mercredi 9 juin 2010 à 19h
Retraites : conférence-débat le 9 juin avec Bernard Friot
https://paris.demosphere.net/rv/13491
L'avenir des retraites est l'un des enjeux immédiats les plus critiques du combat social et politique dans ce pays. Sous des formes spécifiques, il l'est dans presque tous les pays. Pour le gouvernement Sarkozy, l'UMP et le Medef, même après les réformes Rocard, Balladur et Fillon le système de retraite par répartition reste une entrave majeure à la domination pleine et entière du capital sur les salariés. Dans une configuration du capitalisme marquée par la toute-puissance de la finance, le salaire socialisé échappe aux marchés financiers et libère à sa retraite le salarié de toute subordination au capital. Il a ainsi un caractère « non-capitaliste », anticapitaliste.
Celles et ceux qui défendent les retraites trouveront dans le nouveau livre de Bernard Friot de quoi renforcer leur détermination. Bernard Friot travaille sur les retraites depuis quinze ans. Il est le premier chercheur universitaire à avoir défini le système de protection social français comme celui du « salaire socialisé » (voir son livre de 1998, Puissances du salariat. Emploi et protection sociale à la français, Éditions La Dispute). Dans le livre qu'il a publié en avril 2010 sous le titre L'enjeu des retraites (également à La Dispute), Bernard Friot a repris, actualisé et prolongé son analyse de 1998.
Il situe maintenant pleinement la question des retraites dans la perspective de l'émancipation sociale des travailleurs. Dans sa conclusion, il appelle les salariés, à commencer par les militants syndicaux et politiques, à inscrire leur combat dans la perspective, non de « plein emploi » sous la férule du capital, mais d'un état de choses où « la qualification et le salaire ne dépendraient plus des décisions d'employeurs sur un marché du travail ». Bernard Friot écrit qu'il « ne s'agit pas non plus de "sécuriser" la condition des travailleurs, vocabulaire où les travailleurs sont des mineurs sociaux qui n'ont aucun droit sur la direction de l'économie. L'enjeu des retraites, c'est de sortir des revendications de sécurité du revenu et de l'emploi pour promouvoir une nouvelle figure du travailleur en mesure de soutenir notre aspiration commune à diriger l'économie et de sortir enfin de l'économisme de la valeur-travail ».
Venez débattre de ce sujet essentiel avec Bernard Friot le 9 juin à 19h au CICP, 21ter rue Voltaire, M° Alexandre Dumas ou Rue-des-Boulets.
Extraits du livre de Bernard Friot
L'enjeu des retraites
(Editions La Dispute, Paris, mars 2010, 12 euros)
Le débat sur les retraites suppose bien sûr de démonter l'imposture de « l'argumentaire » réformateur, qui est tout simplement ridicule avec ses épouvantails de la démographie ou du déficit qui ne trompent que ceux qui veulent l'être à tout prix. L'expérience aujourd'hui massive de l'illégitimité des décisions économiques des actionnaires et des dirigeants et de la toxicité des marchés financiers rend audible - et nécessaire - un discours très offensif sur les deux nouveautés inouïes de la pension de retraite comme salaire continué financé sans accumulation financière.
Leur salaire à vie offre aux retraités la liberté et le bonheur de mettre en œuvre leur qualification sans soumission au marché du travail, sans employeur, sans dictature du temps de travail. Son financement sans épargne, alors que les droits à pensions représentent un engagement aussi massif et de plus long terme que l'investissement, montre que celui-ci peut être financé sans aucune accumulation financière.
La retraite comme salaire continué nous montre que l'on peut travailler sans marché du travail et donc sans employeur, que l'on peut investir sans investisseur et donc bannir les droit de propriété lucrative au bénéfice de la propriété d'usage, et -cerise sur le gâteau - que l'on peut démocratiser la création monétaire en la fondant sur l'attribution à chacun, de la fin du lycée à sa mort, d'une qualification personnelle.
La retraite fournit une des clés de la sortie du capitalisme, et c'est pourquoi les réformateurs sont si acharnés, depuis 1987, à transformer le salaire continué en son contraire, le revenu différé, sur le modèle suédois. S'ils réussissaient à rabattre la pension, contrepartie (comme tout salaire) de l'aujourd'hui de la qualification du retraité, en contrepartie du passé de ses cotisations, alors ils maintiendraient les travailleurs dans le statut de mineurs sociaux niés comme producteurs.
Soixante ans doit être affirmé comme l'âge politique auquel on entre dans une seconde carrière avec, à vie, 100% de son meilleur salaire, pour explorer, pour tous, les voies d'un travail libéré des institutions mortifères du capital.