jugement ni de différenciation sur les raisons qui les ont amenés là. Mais de s'attarder aux petites et grandes choses de la vie à l'intérieur : l'injustice du travail à l'atelier, parfois valorisant pour quelques privilégiés mais ingrat et rémunéré une misère pour les autres (comme ces femmes payées moins d'un euro de l'heure pour ranger des balles de ping-pong), les privations absurdes comme ce malade pleurant parce qu'on lui retire systématiquement son dessert parce qu'il n'aime pas les entrées, le manque des enfants pour cette femme de Versailles qui préfère refuser les parloirs plutôt que de pleurer des heures quand ses mômes s'en vont. Et puis il y a cette approche du temps pour ces détenus longues peines de l'île de Ré, incroyables de lucidité, de sagesse acquise au fil des années, qui savent que leur vie s'achèvera probablement derrière les murs du pénitencier. La caméra filme admirablement les espaces clos (superbe travail de photographie) tout en laissant le temps à la parole enfin libérée.

En 2014, si Sarkozy est réélu, la mission du Contrôleur Général des lieux privatifs de liberté ne sera pas reconduite. Nous savons ce qui nous reste à faire.

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/18211
Source : http://www.cinemas-utopia.org/saintouen/index...