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vendredi 15 janvier 2010 à 20h30

Nos lieux interdits

La séance du vendredi 15 janvier à 20h30 à Utopia Saint-Ouen sera suivie d’une rencontre avec Annie Delaye, responsable de la coordination Maroc de la section française d’Amnesty International et Gérald Collas, le producteur du film.


Nos lieux interdits

Leïla KILANI - documentaire France 2009 1h48mn VOSTF -

Du 15/01/10 au 18/01/10

NOS LIEUX INTERDITS

Il y a quelque chose de pourri au Royaume du Maroc. Sous le vernis des Palais Royaux, du faste de la cour et de son protocole d’un autre siècle, gît un passé bien lourd à porter, comme un cadavre encombrant dont on ne sait trop comment se débarrasser. Quand on parle du Maroc, on entend souvent dire que la politique de fer de feu le roi Hassan II avait su si bien museler les mouvements radicaux islamistes que ce pays était l’un des rares de la région à avoir connu une relative sécurité intérieure.

Ce que l’on sait un peu moins et que l’on découvre avec ce formidable documentaire, c’est que cette apparente tranquillité s’est en réalité construite sur un véritable cauchemar national digne des grandes dictatures du xxe siècle : exécutions sommaires, tortures, enlèvements et disparitions érigés en système de gouvernance. Sur l’échelle cynique des régimes autoritaires, celui d’Hassan II n’est pas trop mal placé aux côtés du Chili de Pinochet, de l’Argentine de Videla ou de l’Espagne de Franco. Et de cynisme, le roi n’en était pas dépourvu lorsqu’il déclarait à Anne Sinclair lors d’une émission spéciale 7/7 tenue dans l’un de ses nombreux palais (déjà, à cette époque TF1 et le pouvoir roulaient pour la Royauté) que Tazmamart était la capitale d’une « région touristique » du pays. A l’époque, on savait très bien que ce lieu perdu, situé au au Sud Est du Maroc au pied des montagnes de l’Atlas, était l’endroit où Hassan II avait fait construire un bagne dans lequel il faisait incarcérer, puis disparaître les opposants ou simples contestataires à son régime.

Entre 1960 et 1980, des centaines d’opposants politiques sont morts et des milliers ont disparu sans laisser de traces. En 2004, une Instance « Équité et Réconciliation », mise en place par Mohamed VI, a enquêté sur ces violences d’état afin d’indemniser les familles victimes... Pourtant, au delà du travail de mémoire indispensable, on sent bien que le régime actuel ne sait trop que faire de ce passé encombrant et que, d’une certaine manière, cette Instance est aussi là pour calmer les esprits, offrant d’une main une écoute, un réconfort, une reconnaissance de la souffrance passée, serrant d’une autre les boulons d’une démocratie où l’on peut encore aller en prison pour s’être moqué de la famille Royale.

Nos lieux interdits a été tourné pendant le temps où s’est tenue au Maroc l’enquête de l’Instance équité et réconciliation, entre 2004 et 2007. Durant ces trois ans, le film accompagne quatre familles dans leur quête de la vérité alors que plusieurs des leurs ont été emprisonnés et d’autres portés disparus. « L’enjeu du film, explique la réalisatrice, est de faire exister des gens qui ont été effacés politiquement au point de disparaître au sein de leurs familles. »

Sans pathos, sans commentaire autre que la parole des familles ou des anciens détenus, Nos lieux interdits invite à la réfléxion sur le temps passé, mais aussi sur le présent. La force des témoignages des vivants, en particulier ceux d’une jeunesse à qui l’on a souvent caché ce passé, sont un émouvant et respectueux hommage aux disparus et un appel à la vigilance de tous les instants.

Source : http://www.cinemas-utopia.org/saintouen/index...

Lien : https://paris.demosphere.net/rv/10394