jeudi 16 décembre 2010 à 20h
Les 88, l'art de la grève
https://paris.demosphere.net/rv/15290
Les rendez-vous du documentaire engagé
Projection-débat organisée par Politis et Voir&Agir
La projection sera suivie d'un débat
- animé par Claudie JOUANDON avec
- Sophie PAVIOR et
- Anthony VOISIN, et avec
- Nicolas JOUNIN, auteur de Chantier interdit au public, enquête parmi les travailleurs du bâtiment et
- les membres du collectif ASPLAN, une équipe de recherche formée depuis début 2008 pour suivre la grève des sans-papiers.
Libre participation aux frais
Les 88, l'art de la grève
Un film de Sophie PAVIOT
sur une idée de Nicolas VENDÉ et Anthony VOISIN
2010, 54 mm
En juillet 2008, des sans-papiers, qui plus est intérimaires dans le secteur du bâtiment, se mettent en grève pour obtenir leur régularisation par le travail. Tout laisse à penser qu'ils vont droit à l'échec... Pourtant, après 9 mois de conflit, ils obtiennent gain de cause.
Attentif à leur parole, le film expose, avec clarté, les grandes étapes de la lutte. Les différents soutiens du mouvement éclairent le contexte du secteur du bâtiment et décryptent la stratégie de cette grève devenue exemplaire.
Ce que disent les 88
Ce texte a été rédigé à la mi-juillet 2008 par les grévistes de MAN BTP, lors d'un atelier d'écriture.
« Nous, 88 travailleurs sans papiers âgés de 22 à 35 ans, d'origine malienne, sénégalaise, mauritanienne et ivoirienne, nous sommes mis en grève le 3 juillet et occupons depuis l'agence d'intérim MAN BTP spécialisée dans le bâtiment où se fournissent en main d'œuvre bon marché, via des filiales « donneuses d'ordres », les groupes BOUYGUES, VINCI et compagnie… Nous sommes venus en France pour travailler. Chez nous, c'est la misère. Si une vie heureuse y était possible, nous ne viendrions pas exécuter ici les travaux les plus durs. En France, nous trouvons facilement du travail avec des faux papiers (moyennant 300 à 400 euros) ou avec les papiers d'un autre (frère, cousin, copain). Les travaux qui nous sont proposés, notamment dans le bâtiment, sont les plus pénibles, ceux que personne d'autre ne veut faire : démolition, marteau-piqueur, boiseur…
Depuis que nous travaillons en France, parfois depuis de nombreuses années (2000, 2001), nous cotisons à la sécurité sociale, aux caisses de retraite et de chômage, nous payons des impôts, en échange de quoi, nous vivons dans l'angoisse permanente de nous faire arrêter. Cette peur ne nous quitte pas. Le soir, après une journée harassante de labeur, à l'heure de rentrer au foyer, nous ne sommes jamais sûrs d'y arriver. Nous nous sentons coupables d'une faute que nous n'avons pas commise si ce n'est celle de vouloir vivre dignement. Nous risquons à chaque instant l'expulsion, la pire des choses pour nous. Et quand elle est appliquée, notre premier objectif est de revenir.
Nous avons entendu parler des premières actions initiées le 15 avril dans les médias. Nous avons alors compris qu'une régularisation par le travail était possible. Après avoir pris contact avec le syndicat Solidaires, nous avons décidé de nous mettre en grève, conscients de la longévité potentielle de la lutte. Le 3 juillet au matin, nous étions 60 à occuper l'agence. Le soir même, nous étions 80. Quelques jours plus tard, nous étions 120. Sur le nombre, certains n'ont pas joué le jeu. Ils se disaient grévistes alors qu'ils continuaient à travailler. Lors d'une assemblée générale, nous avons mis les choses au point. Seuls sont comptabilisés, les grévistes qui répondent présents aux 3 comptages journaliers : 9h30, 14h et 17h.
Sur les 88 que nous sommes aujourd'hui, 15 passent, à tour de rôle, la nuit sur place. N'ayant pas accès aux toilettes de l'agence, nous galérons pour faire nos besoins. Le maire du 10ème, lors de sa visite, nous a promis de faire le maximum pour nous installer des toilettes de chantier. Nous espérons de tout cœur qu'il tiendra parole et nous l'en remercions par avance.
Pour qu'aboutisse notre démarche, nous demandons solennellement que s'opère au plus vite la plus large unité syndicale, associative et politique autour de notre combat. Nous en appelons à toutes les personnes de bonne volonté ainsi qu'à tous les collectifs de sans papiers pour parvenir collectivement à faire comprendre au gouvernement que la seule solution est de régulariser toutes et tous les travailleurs sans papiers, isolés ou pas, intérimaires ou pas.
En travaillant sans relâche depuis des années, enchaînant les missions les unes derrière les autres sans prendre de vacances, nous estimons, à juste titre, être à moitié régularisés. Nous attendons du gouvernement qu'il fasse l'autre moitié du chemin. »
POUR EN SAVOIR PLUS, lire « La grève des sans-papiers au miroir de la précarité », du collectif Asplan (équipe de recherche formée début 2008 pour suivre la grève des sans-papiers).