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samedi 18 septembre 2010 à 17h

Rencontre avec Gilbert Achcar

« Les arabes et la Shoah »

Nous recevrons à l'Hôtel de ville de Versailles, samedi 18 septembre 2010 à 17 h salle Clément Ader, Gilbert ACHCAR, pour son livre « Les arabes et la Shoah » Ed. Actes Sud.

Gilbert ACHCAR qui vit aujourd'hui à Londres où il est professeur à la School of Oriental and African Studies de Londres, est originaire du Liban et a d'abord enseigné les sciences politiques à l'université Paris VIII. Ses ouvrages les plus récents sont : « La guerre des 33 jours » Ed. Textuel ; « Le choc des barbaries » Ed. 10/18 ; « L'Orient incandescent » Ed. Page deux ; « La poudrière du Moyen-Orient » avec Noam Chomsky, Ed. Fayard.

« J'ai intitulé ce livre « Les arabes et la Shoah » (…) parce que du fait même de l'entreprise sioniste et de l'immigration juive en Palestine, les Arabes étaient beaucoup plus concernés par la Shoah, et le restent, que les Indiens (…) Mon ambition principale, dans ce livre, est de donner la mesure de la complexité des rapports entre les Arabes, dans leur diversité, et la Shoah, et de tracer des pistes de réflexion permettant de dépasser les caricatures qui sont pléthore à cet égard.

Sionisme, Colonialisme, Déracinement.

Le sionisme, au sens du mouvement politique visant à la création d'un Judenstaat, un « Etat des Juifs », selon le titre original de l'ouvrage de Théodor Herzl, est une réaction à l'antisémitisme, une des réactions possibles. Le sionisme étatique représente l'option d'un retranchement-regroupement ethno-nationaliste des juifs sur un territoire séparé, en opposition souvent virulente aux options concurrentes, autonomistes ou intégrationnistes, attachées aux droits individuels et collectifs des juifs sur leur territoire de résidence. L'entreprise sioniste en Palestine fut perçue par les autochtones arabes comme un avatar particulier du colonialisme européen avec d'autant plus de netteté qu'elle se déploya, pour l'essentiel, sous le mandat colonial britannique, bien avant la première guerre mondiale. En 1917 la colonisation sioniste en Palestine bénéficia de la célèbre lettre rédigée par Lord Arthur Balfour, secrétaire au Foreign Office, dans laquelle le gouvernement britannique se déclarait favorable à « l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif ». Dès le début de la colonisation judéo-européenne en Palestine dans la seconde moitié du XIX siècle, principalement accélérée par les pogroms de Russie jusqu'à la première guerre mondiale, Il y a eu des affrontements de la part des paysans palestiniens expulsés de leurs terres et privés de leur gagne-pain. Ainsi, l'opposition au sionisme fut un élément clé dans la formation de l'identité palestinienne, voire de la conscience nationaliste arabe, comme l'attestent les articles publiés à partir de 1908, suite à la libération politique que connut l'Empire ottoman en Palestine, mais aussi au Caire, à Beyrouth et à Damas. Le nombre des résidents juifs en Palestine doubla entre le début du XXe siècle et la première guerre mondiale. Il décupla sous le mandat britannique.

Le contentieux judéo-arabe est bien antérieur à 1933. Cependant, la prise du pouvoir par les nazis cette année-là, suivie de la mise en pratique de leur programme antisémite en Allemagne, puis à l'échelle du continent européen, fut plus qu'un simple catalyseur de l'immigration juive en Palestine : ce fut le facteur décisif qui rendit possible l'accomplissement du projet sioniste, et la création de l'Etat d'Israël. De 1932 à 1938, plus de 197 000 juifs affluèrent en Palestine, suivis par 138 300 dans la décennie 1939-1948 soit un total de près de 313 000 immigrants entre la prise du pouvoir par Hitler en 1933 et la fin du mandat britannique en 1948 selon les chiffres officiels israéliens, dont 115 000 immigrants illégaux. Dans les trois ans qui séparèrent la fin de la guerre en Europe en mai 1945 de la proclamation de l'Etat d'Israël en mai 1948, ce furent 80 000 rescapés de la Shoah qui parvinrent illégalement en Palestine, toujours selon les chiffres officiels israéliens. En 1932, la population juive -près de 181 000 personnes, constituait 18,3 % de la population totale de Palestine ; en 1946, elle avait dépassé les 35 % pour atteindre près de 37 % deux ans plus tard, au moment où l'Etat d'Israël fut proclamé. Sur les 716 700 juifs du nouvel Etats d'Israël six mois après sa déclaration d'indépendance, selon le recensement du 11 novembre 1948, 463 000, soit près des deux tiers, étaient nés à l'étranger.

Le mouvement sioniste s'impose politiquement et militairement.

C'est donc bien à la Shoah que « l'Etat des Juifs » doit avoir vu le jour, et ce à plus d'un titre. Selon Hitler, la Palestine devait continuer à être la destination première des réfugiés juifs allemands, et elle devint un facteur encore plus important dans les politiques d'émigration nazies en 1938 et 1939 lorsque la Gestapo et le Sicherheitsdienst collaborèrent avec des organisations sionistes clandestines dans l'immigration illégale de réfugiés juifs en Palestine par-delà le blocus britannique. En dépit de tous les efforts du mouvement sioniste, la majorité des juifs allemands et autrichiens qui quittèrent l'Europe continentale jusqu'en 1939 se rendit aux Amériques - 95 000 personnes aux Etats-Unis et 75 000 en Amérique latine, contre 60 000 en Palestine. Il n'en reste pas moins qu'en 1948 plus de 170 000 Juifs originaires de Pologne constituaient la fraction la plus importante de l'implantation. Il est évident qu'en augmentant considérablement l'émigration juive vers la Palestine, le nazisme permit au mouvement sioniste d'atteindre la masse critique qui lui permettra de s'imposer politiquement et militairement en 1948. Pourtant il y eut des cercles qui s'opposaient au projet étatiste sioniste en faveur d'une perspective d'Etat binational en Palestine -Hugo Bergmann, Martin Buber, Judah Magnes et Henrietta Szold- se battirent désespérément pour que la communauté des résidents juifs de Palestine (le Yishouv) accorde la priorité absolue au sauvetage des juifs d'Europe plutôt qu'au sauvetage de la nation hébraïque sur sa terre. Une cohérence similaire se retrouve dans l'action de l'Américan Council for Judaism (ACJ), une organisation juive antisioniste fondée dans les années 1940 par des rabbins appartenant au judaïsme réformé et des laïques. Elle se prononça pour un Etat unitaire démocratique et laïque en Palestine, où Arabe et Juifs seraient égaux en droits. La commission spéciale de l'ONU sur la Palestine résuma sa position en 1947 dans ces termes : « Aux Etats-Unis, l'opposition au sionisme est exprimée par l'American Council for Judaism, qui s'oppose aux propositions d'établissement d'un Etat Juif. De son point de vue, de telles propositions sont une menace pour la paix et la sécurité de la Palestine et de sa périphérie, elles sont nuisibles aux Juifs en Palestine et dans le monde entier, et sont antidémocratiques. »

Les prochaines rencontres à l'hôtel de ville de Versailles, salle Clément Ader à 17 h seront le :

  • 09 octobre 2010 avec Yves Clot autour de son livre « Le travail à cœur » Ed. La découverte.
  • 23 octobre 2010 avec André Schiffrin autour de son livre « L'argent et les mots » Ed. La Fabrique.
  • 06 novembre avec Martial et Anne-Claude Van der Linden autour du livre de Peter J.Whitehouse « Le mythe de la maladie d'Alzheimer » Ed. Solal.

Amicalement et à bientôt.

Evelyne LEVEQUE. Correspondante des Amis du Monde diplomatique.
Courriel eveleveque@wanadoo.fr ou tél : 06.07.54.77.35

Source : http://www.amis.monde-diplomatique.fr/article...

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/13832