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jeudi 18 mars 2010 à 18h30

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Séance de Université Ouverte de la CIP-IdF

L’instant d’après. Projectiles pour une politique à l’état naissant

Université ouverte 2009-2010 : La vie « militante » dans la politique et dans l’art, à la coordination des intermittents et précaires, 14 quai de charente, Paris 19e, M° Corentin Cariou, Ligne 7

La politique et les oasis (art et amour), avec Bernard Aspe, à partir du 1er chapitre de son livre, L’instant d’après, projectiles pour une politique à l’état naissant (ed. La fabrique).

La séance sera suivie du partage d’une soupe ou d’autres victuailles.

Source : message reçu le 24 janvier 19h


L’instant d’après. Projectiles pour une politique à l’état naissant, Bernard Aspe

Dans l’ordre démocratique-policier qui est le nôtre, les communautés humaines sont rassemblées sous le commandement de ceux qui ont des titres à commander, titres prouvés par le fait qu’ils commandent. La politique est précisément la rupture de cet ordre-là. L’Instant d’après survient sur les traces immédiates de cette rupture. C’est l’instant décisif où se décide si, une fois de plus, elle va aboutir au désaccord entre le dire et le faire, à l’élargissement de la distance entre le fantasme et le réel, ou si au contraire elle va permettre l’émergence de nouvelles formes de vie.

Il ne s’agit pas de proposer de nouvelles théories politiques, encore moins des systèmes d’organisation. Il s’agit plutôt de montrer comment sortir des oasis, de ces refuges dans notre fuite, que sont aussi bien la création d’une œuvre, la "réalisation de soi", l’action militante ou la vie d’une collectivité autonome. Car "beaucoup de ceux qui ont regardé les événements de novembre 2005 ont d’abord éprouvé l’absence d’un espace politique à la hauteur de ces événements. Ceux-là avaient déjà l’habitude de ne rien attendre du militantisme et s’étaient sans doute pour la plupart éloignés de l’étouffement radicaliste... C’est à eux, justement, les êtres les plus quelconques, plus ou moins perdus dans leurs études et leurs métiers, plus ou moins empêtrés dans les restes d’un État-providence qui tournent en hypercontrôle sélectif, c’est à eux qu’il revient de faire en sorte que de l’imprévisible, et donc du réellement menaçant, ait lieu".

En donnant un sens nouveau à des notions anciennes - l’éthique, le messianisme, le jeu - en convoquant là ou elles sont peu attendues de grandes figures philosophiques - Kierkegaard, Wittgenstein - Bernard Aspe explore le sable du désert autour des oasis où nous attendons l’instant d’après. "Sur le sable, il y a aussi des marques laissées par d’autres. Ambivalence des empreintes : elles peuvent nous livrer à la police, mais elles sont aussi la preuve que nous ne sommes pas seuls."

L’instant d’après. Projectiles pour une politique à l’état naissant est paru en 2006 aux éditions La fabrique.

Livre en ligne au format pdf:
\\"L’instant

Source : http://www.cip-idf.org/article.php3?id_articl...


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Figures, discours, Bernard Aspe (pour la séance du 18 mars 2010)

Admettons que la politique soit l’élaboration des conditions qui permettent l’abolition de l’état de choses existant. Le communisme était pour Marx le « mouvement réel » qui effectue cette abolition. Cette définition suppose que le capitalisme porte en lui les conditions de sa propre abolition ; qu’il les sécrète, et ne peut que s’appuyer sur elles, tout en conjurant autant que possible leur complète mise au jour, qui supposerait son démantèlement. Il y aurait donc, au coeur du capitalisme, cette contradiction : il ne peut vivre que de ce qui, inéluctablement, doit lui donner la mort. Certains ont attendu, attendent encore que cette contradiction conduise d’elle-même au renversement du système-monde dans lequel nous sommes planétairement immergés. Cette erreur a cependant été corrigée depuis longtemps : pour qu’un tel renversement soit possible, il ne suffit pas d’invoquer une nécessité objective. Il faut encore qu’elle soit doublée d’une nécessité proprement subjective. Mais cette nécessité ne peut être conçue sans que lui soit donnée une figure. Le prolétariat a été la figure donnée à la nécessité subjective de l’abolition du capitalisme. L’histoire du mouvement révolutionnaire est celle des déclinaisons de cette figure, de sa cristallisation en « classe ouvrière », et de la sortie progressive hors de la référence à la classe ouvrière à partir des années 1970.

Certains ont pu en conclure qu’il fallait abandonner toute référence au mouvement révolutionnaire en tant que tel, et accepter l’irréductible disparité des « luttes minoritaires ». Pour ceux qui n’ont pas voulu s’engager dans cette impasse, le problème qui se posait était le suivant : fallait-il disjoindre la matrice prolétarienne de sa cristallisation « ouvrière », ou bien abandonner, en même temps que la centralité de la classe ouvrière, la matrice prolétarienne elle-même ? La réponse à cette question n’a pas toujours été parfaitement claire. On peut du moins constater que la matrice prolétarienne, dégagée de la référence ouvrière, anime encore quelques hypothèses récentes, de la théorie du Bloom à la pensée des multitudes.

On demandera alors ce que peut signifier : abandonner la matrice prolétarienne. Pour cela, il faudra dans un premier temps l’identifier plus clairement. Mais il faudra également ouvrir une série de questions.

1. La caractéristique des sujets politiques contemporains, c’est précisément qu’ils ont le choix, et qu’ils sont même embarrassés par ce choix : ils ont en permanence la tentation de renoncer à l’exigence politique, et de faire enfin des choses « pour eux-mêmes ». Autrement dit, le sujet politique ne peut plus se confier à la nécessité. On objectera qu’il en a toujours été ainsi ; qu’à une époque antérieure, ce problème pouvait se traduire par le rapport entre les avant-gardes intellectuelles bourgeoises et les masses prolétaires ; que la nécessité portée par le prolétariat devait encore être en quelque sorte activée par l’avant-garde. Toute la difficulté commence lorsqu’on ne dispose plus de ce schème. Car on ne peut justement considérer comme donnée la coupure entre ceux qui ont le choix et ceux qui ne l’ont pas. Ce qui est donné, c’est bien plutôt cette condition commune selon laquelle chacun a désormais le choix. Dès lors, comment la politique peut-elle être autre chose qu’une exigence susceptible de ne pas être suivie ? Ou pour le dire autrement : pour concevoir le rapport contemporain à la politique, est-on condamné à réhabiliter le concept de devoir ? Et si ce n’est pas le cas, comment concevoir qu’une exigence parvienne à s’inscrire dans une vie ?

2. Abandonner la matrice prolétarienne, n’est-ce pas justement se livrer à ce que le capitalisme demande ? À savoir : des sujets libres, justement ; des sujets qui font des choix, qui sont encombrés par leur capacité à choisir, et qui trouvent leur délice dans cet encombrement ; des sujets soucieux avant tout de ne pas gâcher leur vie, de faire des expériences enrichissantes et de parvenir à une forme d’accomplissement d’eux-mêmes. Ces sujets si homogènes aux injonctions du capital et à la forme contemporaine de l’exploitation, il est vrai que la matrice prolétarienne permettrait de les tenir à distance. Mais ce n’est pas un argument suffisant, et ceux qui voient dans les tentatives de description des comportements de ces sujets une focalisation sur une composante « petite-bourgeoise » ratent quelque chose d’essentiel. Car il est vrai qu’il n’y a que la dispersion irrémédiable des vies singulières. Ou : il est vrai qu’il n’y a pas de nécessité historique, ou de destination historiale, susceptible de faire support pour l’orientation de ces vies. Nous sommes alors reconduits à la question du choix, et plus précisément de ce qu’il peut avoir de coûteux et de paradoxal. Si les prolétaires sont « ceux qui n’ont à perdre que leurs chaînes » (Marx), que peut avoir à perdre le sujet politique qui n’est plus soutenu par la matrice prolétarienne ? Et d’où trouve-t-il la force ou l’énergie de se vouer malgré tout à la politique ?

3. On pourrait à bon droit juger déplacé le fait de considérer que la matrice prolétarienne est épuisée précisément au moment où tout semble indiquer son retour, et un retour sur une scène plus que jamais internationale. Tout annonce en effet que les rapports de classes sont loin de disparaître, et l’on peut parler aujourd’hui d’un « prolétariat-monde » que cristallise en particulier la figure du migrant. La gestion de ce prolétariat est l’un des problèmes cruciaux qui se posent aux hommes de pouvoir des pays riches, et son acuité ne pourra qu’être décuplée dans les années qui viennent. Mais la question est alors de savoir si l’on peut compter sur le développement inéluctable des conflits qui seront liés à l’existence de ce prolétariat-monde. Que l’on doive compter avec ne fait pas de doute. Mais n’avons-nous pas tout d’abord pour tâche d’initier une action qui, si elle peut un jour se révéler susceptible de polariser ces conflits, doit cependant dans un premier temps être conçue indépendamment du pronostic de leur expansion et de leur radicalisation « inéluctables » ?

4. Question subsidiaire enfin : qu’est-ce qu’une pensée politique dé-figurée ? Autrement dit, qu’est-ce qu’une politique qui conquiert l’abstraction ? Vieille question, posée par les avant-gardes du début du XXème siècle, mais qui est au fond restée cantonnée à ce qui est demeuré malgré tout le champ plus que jamais clos de l’art et de la culture. Peut-être notre présent impose-t-il de reprendre à nouveau cette question, et pour cela de la dégager de son entente culturelle. Il faudrait alors savoir si l’on doit aller dans le sens d’une (re)conquête de l’abstraction, ou bien si nous devons travailler à découvrir une figure nouvelle.

Source : http://www.cip-idf.org/article.php3?id_articl...


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Université ouverte 2009-2010 : La vie « militante » dans la politique et dans l’art

Après avoir travaillé sur le néolibéralisme et le gouvernement des individus, nous voudrions passer cette année à l’analyse des processus de subjectivation politique, toujours en s’appuyant sur les travaux de Michel Foucault.

« La révolution dans le monde européen moderne n’a pas été seulement un projet politique, elle a été aussi une forme de vie »

« Je crois donc que cette idée de la vie artiste comme condition de l’œuvre d’art, authentification de l’œuvre d’art, œuvre d’art elle - même, est une manière de reprendre , sous un autre jour, avec un autre profil, ce principe cynique de la vie comme manifestation de rupture scandaleuse, par où la vérité se fait jour, se manifeste et prend corps »

Michel Foucault, Le courage de la vérité - Le gouvernement de soi et des autres II, Cours au Collège de France. 1984

L’instauration de la démocratie (l’égalité des droits, le droit pour n’importe qui de prendre la parole, de prétendre dire vrai par rapport aux affaires de la polis) va de pair avec la constitution d’un sujet « éthique », d’une forme de vie. Ce processus de production de subjectivité ne constitue pas un simple supplément moral, mais une nécessité structurelle de la démocratie.

La formation du sujet éthique a donné lieu à une alternative qui a marqué profondément le monde occidental : d’une part une métaphysique de l’âme représentée par le platonisme (et sa traduction chrétienne) qui donne à la connaissance et au souci de soi la forme de la contemplation en établissant un double clivage (de l’âme et du corps, du monde vrai et du monde des apparences) et, d’autre part, une « esthétique de l’existence » incarnée, selon Foucault, par les philosophes « Cyniques ». Cette tradition mineure de la philosophie grecque donne à la connaissance de soi et au souci de soi la forme de l’exercice, de la pratique et de la mise à l’épreuve de soi, de la vie et du monde. Avec les cyniques, l’« esthétique de l’existence » prend la forme d’une expérimentation qui est à la fois un combat dans le monde et contre le monde, pour une « vie autre » et pour un « monde autre ».

A partir des cyniques, Foucault dessine la tradition d’une « vie militante » qui traverse toute l’histoire de l’Occident : une militance qui prétend changer à la fois les institution, les lois et la vie, un militantisme « ouvert et agressif ». Le scandale de la vie cynique a un triple héritage : les mouvements religieux tout au long du Moyen-âge et avant et après la réforme protestante, le militantisme révolutionnaire du XIXe siècle et la vie d’artiste.

Dans le militantisme du XIX siècle ce qui intéresse Foucault est la manière dont a été définie, caractérisée, organisée, réglée la vie comme activité révolutionnaire ou l’activité révolutionnaire comme vie sous les différentes formes de « sociétés sécrètes », de l’organisation instituée (syndicale et politique) et le « témoignage de la vraie vie par la vie elle-même ».

Le thème de la vie autre, le scandale d’une vie de combat dans le monde et contre le monde, on le retrouve aussi, toujours selon Foucault, dans l’art et dans les modes de vie des artistes.

« L’art moderne, anti-platonicien et anti-aristotélicien ; réduction, mise à nu de l’élémentaire de l’existence ; refus, rejet perpétuel de toute forme déjà acquise. Cet art moderne, sous ces deux aspects, a une fonction que l’on pourrait dire anti - culturelle. Il y a opposer, au consensus de la culture, le courage de l’art dans sa vérité barbare. »

Que la révolution politique doive s’accompagner d’une révolution moléculaire est une thématique également portée par Félix Guattari qui l’exprime de façon différente. Il s’agirait donc de problématiser le rapport entre politique et mode de vie, à partir de notre expérience de la démocratie, celle que l’on pratique, par exemple, dans la Coordination.

On utilisera les deux derniers cours de Foucault au Collège de France et notamment la deuxième partie du cours « Le Courage de la vérité » (1984), où la question de la « vie militante » est problèmatisée (à partir de la page 163).

Le programme est encore en chantier. Il y aurait trois séances sur cette thématique de la « vie militante » (deux à partir des cours de Foucault qui traitent de la question, une séance à partir de Guattari sur le même problème).

Les autres séances proposées :

-  Sur l’évaluation, de l’évaluation des choses, des fonctions à l’évaluation des hommes et de leur subjectivité, avec Bertrand Ogilvie.

-  RSA /Nouveau modèle d’indemnisation du chômage des salariés à l’emploi discontinu ; mouvements sociaux et traduction étatique.

-  ...


Les séances auront lieu en principe le 3e jeudi de chaque mois à 18h30 à la coordination des intermittents et précaires, 14 quai de charente, Paris 19e, M° Corentin Cariou, Ligne 7, et sont suivies du partage d’une soupe ou d’autres victuailles.

RDV à 18h30 les jeudi

Source : http://www.cip-idf.org/article.php3?id_articl...

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/10786