samedi 27 février 2010 à 16h
Projection Outrage & Rebellion contre les violences policières
https://paris.demosphere.net/rv/12194
Film collectif, France, 2009, n&b et couleur, 60 min
(voir aussi la critique de ces films ci-dessous)
Samedi 27 février / 16h / CentQuatre/ Salle 200
Pour une critique de la violence
Montreuil. Juillet 2009: Joachim Gatti subit un coup de tir policier de flashball et perd un oeil (1). Cette même violence policière extrême a déjà trouvé à se déployer à plusieurs reprises et cinq autres personnes, vivant dans des zones de relégations, ont été bafouées dans leur intégrité physique et psychologique, meurtries de façon identique. Cette violence policière, d'Etat, n'épargne personne. Personnes sans-papiers, étudiants, bénévoles, travailleurs, simples citoyens... se voient en effet de jours en jours harcelés, violentés par la police, placés en garde-à-vue, inculpés pour outrage, accusés de fomenter des violences sociales, sont sujets à de multiples dépôts de plainte de la part de différents ministères.
Ces faits extrêmement récurrents s'inscrivent dans une stratégie d'ensemble dûment réfléchie par le gouvernement actuel. Celle-ci vise à décrédibiliser, à empêcher, voir à annihiler toutes formes d'oppositions et de revendications portées par des entités diverses, partis politiques, syndicats, associations ou collectifs, et partant, toute la société civile. Pour exemples : culpabilisation des grévistes et restriction du droit de grève par l'adoption de nouvelles lois ; rapports émanant des Renseignements Généraux et déclarations de la Ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie, faisant état d'une « possible résurgence du terrorisme » du côté de la mouvance « anarcho-autonome »...
Cette "criminalisation", non seulement des mouvements sociaux, mais aussi des simples actes citoyens visant à promouvoir des visions de la société et du monde différentes, permet au pouvoir actuellement en place de créer de nouvelles « classes dangereuses », et à mobiliser idéologiquement la société contre celle-ci : après les chômeurs et précaires, les jeunes des cités, ou bien encore les immigrés sans-papiers, voici les
citoyens-qui-contestent-et-qui-revendiquent-leurs-droits, voici les citoyens-qui-prennent-des-initiatives. De la politique de la peur.
Elle s'articule dans le même temps avec l'ultra-libéralisation de nos sociétés, la paupérisation de couches entières et de plus en plus vastes de celles-ci, et l'enrichissement à outrance d'une minorité de personnes.
Outre le déni de démocratie que représente le refus du principe de contradiction, cette criminalisation des rapports sociaux ne ferait-elle signe, d'une part, vers un "nouvel" usage de la violence d'Etat? Si celle-ci a longtemps été théorisée comme étant "conservatrice de droit", il nous est permis de penser qu'elle est à présent destructrice de droit. Ne ferait-elle signe, d'autre part, vers un nouvel usage de l'"exception" par l'Etat? Si ce dernier pouvait en effet depuis longtemps suspendre les libertés en cas de guerre, l'usage de l'exception et de l'état d'urgence s'applique aujourd'hui à des catégories de personnes très spécifiques, à des situations de plus en plus nombreuses : jeunes de banlieues, migrants, personnes sans-papiers, mouvements contestataires, actes et initiatives citoyennes à rebours de l'ordre établit. Cette "criminalisation" ne vise-t-elle pas à aveugler les individus afin de re-configurer une société dans laquelle l'hospitalité, la fraternité, la liberté, l'égalité, la justice sociale et le refus de tous déterminismes sociaux ou ethniques ne seraient plus que de vains mots et des idées abstraites?
Face à cette situation, de multiples initiatives se doivent d'être prises, et sont déjà engagées afin non seulement d'attester au plus près des réalités de notre époque, mais aussi de choisir son camp et opposer un front de refus. Parmi celles-ci, un film collectif, Outrage @ Rebellion, qu'ont réalisé 45 cinéastes nationaux et internationaux.
Huit de ces films, choisis par la Revue Independencia.fr seront présentés au CentQuatre le samedi 27 février à 16h00.
En présence des cinéastes et de militants, Nathalie Hubert et Independencia.
Un débat sera engagé à l'issue de la projection.
Seront montrés lors de cette projection :
Jean-Marie Straub: "Pour Joachim Gatti" 1' 30' Lech Kowalski: "Police Force Ouvrière" 12' 40' Gisèle et Luc Meichler: "Jeu et sérieux" 4' 08' Sylvain George: "Ils nous tueront tous... " 10' 43' Fergus Daly: "Matter & Memory" 5' 10' Philippe Garrel: "La séquence Armand Gatti" 10' Pierre Léon: "À la barbe d'Ivan" 10'
Peter Whitehead: "Un film..." 3' 19''
En bonus : Jean-Marie Straub: Europa 2005 - 27 octobre
Date: Samedi 27 Février 2010
Horaire: 16h00
Lieu: 104
Salle 200
Adresse: 104 rue d'Aubervilliers 75019 PARIS
Tarif: 5€, 3€, 0€
(Les recettes servent au paiement des techniciens et à la caisse de soutien)
Source : liste de diffusion infozone, reçu le 22 février 17h
Source : liste de diffusion zpajol, reçu le 22 février 17h
Colère - En réponse au projet "Outrage & Rébellion", des spectateurs non réconciliés
Le 8 Juillet 2009, à Montreuil, la police, armée de flashball, tire, à hauteur de visage, sur un groupe de manifestants rassemblés devant la Clinique, squat expulsé le matin même. Cinq camarades sont touchés. Suite à cela Nicole Brenez lance un appel (d’offres) à des cinéastes. Beaucoup parmi ceux qui figurent dans son carnet d’adresses y ont répondu mais personne, absolument personne, n’a cherché à nouer contact avec ceux à qui ces films sont adressés et censés rendre hommage. Histoire, par exemple, de se présenter, de faire connaissance, de se documenter.
Le cahier des charges de cet appel ressemblait à : « Un jeune cinéaste, Joachim Gatti, perd un œil à cause d’un tir de flashball à Montreuil ; à vos machines, il faut répondre par les moyens du cinéma ». C’est à cette injonction qu’ont répondu les auteurs de ces films. Or déjà l’énoncé de la commande était partiellement vrai. Les flics ne visaient pas un cinéaste, mais tous ceux qui étaient rassemblés devant la Clinique ce soir-là. Et, au delà, ils ont tiré sur les expérimentations politiques qui s’y menaient depuis des mois : occuper des maisons vides, lutter contre les arrestations de sans-papiers, tenir une permanence sociale, occuper des pôle-emploi et des CAF, organiser des concerts, faire un ciné-club et un magasin gratuit, une radio de rue les jours de marché, une cantine collective, écrire un journal mural chaque semaine, tisser des liens avec d’autres collectifs à Paris et dans d’autres villes...
Lorsque nous avons reçu la première moisson de films du projet « Outrage & Rébellion », nous nous sommes réunis dans une maison occupée à Montreuil pour les regarder. Beaucoup furent agités dans la nuit par ces quasi-horreurs.
Peu de cinéastes ont cherché à prendre position depuis l’événement. Quand on regarde ces films, ce qui apparaît au premier plan, ce sont les réalisateurs, leurs noms, leurs tics, leurs problèmes, leur stylistique, leurs compagnons, leurs appartements, leurs lubies, leurs banques d’images, leurs disques, leurs livres préférés et finalement leurs Curriculum Vitae en ligne sur Médiapart. Le sentiment qu’ici, on se donne à voir plus que l’on ne donne à voir.
L’accumulation fait sens et l’absence absolue de réflexion commune aussi. Ces films finissent par produire une réponse collective paradoxale : ce qui fait « collectif », c’est l’effet collection, l’effet exposition conduite par une commissaire. Ces objets mis bout à bout donnent à voir les dispositions stylistiques que nous sommes invités à choisir sur le grand marché des tendances culturelles.
Ici point de surprises, ces gestes cinématographiques s’inscrivent en rab sur l’événement et se distinguent soit par une plus value narcissique, soit par un surplus de jouissance, soit les deux. La plupart de ces objets sont dédicacés à Joachim puis signés par les auteurs avec un copyright. Ainsi, le caractère tristement public de ce qui s’est passé retourne, par le cinéma, dans la sphère du droit des usages et de la propriété. C’est aussi de pornographie qu’il s’agit : de l’exhibition de la toute puissance de la police - « Mon dieu, toute cette police costumée quand même, quelle horreur... » - à la turgescence ridicule d’un Georges Bataille lue par une jeune fille en fleur, le pas a été franchi ; honte sur eux.
Ce qui spécifie ces réponses, c’est qu’elles ne se tiennent même pas à la hauteur d’un compte rendu de paparazzi. Nous pourrions nous en réjouir, mais non. Chaque film présenté nous vend une salade vaguement formelle, vaguement politique, vaguement révoltée, plutôt compassionnelle, jusqu’au document interminable sur les difficultés de travail de la police racontées par un syndicat de gauche. La figure principale, récurrente jusqu’à la nausée, est la puissance de la police. Au fil des films la vacuité de sa détestation s’impose. Ce qui est sûr, c’est que le monde sensible qui s’exprime dans ces travaux n’est pas le nôtre. Pas tout à fait. Cela ne serait pas un problème si ces films pouvaient nous aider à penser. En réalité, ils ne font que nous rabattre sur les mêmes pauvres visions du réel qui déjà nous étouffaient et contre lesquelles nous essayons de lutter.
Que les choses soient claires : chacun est libre de répondre avec les outils qu’il se donne aux sirènes qu’il entend. Le problème c’est que tout cette « matière filmique », montée et accumulée, va à l’encontre de ce qui se cherche à Montreuil et ailleurs, jusqu’à le rendre absent.
Depuis quelques années, le capitalisme s’est fait remarquer par une disposition à coudre deux affects considérés jadis comme inconciliables : l’opportunisme et la sincérité. Ces travaux sont une des monstrations possibles de cet état de faits. Ils nous attristent et nous révoltent aussi pour cette raison.
Des spectateurs non réconciliés
(ceux à qui ces films rendent hommage)